Prologue de Jean : Différence entre versions
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1.17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. | 1.17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. | ||
− | 1.18 Personne n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait connaître<ref>Notre traduction suit celle de Louis Second</ref>. | + | 1.18 Personne n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait connaître<ref>Notre traduction suit celle de Louis Second</ref>.|} |
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===Problèmes de traduction=== | ===Problèmes de traduction=== |
Version du 3 juin 2020 à 06:52
On entre dans l’Évangile de Jean « par un majestueux portique »[1]. Pourtant, en raison de son caractère ancien, nous devons en étudier les matériaux pour en comprendre la signification profonde. Une première lecture du prologue de Jean suffira à nous convaincre de l’ampleur métaphysique des énoncés et, du même coup, de l’importance d’une étude sérieuse, que l'herméneutique biblique permet d’encadrer[2]. C’est dans un esprit de confiance que nous tenterons d’accomplir cet exercice, en tant que croyant, pour construire plutôt que pour déconstruire. Nous commencerons par des préliminaires herméneutiques, poursuivrons par une exégèse, pour finir par une synthèse et une application. L’analyse sémantique, constitue notre exégèse. Elle reprend les sections de l’étude structurale des préliminaires. Notre « raison de recourir à l’exégèse […], c’est qu’elle nous invite à ne pas séparer les figures de Dieu des formes de discours dans lesquelles ces figures adviennent »[3]. Le sens passe toujours par la médiation du texte. Dans Le conflit des interprétations, Paul Ricœur entend justement par forme de discours l’hymne et le psaume que notre écrit aborde. Nous chercherons de ce fait à aller au-delà d’une lecture superficielle du texte.
Sommaire
- 1 Préliminaires
- 2 Exégèse
- 2.1 Analyse sémantique
- 2.1.1 Dieu avec Dieu (1-2)
- 2.1.2 Médiation de la Création (3)
- 2.1.3 Vie et lumière (4-5)
- 2.1.4 Témoignage de Jean-Baptiste (6-8)
- 2.1.5 Venue dans le monde (1.9)
- 2.1.6 Ceux qui rejettent
- 2.1.7 Ceux qui acceptent (10-11)
- 2.1.8 Venue dans le monde (14)
- 2.1.9 Témoignage de Jean-Baptiste
- 2.1.10 Les grâces du Rédempteur (16)
- 2.1.11 Médiation de la Rédemption (17)
- 2.1.12 Dieu avec Dieu (18)
- 2.1 Analyse sémantique
- 3 Synthèse
- 4 Application
- 5 Conclusion
- 6 Notes et références
- 7 Bibliographie
Préliminaires
Traduction
1.1 εν αρχη ην ο λογος και ο λογος ην προς τον θεον και θεος ην ο λογος
1.2 ουτος ην εν αρχη προς τον θεον 1.3 παντα δι αυτου εγενετο και χωρις αυτου εγενετο ουδε εν ο γεγονεν 1.4 εν αυτω ζωη ην και η ζωη ην το φως των ανθρωπων 1.5 και το φως εν τη σκοτια φαινει και η σκοτια αυτο ου κατελαβεν 1.6 εγενετο ανθρωπος απεσταλμενος παρα θεου ονομα αυτω ιωαννης 1.7 ουτος ηλθεν εις μαρτυριαν ινα μαρτυρηση περι του φωτος ινα παντες πιστευσωσιν δι αυτου 1.8 ουκ ην εκεινος το φως αλλ ινα μαρτυρηση περι του φωτος 1.9 ην το φως το αληθινον ο φωτιζει παντα ανθρωπον ερχομενον εις τον κοσμον 1.10 εν τω κοσμω ην και ο κοσμος δι αυτου εγενετο και ο κοσμος αυτον ουκ εγνω 1.11 εις τα ιδια ηλθεν και οι ιδιοι αυτον ου παρελαβον 1.12 οσοι δε ελαβον αυτον εδωκεν αυτοις εξουσιαν τεκνα θεου γενεσθαι τοις πιστευουσιν εις το ονομα αυτου 1.13 οι ουκ εξ αιματων ουδε εκ θεληματος σαρκος ουδε εκ θεληματος ανδρος αλλ εκ θεου εγεννηθησαν 1.14 και ο λογος σαρξ εγενετο και εσκηνωσεν εν ημιν και εθεασαμεθα την δοξαν αυτου δοξαν ως μονογενους παρα πατρος πληρης χαριτος και αληθειας 1.15 ιωαννης μαρτυρει περι αυτου και κεκραγεν λεγων ουτος ην ον ειπον ο οπισω μου ερχομενος εμπροσθεν μου γεγονεν οτι πρωτος μου ην 1.16 και εκ του πληρωματος αυτου ημεις παντες ελαβομεν και χαριν αντι χαριτος 1.17 οτι ο νομος δια μωσεως εδοθη η χαρις και η αληθεια δια ιησου χριστου εγενετο 1.18 θεον ουδεις εωρακεν πωποτε ο μονογενης υιος ο ων εις τον κολπον του πατρος εκεινος εξηγησατο[4] |
1.1 Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
1.2 Elle était au commencement avec Dieu. 1.3 Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle. 1.4 En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. 1.5 La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont point reçue. 1.6 Il y eut un homme envoyé de Dieu: son nom était Jean. 1.7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui. 1.8 Il n'était pas la lumière, mais il parut pour rendre témoignage à la lumière. 1.9 Cette lumière était la véritable lumière, qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. 1.10 Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l'a point connue. 1.11 Elle est venue chez les siens, et les siens ne l'ont point reçue. 1.12 Mais à tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, 1.13 non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu. 1.14 Et la parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père. 1.15 Jean lui a rendu témoignage, et s'est écrié: C'est celui dont j'ai dit: Celui qui vient après moi m'a précédé, car il était avant moi. 1.16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce; 1.17 car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. 1.18 Personne n'a jamais vu Dieu; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est celui qui l'a fait connaître[5].|} Problèmes de traductionLa ponctuation n’est pas toujours indiquée par les scribes de l’époque. Dans les manuscrits les plus anciens, les phrases du prologue se suivent sans ponctuation. Pour cette raison, les versets 3 et 4 de Jean 1, selon la ponctuation que l’on choisit, se lisent de deux façons. Les deux derniers mots du verset 3 peuvent se rattacher soit à ce qui suit, soit à ce qui précède : 1) « Tout par lui est advenu, et sans lui n’est advenue pas une chose. Ce qui est advenu en lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes »[6] ; 2) « Tout par lui est advenu, et sans lui n’est advenue pas une chose qui n’est advenue. En lui était vie, et la vie était la lumière des hommes »[7]. Suivant Blocher, nous penchons pour la deuxième solution en raison de deux arguments. Premièrement, il y l’argument historique : la première ponctuation a la majorité des Pères à son avantage. Deuxièmement, c’est l’argument exégétique : une symétrie numérique jaillie lorsque l’on compte les mots de chaque proposition selon la ponctuation de la première solution, que nous ne saurions attribuer au hasard, mais à l’intention de l’auteur[8]. Étude péricopaleLa question du plan du prologue de Jean n’est pas facile à résoudre. Or, de ce plan dépend l’unité de la péricope. Nous entendons par péricope une portion de texte qui forme un tout sémantique. Pour découper notre portion de texte à étudier, nous devons comprendre la structure adoptée par l’auteur. Même si allusion à la Genèse il y a, Jean ne reprend pas la structure de celle-ci. Quelques traductions optent pour une division en deux parties. Ce sont les deux thèmes principaux qui peuvent amener à penser à ce type de structure. La première (Jean 1.1-13) le thème… La deuxième celui de Jean-Baptiste. Nous n’opterons pas pour cette division bipartite, pour deux raisons. Le fait que le nom de Jean-Baptiste apparaît dans la première partie est une première objection. Nous trouvons une seconde objection en ce que les pensées de l’auteur sont manifestement disposées selon un schéma parabolique (chiasme) dans lequel les versets concernant la décision vis-à-vis du Christ forment le noyau[9]. Ce schéma parabolique nous permet de choisir les versets 1.1-18 comme formant une unité de sens. Analyse structuraleFIGURE 1[10] A Dieu avec Dieu (vv. 1-2) Dieu avec Dieu (v. 18) A’ B Médiation de la Création (v. 3) Médiation de la Rédemption (v. 17) B’ C Vie et lumière (vv. 4-5) Les grâces du Rédempteur (v. 16) C’ D Témoignage de Jean-Baptiste (vv. 6-8) Témoignage de Jean-Baptiste (v. 15) D’ E Venue dans le monde (v. 9) Venue dans le monde (v. 14) E’ F Ceux qui rejettent (vv. 10-11) Ceux qui acceptent (vv. 12-13) F’ Analyse contextuelleContexte spatio-temporelleLe lieu de rédaction n’est pas mentionné par l’auteur. On relève trois suggestions données par les théologiens : Éphèse, Antioche (en Syrie), Alexandrie. La tradition veut que Jean ait été écrit dans la région d’Éphèse en Asie romaine. Contexte historiqueAvant la rédaction des évangiles, les Paroles de Jésus se transmettent oralement. Au moment de la rédaction de la passion johannique, les auditeurs connaissent déjà les évangiles de Matthieu, de Luc et de Marc. Bien que Jean rédige le rédige après la destruction du temple, le récit s’ancre dans un tout autre contexte historique, celui de la période dite du second temple. Cette période, s’échelonnant 539 av. J.-C. et 70 ap. J.-C., est marquée par l’espérance eschatologique qui encadre les enseignements de Jésus. Plus spécifiquement, les juifs attendent le Messie, qui doit venir de Bethléem, en Judée, d’après le prophète Michée (5.2-4). La documentation historique sur Jésus est plutôt riche, si on la compare avec d’autres personnages d’envergure de l’Antiquité[11]. Jésus, après être apparût à Jean-Baptiste et ses disciples, entame une vocation, commune à l’époque, de rabbin itinérant[12]. Dans ses Antiquités judaïques, l’historien juif Flavius Josèphe écrit à la fois sur Jésus et sur Jean-Baptiste. Il décrit Jésus comme homme sage, faiseur de miracles et « maître des gens qui recevaient avec joie la vérité ». Il rapporte que, même après que Pilate eut condamné Jésus à la croix, ses disciples, « le groupe des chrétiens », continuèrent le mouvement qui allait devenir le christianisme[13]. Contexte culturelLa langue parlée par les juifs de l’époque est l’araméen. Cependant, le grec est primordial pour une grande majorité d’entre eux, dont ceux de la diaspora. Le langage de Jean a des résonnances philosophiques. Comme nous le verrons dans notre exégèse, le concept de Logos a des racines stoïciennes. Issu de l’école du Portique (στοά), le stoïcisme est une école philosophique fondée en 301 avant Jésus-Christ par Zénon de Cition à Athènes. Héraclite est le premier à avoir utilisé le terme Logos pour désigner la raison divine. Employé ensuite par les Platon et les Philon D’Alexandrie, le terme s’est répandu dans le monde antique pour décrire tant le Discours que la Raison[14]. En outre, la découverte des manuscrits de la mer Morte dans les années 1940 a posé la question de l’influence de la communauté qumrânienne sur l’auteur, le groupe sectaire du mouvement des esséniens décrit par Josèphe[15]. Selon Horton, « s’il y a influence de Qumrân sur Jean, elle se situe au niveau de la terminologie, et non de la théologie »[16]. En plus des cultures grecs et hébraïques, une nouvelle pensée, de nouvelles habitudes se développent. Après avoir servi de cadre à l’enseignement du Messie, l’eschatologie sert de cadre au « kérygme », qui, à son tour, sert de cadre au récit. L’Église primitive partage le sentiment que la plénitude des temps, l’accomplissement des prophéties et l’inauguration du royaume coïncident avec la venue du Christ[17]. Que l’évangéliste et ses destinataires partagent tous deux la culture du christianisme primitif se remarque à la manière dont le texte le Baptême et l’Eucharistie[18]. En effet, ces sacrements sont convoqués comme une pratique déjà instaurée. Contexte politiqueLes Romains contrôlent la méditerranée et règne sur Israël par l’intermédiaire d’un roi désigné par Rome. Au moment de la naissance de Jésus c’est Hérode 1er le grand qui règne. Lorsque celui-ci meurt, son fils Hérode Antipas II le remplace jusqu’en 39. C’est lui qui fera couper la tête de Jean-Baptiste, par crainte de son pouvoir politique[19]. Avant d’être décapité, Jean-Baptiste précéda le ministère public de Jésus, menant une vie de dépouillement dans le désert. Il baptisait ses disciples dans l’eau, afin de les préparer à la venue du Seigneur. Josèphe par de « Jean dit le Baptiste », comme d’un proclamateur de la rémission des péchés suivant le « baptême de repentance »[20]. Contexte géographiqueJésus est né à Bethléem en Judée. Son baptême par Jean-Baptiste eut lieu dans le Jourdain, fleuve s’écoulant sur 360 km, du mont Hermon à la mer Morte. Le témoignage du baptiste, à la fin du prologue, s’est déroulé à Béthanie, au-delà du Jourdain, « lorsque les Juifs envoyèrent de Jérusalem des sacrificateurs et des Lévites » (Jean 1.28) le questionner. Béthanie est le village où s’est produit le miracle de la résurrection de Lazard, qui se situait à 2,7 km de Jérusalem. Contexte péricopalContexte largeComme les synoptiques, le quatrième évangile concerne Jésus, Fils de Dieu. C’est un livre de signes, où il est question de l’histoire, des origines, du ministère, de la mort et de la résurrection de Jésus. Écrit en grec, pour un auditoire grec, autour de l’année 80 [21], l’auteur y « façonne son témoignage en ayant à l’esprit la situation de ses lecteurs »[22]. Que cet auteur soit Jean, le fils de Zébédée, est fort probable; c’est la vision traditionnelle. Toutefois, Richard Bauckham, tout en confirmant que l’auteur ait été un témoin oculaire, pense qu’il ne s’agit pas de Jean l’apôtre[23], mais de Jean l’Ancien, qui, sans être apôtre, fut disciple de Jésus depuis le commencement. L’évangile de Jean se distingue des autres, car il « contient plus de discours et de dialogues que d’actions. Parmi celles-ci, peu sont communes avec celles que rapportent les synoptiques, excepté dans l’histoire de la passion. […] des vingt-neuf miracles rapportés dans les trois premiers évangiles, Jean n’en a retenu que deux : celui des pains et la marche sur les eaux »[24]. En guise de plan sommaire, C. H. Dodd propose la structure suivante : i) témoignage (ch. 1)
ii) le livre des signes (ch. 2-12)
iii) le livre de la Passion (ch. 13-21)[25] Contexte moyenLe prologue a entièrement sa place dans l’évangile de Jean, car il donne littérairement et théologiquement le ton à l’ensemble qui suit. En effet, la majorité des thèmes du prologue se trouve impliquée dans le développement du récit[26]. Comme Feuillet le remarque, celui de « la révélation par le Christ des mystères divins se retrouve d’un bout à l’autre de l’évangile »[27]. Par sa rhétorique, le prologue participe déjà à l’argumentation de l’auteur en exposant les thèmes sur lesquels l’auteur composera les variations du développement. Par exemple, le thème de la venue de Jésus dans le monde apparaît 78 fois dans l’ensemble de l’évangile. Les termes relatifs à la croyance forment le thème principal par 98 occurrences. Ajoutons que le thème du rejet du Christ par les « siens » resurgira assez explicitement au chapitre 8. L’argument le plus convaincant en faveur d’une place légitime et authentique du prologue est la correspondance numérique qu’il entretient avec l’épilogue de l’évangile. En effet, tous deux sont constitués de 496 syllabes[28]. Contexte étroitNotre péricope se divise selon le chiasme qui la structure. « Le chiasme fait réapparaître les éléments linguistiques symétriques dans l’ordre inverse où ils sont apparus précédemment »[29]. En découpant notre péricope selon cette symétrie concentrique, nous dirons que la première partie est sous l’égide du Logos, la seconde de celle du Fils[30]. Quoique ces deux titres réfèrent à la même personne (le Christ), ils dénotent des caractères distincts : 1) la Raison divine ; 2) le Christ éternellement engendré. Contexte littéraireIl n’est pas étonnant que le prologue passe par une structure parabolique, car le chiasme fait partie de la tradition littéraire de l’époque. Qu’il soit de petite ou de grande envergure, cette structure se retrouve déjà dans l’Ancien Testament. La forme est assez universelle : si elle se retrouve dans la culture sémitique, la culture gréco-latine la prise aussi, chez les anciens, notamment chez Homère[31].
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