Théologie : Différence entre versions
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Version du 19 février 2022 à 12:22
La théologie est la « science de Dieu et de son oeuvre »[1]. C’est une « discipline qui s'efforce de donner un énoncé cohérent des doctrines de la foi chrétienne, basé principalement sur les Écritures, placé dans le contexte de la culture en général, exprimé dans un langage contemporain, et lié aux questions de la vie »[2].
Le mot théologie provient du grec theologia, construit à partir de « theo » (Dieu) et de « logia » (discours raisonné). Bien qu’il se rencontre déjà dans la République de Platon, il n’a pas tout à fait la signification que nous lui reconnaissons. Étymologiquement, la théologie se veut une logia sur le theos, c’est-à-dire une parole traitant de Dieu (logos peri theou), ou « un discours sur Dieu, et en conséquence sur l’homme et sur le monde »[3]. Les Pères de l’Église lui donnent habituellement le sens exclusif de doctrine de Dieu, tandis que sa définition actuelle remonte à Abélard au XIIe siècle.
La théologie chrétienne part du présupposé que « Dieu s’est incontestablement auto-révélé ; en d’autres mots, elle suppose l’existence, l’auto-révélation et la connaissabilité de Dieu.[4] » Elle est avant tout une écoute de ce que Dieu dit. Dans la tradition de la Réforme, c’est à la lumière de la Révélation que s’opère cette activité, qui concerne Dieu en ce qu’il s’est révélé, et au contenu de cette Révélation. Dans cette perspective, la théologie cherche à comprendre Dieu tel qu’il s’est manifesté à l’homme dans l’histoire du salut, et la réalité à la lumière de ce que Dieu en dit. « Dans son sens restreint, la théologie peut donc être définie comme la doctrine de Dieu. Mais dans son sens large et plus habituel, le terme en est venu à désigner toutes les doctrines chrétiennes, non seulement la doctrine précise de Dieu, mais aussi toutes les doctrines qui traitent des relations que Dieu entretient avec l’univers. Dans ce sens large, nous pouvons définir la théologie comme la science de Dieu et de ses relations avec l’univers »[5]. La théologie est, enfin, « l’application de l’Écriture à toutes les dimensions de l’existence humaine »[6].
Historique
Dans cet historique nous nous limiterons à la théologie chrétienne. Nous suivrons, entre autres, l’enseignement d’Henri Blocher, notamment celle que l’on retrouve dans sa série de conférences sur l’histoire des dogmes, mais aussi dans son ouvrage d’introduction à la théologie[7].
La théologie apostolique
Les apôtres sont les envoyés autorisés du Seigneur qu’ils représentent. Il y a dans l’Église primitive une reconnaissance du charisme apostolique (1 Co 14) dont le témoignage concerne essentiellement les événements de la vie du Christ. Les apôtres sont les témoins oculaires du Seigneur ressuscité. Être témoin oculaire du ministère terrestre du Christ et de sa résurrection est d’ailleurs une condition nécessaire pour être apôtre (Ac 1.21). Les apôtres sont les dépositaires de l’enseignement du Seigneur qu’ils ont pour responsabilité de transmettre aux chrétiens, à l’Église. Leur enseignement comprend, comme l’explique Henri Blocher, le « témoignage des événements clés de la mission du Christ et l’interprétation de l’Ancien Testament[8]. » L’autorité dans l’Église relève de leur office. Les membres de l’Église sont appelés à recevoir la tradition des apôtres, à la garder en tant que dépôt pour les générations qui viennent (voir Tite et Thessaloniciens 1 et 2). La reconnaissance des écrits des apôtres se rencontre déjà en 2 Pierre 3 où les Épîtres de Paul sont reconnus par Pierre, de même qu’en 1 Timothée 5 où l’évangile est associé au reste de l’Ancien Testament. C’est donc dire que l’autorité apostolique est normative, à la différence de celle des prophètes et docteurs (de l’Église primitive) qui n’est que seconde, relative et qui doit être pesée par la doctrine apostolique (voir 1 Jean, pour le discernement des esprits : seul les esprits qui écoutent l’enseignement des apôtres est de Dieu, 1 Th 5.18 et Rm 12 : analogie (au sens de proportion) de la foi (fort probablement au sens de foi objective, celle transmise aux saints) donc dans les lignes de la foi transmise par les apôtres). Il semble que 1 Co 15 comprenne des abrégés de la foi, autrement dit un aide-mémoire servant à préserver les vérités fondamentales de l’Église primitive. Dans les épîtres à Timothée, de semblables formules dignes de confiance semblent résumer les grandes doctrines de l’âge apostolique.
La théologie patristique
La théologie primitive fait une distinction entre la période apostolique et celle des Pères de l’Église. Les Pères apostoliques n’appartiennent pas, contrairement au nom qu’on leur donne, à l’âge apostolique[9] Néanmoins, leur théologie se veut traditionnelle, au sens le plus biblique et le moins péjoratif du terme. Autrement dit, la tradition, selon la définition de Marc Lods, « est la transmission de l’Écriture sainte, ce qui signifie, non seulement l’élaboration et la conservation du canon scripturaire, mais aussi la prédication dans l’Église du témoignage rendu au Christ par les apôtres, et confessé comme le signe même de l’existence et de l’unité de l’Église.[10] » La tradition peut être transmise par différentes modalités (oral ou écrit). Les principaux Pères apostoliques sont Clément de Rome (? - 101) propose une réfutation de la gnose, Ignace d’Antioche (? - entre 105 et 135), Papias de Hiérapolis (? - v. 140). « La théologie des pères Apostoliques est une théologie trinitaire qui confesse le Symbole Apostolique, et sans utiliser ce terme, l'unité d'essence du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Elle est essentiellement christologique, mais aussi ecclésiologique (définition de l'Eglise et de ses ministères, vie de l'Église). Elle accorde aussi une grande place à l'éthique qui affiche une certaine tendance ascétique[11]. » .
Au IIe siècle, c’est pour faire œuvre d’apologie que les Pères apologistes rédigent leurs ouvrages théologiques. Ils défendirent la foi contre les attaquent des païens et des juifs qui les accusent, par exemple, d’athéisme et d’incivisme, si ce n’est d’immoralité. Ils répondent aussi au gnosticisme.
Au IIIe siècle, tant les Pères grecs et que les Pères latins[12] poursuivent l’apologie malgré de nouvelles vagues de persécution. Origène, souvent considéré comme le père de l’exégèse biblique, élabore des principes herméneutiques, notamment la théorie des quatre sens (les quatre sens sont : 1) le littéral ; 2) l’allégorique ; 3) le tropologique ; 4) l’angogique). Au IVe siècle, à travers les écrits patristiques, les dogmes s’éclaircissent. Le premier concile de Nicée, dont les affirmations seront fondamentales pour la théologie chrétienne, tant catholique et orthodoxe que protestante, a lieu en 325. Saint-Augustin s’oppose au manichéisme, au donatisme et au pélagianisme. Pour Saint Augustin, comme pour Saint Anselme plus tard, « le chrétien doit aller de la foi à l'intelligence, et non pas de l'intelligence à la foi[13] ».
La théologie médiévale
La théologie post-patristique
La théologie médiévale est d’abord marquée par les controverses iconoclastes, du Filioque, de la prédestination et de la cène. La querelle du Filioque oppose l'Église romaine et l'Église grecque sur la question de la Trinité. Si l’autorité de l’Écriture est confessée par les chrétiens durant tout le Moyen Âge, l’indistinction entre autorité de l’Écriture et autorité de l’Église est profonde.
Du côté catholique, la position semi-pélagienne est adoptée : l’homme, parce qu’il n’est pas complètement mort spirituellement, peut coopérer avec Dieu pour son salut, d’où le surgissement des doctrines du purgatoire, l’intercession à Marie et aux saints, le sacrifice de la messe et la transsubstantiation[14].
La théologie scolastique
La théologie scolastique, comme son nom l’indique, relève de l’école, de l’université. À partir du XIe et du XIIe siècle, la formulation et la compréhension de la foi prennent le dessus sur sa défense. L’influence d’Aristote (384-322 av. J.-C.), redécouvert, se fait sentir au sein des universités urbaines nouvellement créées. Cette « émancipation » de la raison aura pour conséquence la promotion de la théologie comme discipline autonome domaine du savoir. Pierre Lombard (vers 1100-1160, théologien et évêque italien, met au point une méthode scolastique basée sur des questions et des discussions. Il est surtout connu pour ses Quatre livres des sentences (1152), aussi appelé Le livre des sentences, qui serviront de base à la Somme théologique de Thomas D’Aquin (1225-1274). Ce dernier, grand représentant de la philosophie scolastique, marie la théologie chrétienne à la philosophie aristotélicienne.
La théologie de la Réforme
La théologie de la Réforme a été préparée par plusieurs théologiens et, notamment, par les pré-réformateurs, spécialement John Wycliff (1330-1384) et Jan Hus (v. 1370-1415). Tandis que, à l’époque de la théologie scolastique, Henri de Gand (1217-1293) n’avait fait qu'effleurer la question d’un possible écart entre autorité scripturaire et autorité ecclésiastique, Wycliff, au XIVe siècle, est allé beaucoup plus loin, affirmant la priorité de l’autorité de l’Écriture sur celle de l’Église. « Wyclif, une première fois et dans un moindre degré, Hus, puis tout l'humanisme ont insisté sur le point fondamental de l'enseignement traditionnel de l'Eglise ; l'autorité souveraine de l'Ecriture sainte[15]. » Mais c’est au XVIe siècle, au siècle de la Réforme, qu’est pleinement consommée cette critique de l’Église sur la base de l’Écriture. Pour Martin Luther (1483-1546), l’autorité de la Bible prime, elle est absolue : « L’âme peut se passer de tout, sauf de la Parole de Dieu[16]. » De ce fait, l’autorité biblique ne saurait souffrir d’être partagée, voire dépassée, par l’autorité du Pape. Deux principes s’imposent aux réformateurs : 1) Sola scriptura (par l’Écriture seule), qui est appelé le principe formel, car il indique comment procéder pour croire ; 2) Sola fide (par la foi seule), qui a été appelé le principe matérielle de la Réforme, car il relève du contenu[17]. Jean Calvin (1509-1564) subit l’influence de la théologie de Luther et, comme ce dernier, de celle d’Augustin. En plus d’insister sur la dépravation totale de la nature humaine, il confesse l’élection inconditionnelle, l’expiation limitée, la grâce irrésistible et la persévérance des saints. À « l’inefficacité des œuvres pour le salut » il répond par « la justification sola gratia et sola fide[18]. » En réaction à la Réforme, les catholiques réponderont par la Contre-Réforme, c’est-à-dire par la réaffirmation de leurs dogmes.
La théologie moderne
Devant la modernité scientifique et de Descartes, la théologie catholique, comme avec la Contre-Réforme, campe sur ses positions. La modernité fait quelques percées du côté catholique, notamment avec le rationalisme théologique de Nicolas Malebranche (1638-1715). C’est néanmoins le néothomisme qui aura le dernier mot à partir du XIXe siècle. Du côté protestant, le saut dans la modernité est beaucoup plus aisé. Les protestants font preuve d’une ouverture qui conduira certaines branches au libéralisme. Les influences de Descartes, de Leibniz et de Kant finissent par être déterminantes pour un grand nombre de théologiens. Friedrich Schleiermacher, père de la théologie libérale et de l’herméneutique moderne, base son système théologique sur l’autonomie de la conscience religieuse. La théologie néo-calviniste fleurit aux Pays-Bas sous les auspices d’Abraham Kuyper qui maintient l’attachement rigoureuse à la Bible. C’est la théologie de l’Alliance qui sert de principe organisateur pour le développement de la théologie réformée. La théologie évangélique, quant à elle, bénéficie des avancées académiques dans plusieurs domaines (histoire, langue, etc.), comme en témoignent les travaux de Benjamin B. Warfield et Charles Hodge, qui s’opposèrent académiquement au libéralisme.
La théologie contemporaine
Après la Première Guerre mondiale, la théologie en crise est renouvelée par la néo-orthodoxie ou dialectique de Karl Barth, qui s’oppose à la théologie libérale, en particulier à celle de Schleiermacher, avec laquelle il n’a cessé de débattre. Née en réaction à l’échec théologique du libéralisme, la néo-orthodoxie est inaugurée par la publication du Commentaire de l’épître aux Romains par Barth en 1919. La Dogmatique de Barth, dont le premier de douze volumes paraît en 1932, est aussi géniale que monumentale.
Malgré cette résurrection de la théologie chrétienne, la déchristianisation de l’Occident la maintient en situation de crise. Le conflit des interprétations notables est de nos jours notables : théologie de la libération, théologie féministe, fondamentalisme, etc.
Branches
Il sera maintenant question des branches principales de la théologie. Toute étude sérieuse de la Parole de Dieu interpelle les différentes disciplines que nous allons considérer. Rejetant le modèle en quatre parties, soutenu, notamment, par Müller et Ebeling, nous suivrons plutôt la proposition de synthèse de l’« encyclopédie biblio-théologique » d’Amar Djaballah, qui est une explicitation du modèle d’Henri Blocher. Selon ce modèle, la théologie historique diffère de l’histoire de l’Église et contribue à la théologie systématique. La ligne solide qui connecte l’exégétique, le biblique et la systématique représente la ligne d’autorité, étant donné que chacune de ces disciplines interagit directement avec l’Écriture. L’exégèse détermine le sens du texte biblique. La théologie biblique décrit la révélation progressive trouvée dans l’Écriture. La théologie systématique exprime les croyances des chrétiens et des Églises en accord avec l’enseignement de l’Écriture.
L’exégèse biblique
L’exégèse biblique vise à déterminer le sens du texte biblique et comprend tout ce qui contribue à cette tâche, allant de de l’étude des langues à la restauration du texte, en passant par l’herméneutique, par l’introduction et l’archéologie. Cette discipline se place au plus près du langage tel qu’il était compris par les contemporains de l’époque de rédaction. « L’exégèse répond aux questions “Que dit ce texte ?” et “Que voulait dire l’auteur ?”[19]» En général, l’exégèse est nécessaire « chaque fois qu’un texte soulève un intérêt durable ou est toujours considéré comme important, comme c’est le cas des lois, des traités ou des classiques de la littérature[20]. »
La théologie biblique
La théologie biblique a pour but de décrire la révélation progressive telle qu’on la retrouve dans les Écritures. Elle « répond à la question “Comment Dieu a-t-il révélé sa Parole historiquement et organiquement?”[21] » Elle comprend deux sous-disciplines : la théologie de l’Ancien Testament et la théologie du Nouveau Testament. Elle dépend de l’exégèse et elle est liée, même si elle s’en distingue, dans une relation d’aide mutuelle, avec les autres disciplines de la théologie : apologétique, théologie systématique, théologie pratique, etc. Elle présuppose, en outre, l’unité du canon biblique. « La théologie biblique s'intéresse en priorité au message théologique global de l'ensemble de la Bible. Elle cherche à en comprendre les différentes parties dans leur rapport à l'ensemble et, dans ce but, elle doit prendre en compte l'interaction des dimensions littérai- res, historiques et théologiques des différents corpus, et les relations qui les lient au sein du canon scripturaire.[22] »
La théologie systématique
La théologie systématique, souvent synonyme de théologie dogmatique, « consiste à rassembler et à comprendre tous les passages bibliques en rapport avec différents sujets, puis à résumer clairement leur enseignement afin d'établir ce qu'il faut croire concernant chacun de ces sujets[23]. » La dogmatique, nous dit Bavinck, présente les dogmes de l’Église : « un dogme est toujours fondé sur un prononcement, de la part de Dieu, d’un gouvernement ou d’une église[24] ». À partir des matériaux de l’exégèse et de la théologie biblique, la théologie systématique opère la synthèse des croyances chrétiennes et des Églises le plus fidèlement possible quant à la conformité à l’enseignement de l’Écriture. Le théologien systématicien cherche à répondre à la question : « Que dit la Bible sur tel ou tel sujet » ? Il présente ensuite les réponses pour chaque sujet de manière ordonnée, didactique.
L’éthique chrétienne
On appelle l’éthique chrétienne la réflexion sur le bien et le mal du point de vue du canon biblique. « Mais deux raisons rendent indispensable la révélation spéciale pour son exact déchiffrement : les perturbations qu'inflige le péché compliquent désespérément la lecture ; la liberté de Dieu au-dessus de sa création impose une réserve, une suspension de jugement, tant que l'apparence d'une norme dans la nature n'est pas confirmée par le Souverain lui-même[25]. » L’éthique chrétienne se distingue de l’éthique philosophique par ses devoirs non seulement envers l’humanité, mais aussi envers Dieu, ainsi que par son désir d’aimer Dieu, désir qui s’accompagne d’une soumission volontaire à son égard[26].
L’apologétique
L’apologétique, ce que les catholiques nomment la théologie fondamentale, est la défense de la foi. Elle vise à présenter les données bibliques dans un langage raisonnable afin de convaincre l’auditeur de leur véracité. Les Écritures nous encouragent à le faire avec foi et raison. « N’ayez d’eux aucune crainte, et ne soyez pas ; Mais sanctifiez dans vos cœurs Christ le Seigneur, étant toujours prêts à vous défendre avec douceur et respect, devant quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous, et ayant une bonne conscience, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ceux qui décrient votre bonne conduite en Christ soient couverts de confusion » (1 Pi 3.14b-16). L’apôtre Paul parle, en Philippiens 1.7, de « la défense et la confirmation de l’Évangile ».
La théologie pratique
La théologie pratique traite de l’application de la connaissance de Dieu et de son œuvre à la vie pratique. Souvent synonyme de théologie pastorale, elle répond à la question : « “Comment les être humains doivent-ils répondre à la révélation divine ?” Parfois, la Parole de Dieu elle-même répond à cette question, parfois il faut le déduire des Écritures[27]. »
Remarques
La connaissabilité de Dieu
La théologie réformée maintient que Dieu peut être connu, mais qu’il est impossible pour l’homme d’en avoir une connaissance exhaustive et parfaite[28]. Que l’on ne peut pas tout connaître de Dieu ne veut pas dire qu’il ne soit pas possible d’avoir une vraie connaissance de qui il est. Selon Berkhof, d’une part Dieu est incompréhensible, mais connaissable; d’autre part, Dieu doit s’auto-révélé pour que l’homme puisse le connaître[29]. La connaissance théologique est circonscrite par ce que Dieu révèle de lui-même. « Toutes les religions et toutes les philosophies sont un témoignage de l’effort passionné de l’homme à la recherche de la vérité et de la connaissance de Dieu »[30]. Or Dieu, par définition, transcende ce que nos esprits créaturels et limités peuvent concevoir (És 55.9 ; 1 Tim 6.15-16). Pour que nous puissions le connaître à salut, il est nécessaire qu’il se révèle de manière particulière. Suite à la chute, l’homme a brisé la relation avec son Créateur, et se trouve désormais dans un état d’aveuglement (1 Co 2.9-10, 2 Co 4.4) et de mort spirituelle (Gn 2.17, 3.24, Eph 2.1, 5). La théologie est donc doublement conditionnée par la révélation que Dieu nous communique et la capacité de l’homme de la comprendre.
Nous rejetons les hypothèses voulant que la communication surnaturelle soit impossible[31] et que cette révélation, survenue dans le passé, n’est, pour nous aujourd’hui, plus disponible comme communication personnelle, à cause de la distance temporelle et culturelle qui nous sépare[32]. Nos postulats sont que Dieu communique avec nous par sa Parole (És 1.2) et que nous avons les capacités de compréhension nécessaires à son message, d’où l’importance de s’investir dans ce sujet.
Principes évangéliques
Il est aisé d’identifier à la « théologie » n’importe quel discours qui emploie les mots « Dieu », « Bible », « spirituel », etc. Il en faut plus pour qu’il s’agisse de théologie légitime. Quelles sont, par définition, les caractéristiques de la théologie ? Pour Millard Erickson, au moins cinq éléments caractérisent la théologie évangélique[33].
Biblicité
Premièrement, la biblicité. Une théologie qui n’est pas biblique est une fausse théologie. Elle doit utiliser les méthodes et outils des études bibliques, de l’exégèse, adopter une herméneutique elle-même biblique, dans le but de découvrir le sens authentique du texte. Ceci n’exclut pas l’apport de vérités provenant d’autres sources, pour autant qu’elles soient considérées comme révélation générale de Dieu à partir d’une vision chrétienne du monde et subordonnées à la vérité scripturaire[34].
Systématicité
Deuxièmement, la systématicité. La théologie doit s’efforcer de faire la synthèse de l’ensemble des données bibliques. Le théologien cherche la cohérence. Il lui importe de rechercher tout le conseil de Dieu afin de produire une synthèse harmonieuse et cohérente. Le sens de tout passage dépend de son contexte. Malgré sa grande diversité, la Bible forme un tout sans contradiction. De la sorte, les passages clairs éclairent les passages difficiles.
Culturalité
Troisièmement, la culturalité. Par le terme de culture, Erickson fait surtout référence au dialogue avec les problématiques provenant de la culture générale et de l'apprentissage. Pour lui, la théologie adresse aussi « les questions de culture générale et d'apprentissage. Par exemple, elle tente de relier son point de vue des origines aux concepts avancés par la science (ou, plus correctement, des disciplines telles que la cosmologie), sa vision de la nature humaine à la compréhension psychologique de la personnalité, sa conception de la providence au travail de philosophie historique[35] », et ainsi de suite. Elle doit abattre les barrières culturelles, afin d’être pertinente pour la culture dans laquelle elle opère et à laquelle elle s’adresse.
Contemporanéité
Quatrièmement, la contemporanéité. Bien que des vérités universelles puissent être extraites de la Bible, le théologien doit les reformuler dans un langage compréhensible par ses contemporains. L’Écriture est encastrée dans des réalités historiques, chaque livre s’adressant à l’origine à des destinataires particuliers. Une bonne théologie prend en compte la compréhension des premiers destinataires et celle de notre époque. Une théologie contemporaine applique les vérités concernant Dieu aux questions et aux défis d’aujourd’hui. C’est seulement en abattant les barrières culturelles qu’elle peut prétendre à la pertinente pour la culture dans laquelle elle opère et à laquelle elle s’adresse.
Praticité
Cinquièmement, la praticité. Toute théologie doit être pratique. Elle n’est pas seulement une doctrine abstraite, mais est reliée à la vie. La vérité a des implications concrètes d’une manière ou d’une autre. « Il faut noter, cependant, que la théologie ne doit pas se préoccuper principalement des dimensions pratiques. L'effet pratique ou l'application d'une doctrine est une conséquence de la vérité de la doctrine, et non l'inverse[36] ».
Théologie et application
Que nous en soyons conscients ou non, nous faisons tous de la théologie, que ce soit dans son sens propre, ce que nous appelons la doctrine de Dieu (usus specialis), ou en tant que traitant des relations que Dieu a avec le reste de l’Univers[37], ce qui est la doctrine chrétienne toute entière (usus generalis)[38]. Nous ne la faisons pas nécessairement de manière académique ou professionnelle, mais nous sommes impliqués dans la théologie au quotidien, bien plus souvent que nous le pourrions penser. Le théologien systématique Henry Thiessen représente bien cette réalité lorsqu’il déclare: « Même ceux qui refusent de formuler leurs croyances théologiques ont des idées assez précises en ce qui concerne les principaux sujets de la théologie »[39]. Les locutions communes suivantes : « Tu ne peux perdre ton salut »; « Jésus est le fils de Dieu »; et « Jésus revient bientôt », sont toutes des déclarations qui impliquent une théologie systématique. Chaque fois que nous pensons à un sujet concernant Dieu, que nous partageons l’Évangile, que nous interprétons un passage de la Bible, que nous défendons notre foi, que nous prions ou que nous sommes engagés dans une lutte contre la tentation, nous faisons des discours et des énoncés concernant Dieu selon une théologie systématique.
Notes et références
- ↑ Henri BLOCHER, Prolégomènes. Introduction à la théologie évangélique, Vaux-sur-Seine Vaux-sur-Seine, Faculté libre de Théologie Évangélique, 1976.
- ↑ Millard J. ERICKSON, Christian Theology, vol. 1, Grand Rapids, Baker, 1983, p. 9.
- ↑ LE ROBERT, « Théologie », Paris, 2009, p. 1878.
- ↑ Herman BAVINCK, Reformed Dogmatics - Prolegomena, vol. 1, édité par John Bolt, Grand Rapids, Baker Academic, 2003, p. 38.
- ↑ Henry C. THIESSEN, Guide de doctrine biblique, Burlington, Para, 2004. p. 2.
- ↑ John FRAME, Salvation Belongs to the Lord: An Introduction to Systematic Theology, Phillipsburg, P&R Publishing, 2006, p. 80 ; The Doctrine of the Knowledge of God, Phillipsburg, P&R Publishing, 1987, p. 76.
- ↑ Henri BLOCHER, op. cit.
- ↑ Henri BLOCHER, Histoire des dogmes I, conférence, 1981.
- ↑ J.T. LIENHARD, Apostolic Fathers, dans The Dictionary of Historical Theology, Carlisle, Paternoster Press, 2000, p. 22. Dans son usage moderne, le terme de Pères de l’âge apostolique renvoie à cinq écrivains à sept ou huit documents ou groupes de documents.
- ↑ Marc LODS, Protestantisme et tradition de l’Église, édité par J.-N. PÉRÈS et J.-D. DUBOIS, Paris, 1988 p. 64.
- ↑ Wilbert KREISS, Précis d’histoire des dogmes, https://www.egliselutherienne.org/wp-content/uploads/Bibliotheque/Precis-d-Histoire-des-Dogmes-Kreiss.pdf, p. 1.
- ↑ Voir Hans von CAMPENHAUSEN, Les Pères grecs et Les Pères latins, éditions de l'Orante, coll. « Livre de vie », Paris, 1963.
- ↑ Étienne GILSON, Études de philosophie médiévale, Paris, Vrin, 1969, p. 19.
- ↑ Paul ENNS, Introduction à la théologie, Publications chrétiennes, Trois-Rivières, 2009, p.459.
- ↑ Pierre CHAUNU, Le Temps des Réformes. La Crise de la Chrétienté 1250-1550, Paris, Fayard, 1975.
- ↑ Martin LUTHER, WA 7, 22, p. 9-11.
- ↑ Henri BLOCHER, Histoire des dogmes V, conférence, 1982.
- ↑ Alasdair HÉRON, « Calvin », dans Jean-Yves LACOSTE, sous dir., Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, p. 233.
- ↑ Don CARSON, « Comment lire la Bible et en tirer une bonne théologie », traduit par Ellen Zevounou, 2016, https://evangile21.thegospelcoalition.org/article/comment-lire-la-bible-et-en-tirer-une-bonne-theologie/
- ↑ Anthony E. HARVEY, « Exégèse », dans Jean-Yves LACOSTE, sous dir., Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 2007, p. 535.
- ↑ CARSON, op. cit.
- ↑ Brian S. ROSNER, « La théologie biblique », dans T. Desmond ALEXANDER et Brian S. ROSNER, Dictionnaire de théologie biblique, Cléon d’Andran, Excelsis, p. 3.
- ↑ Wayne GRUDEM, Théologie systématique, Cléon d’Andran, Excelsis, 2012, p. 1.
- ↑ Herman BAVINCK, Reformed Dogmatics. Prolegomena, vol. 1, édité par John Bolt, Grand Rapids, Baker Academic, 2003, p. 29
- ↑ Henri BLOCHER, « Pour fonder une éthique évangélique », Fac-Réflexion n°40-41–mars/avril 1997, p. 20-34.
- ↑ Henry C. THIESSEN, op. cit. p. 2.
- ↑ CARSON, op. cit.
- ↑ BERKOFF, op. cit., p. 30. « Finitum non possit capere infinitum ».
- ↑ Louis BERKHOF, Systematic Theology, Eerdmans, Grand Rapids, 1949. Voir aussi la traduction française du «La connaissabilité de Dieu» in La revue réformée, N° 222 – 2003/2 – MARS 2003 – TOME LIV.
- ↑ René PACHE, L’inspiration et l’autorité de la Bible, Saint-Légier, Éditions Emmaüs, 1992, p. 11.
- ↑ René PACHE, ibid. « Certains philosophes l’ont niée en disant : Comment l’infini pourrait-il communiquer avec le fini, et le Créateur avec la créature? La vérité absolue serait-elle exprimable dans les termes relatifs du langage humain? » p. 12.
- ↑ FRAME, The Doctrine of the Knowledge of God, op. cit., p. 3 ou 4.
- ↑ Millard J. ERICKSON, op. cit., p. 21-22.
- ↑ Cornelius VAN TIL, In defense of the Faith. A Survey of Christian epistemology, Volume II, Philadelphie, Westminster Theological Seminary, 1969, p. 10.
- ↑ Millard J. ERICKSON, op. cit., p. 21. Notre traduction.
- ↑ Ibid., p. 22.
- ↑ Henry THIESSEN, op. cit., p. 2.
- ↑ MULLER, op. cit., p. 65.
- ↑ THIESSEN, op. cit., p. 4.
Bibliographie
- BAVINCK, Herman, Reformed Dogmatics - Prolegomena, vol. 1, édité par John Bolt, Grand Rapids, Baker Academic, 2003.
- BARDY, Gustave, La Théologie, de l'Église de saint Irénée au Concile de Nicée, Paris, Cerf, coll. « Unam Sanctam », 1947.
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Voir aussi
Alliance, Amos, Anthropologie biblique, Apologétique, Bouddhisme, Expérience religieuse, Herméneutique biblique, Histoire de l'Église, Histoire de l'Église presbytérienne au Canada, Inerrance, Jacques, Hus (Jan), Manuscrits de la mer Morte, Messie, Michée (Livre de), Mission de la Grande Ligne, Nouvelle perspective sur Paul, Œuvre du Saint-Esprit dans l’histoire du salut (L'), Piétisme, Prologue de Jean, Psaume 69, Quête du Jésus historique, Terre promise, Théologie biblique, Théologie de l'alliance, Théologie historique, Théologie systématique, Van Til (Cornelius)