Éthique
L'éthique est le domaine du savoir qui concerne les conceptions morales d'une personne ou d'un groupe de personne. L'antithèse radicale entre l'éthique naturelle et l'éthique chrétienne nous force à diviser notre sujet en deux sections. Dans la première section, nous expliquerons ce qu'est l'éthique naturelle à travers un survol de ses principaux systèmes. Dans la seconde section, nous présenterons l'éthique chrétienne en tant que théologique et biblique.
Sommaire
L’éthique naturelle
Les éthiques naturelles sont des modèles d’évaluation de ce qui est bien et de ce qui est mal qui s’ancrent dans l’homme naturel, sans s’appuyer sur la Révélation. Ces éthiques naturelles peuvent être classées typologiquement. Certaines sont déontologiques, c’est-à-dire basées sur le devoir et le savoir, donc sur des lois et des principes, tandis que d’autres sont empiriques, c’est-à-dire basées sur l’expérience. Nous les décrirons et les expliqueront.
Les éthiques hédonistes, eudémonistes et empiriques
L’hédonisme est recherche du plaisir et l’eudémonisme recherche du bonheur. Toutefois, il ne faut pas entendre par plaisir ce que plusieurs de nos contemporains entendent, c’est-à-dire une satisfaction immédiate et irresponsable des demandes du corps ou de l’esprit.
L’hédonisme individualisme
Pour Épicure (341-270 av. J.-C.), le bien c’est le plaisir, mais il s’agit d’un plaisir mesuré. La mesure est en effet primordiale, car abuser des bonnes choses, tend vers le déplaisir. Il faut donc se discipliner pour parvenir au plaisir. L’épicurisme est une orientation subjective vers l’absence de douleur, vers la tranquillité. La vertu est un instrument du plaisir, qui implique la raison, la justice et la beauté. En ce sens, l’éthique épicurienne est apollinienne et individualiste.
L’utilitarisme social
Jeremy Bentham (1748-1832) est le fondateur de l’utilitarisme social, dont le principe, que le gouvernement a la responsabilité de suivre, est : « le plus grand bonheur pour le plus grand nombre ».
John Stuart Mill (1806-1873) s’inscrit dans la continuité de l’éthique de Bentham. Toutefois, il se sépare de la métaphysique, pour au profil de l’empirisme de Hume. Pour lui, c’est par la liberté personnelle que l’on atteint le bonheur, dont la norme est subjective. Ce qui veut dire que son éthique est nécessairement libérale. Tandis que pour Bentham le gouvernement doit s’assurer du bonheur du plus grand nombre, pour Mill le gouvernement n’a pas à intervenir si ce n’est pour s’assurer que les individus ne soient pas privés de bonheur. Il doit légiférer pour que le contexte soit le plus propice à l’épanouissement individuel.
L’éthique machiavélique
Pour Machiavel (1469-1527), et sa Realpolitik, la fin justifie les moyens. La priorité c’est la cité, l’état. Ainsi, la raison d’état prime sur la raison individuelle. Pour cette raison, il est impératif que le chef soit amoral, ce qui contraste avec les philosophes qui, comme Platon, exigeaient des politiciens qu’ils soient vertueux. Machiavel encourage les hommes d’état à diriger sans parti-pris moral, en regardant à la fin : la cité. Dans l’éthique machiavélique, il y a une inévitable tension entre Virtù et Fortuna, entre le fait que l’homme d’état doive être puissant et les vicissitudes de la vie. Machiavel opère donc la synthèse entre l’utilitarisme et le pragmatisme.
Les éthiques idéalistes (déontologiques)
Selon les idéalistes, les éthiques empiriques sont trop instables, notamment en ce que le plaisir est tributaire des aléas de la vie. Les idéalistes recherche une éthique déontologique. Les idéalistes s’appuient sur la raison naturelle, jamais sur la Révélation.
L’éthique stoïcienne
Pour les stoïciens, il faut vivre en accord avec le Logos (au sens grec du terme), et faire ses choix selon les normes de cette Raison objective et cosmologique, autrement dit qui régit l’univers. Cette éthique panthéiste et fataliste consiste à vivre en harmonie avec ce principe souverain, dans le plaisir comme dans le déplaisir.
L’éthique kantienne
Emmanuel Kant (1724-1804) entend baser son éthique sur la raison humaine seule, sans faire intervenir la métaphysique, la théologie ou Dieu. Son éthique est transcendantale : elle découle de la théorie et se fonde sur des absolus, des universaux, plutôt que sur la pratique. Le devoir prime sur le vouloir de la personne. Le particulier doit s’accorder à l’universel (les droits et les devoirs sont universels). Pour être moral, l’individu doit baser ses choix sur l’impératif catégorique. Il doit agir selon des maximes qui valent universellement et traiter l’humanité comme fin, jamais comme moyen. L’individu, avant de commettre un geste, doit se demander : « que se passerait-il si tout le monde faisait de même ? » Enfin, son éthique n’est pas basée sur les conséquences prévues de nos choix, mais sur le devoir, peu importe les résultats.
Les éthiques dialectico-historiques
L’éthique hégélienne
L’éthique de Hegel (1770-1831) est une dialectique entre l’histoire et de l’esprit. Elle prend en compte les changements historiques. C’est l’histoire de l’esprit, qui se dirige vers la liberté, qui détermine l’éthique d’un moment donné. Cette liberté, vers laquelle tend l’esprit en s’efforçant de s’incarner dans le monde, se réalisera lorsque l’esprit y parviendra. Elle peut aussi s’aquérir par la plénitude du savoir/connaissance. Être spirituel, au sens hégélien du terme, implique donc la capacité de se mouvoir dans l’histoire ou de posséder le savoir absolu à un moment donné. Cette esprit universel, qui est l’Idée juste, se manifeste dans l’État. L’État en est l’expression historique. Pour comprendre la pensée hégélienne, il faut visualiser une pyramide de trois étage, avec au premier étage, la famille, au second la société civile (relations et commerce) et au troisième l’État, avec deux flèches de chaque côté, dont l’une va de bas en haut, l’autre de haut en bas. Dans cette conception, l’esprit du peuple (zeitgeist) est à l’état ce que l’âme est au corps. L’État incarne l’esprit du peuple à travers le développement moral et le commerce du peuple dans la société civile. Chaque étape de l’histoire est à l’image de cette pyramide, dont la structure se répète historiquement jusqu’à la pleine manifestation l’esprit absolu.
L’éthique marxiste
L’éthique de Karl Marx (1818-1883) est une dialectique entre l’histoire et la matière. Athée, sa théologie, comme donc son éthique, est une anthropologie. Les hommes sont appelés à fuir la religion, qui n’est qu’une illusion. Seul l’athéisme peut donner à l’homme l’autonomie qui puisse lui permettre de se réaliser. L’éthique marxiste n’en appelant ni au sentiment, ni à la raison, ni à la volonté, mais au matérialisme historique, selon lequel les idéologies du monde s'enracinent dans le potentiel productif de l’homme et de la société. C’est la capacité matérielle de produire d’une société qui en conditionne la culture. Pour comprendre l’éthique marxiste, il faut imaginer une pyramide à trois étages, avec au premier étage, la matière, au deuxième, la communauté et l’individu, et au troisième, la culture. Marx voit l’homme comme ayant une identité déterminé par sa productivité, sa capacité à créer des choses. C’est pour cette raison qu’il considère que le travail d’usine a perdu son identité, car il ne peut jouir du produit de ses mains, de son labeur. Cette perte d’identité, qu’engendre le capitalisme fait qu’une lutte des classes entre capitalistes et prolétariat est inévitable, si l’homme veut un jour parvenir à un monde parfait, c’est-à-dire sans classe. Relations entre le matériel, l’économique. Il importe donc de mettre la science et la technique à l’avant plan, dans le but de libérer l’homme, dans l’égalité.
Les éthiques évolutionnistes
Le darwinisme social
Hubert Spencer (1820-1903), a fondé son éthique sur ce que Darwin appelle la sélection naturelle, de sorte que ce qui justifie les actions humaines c’est la loi du plus adapté. On appelle cette éthique.
L’éthique nietzschéenne
En faisant la synthèse des idées de son époque, Friedrich Nietzsche en arrive à la conclusion de que le Dieu est mort et que ce sont les hommes qui l’ont tué. Son éthique implique une contradiction fondamental entre le dionysiaque et l’apollinien, entre personnalité forte et idéal scientifique, contre le christianisme. Le but de l’éthique nietzschéenne est de se hisser par-dessus la morale. L’homme doit alors devenir surhomme.
L’éthique foucaldienne
Après avoir découvert que l’étude de l’homme comme lieu de pouvoir est récente, Michel Foucault, influencé par Nietzsche propose une éthique du pouvoir entre les individus. Selon lui, l’homme veut intrinsèquement se dépasser, se surmonter. Puisque les conflits sont engendrés par le déséquilibre entre le savoir des uns et le savoir autres, la libération consiste à traquer le savoir, qui est pouvoir, et à se l’approprier. Ce qui est dit doit être suspecté, car il implique un jeu de pouvoir, une lutte qui se manifeste entre les femmes contre les hommes, les noirs contre les blancs, les homosexuels et les hétérosexuels. C’est aux communautés qui subissent une domination de reprendre le pouvoir par l’acquisition du savoir.
L’éthique chrétienne
Tandis que l’éthique naturelle se base sur l’homme ou quelque concept forgé par lui, qu’elle se base donc sur une idole, que ce soit le Sentiment, la Raison, la Volonté, ou encore l’esprit hégélien ou la matière, l’éthique chrétienne est intimement théologique et biblique, c’est-à-dire qu’elle se base sur Dieu et sur le don de la Révélation par Dieu à des hommes dans l’histoire. En particulier elle relève de l’enseignement de celui par qui Dieu a parlé dans les temps de la fin, à savoir Jésus-Christ, Dieu fait homme.
La relation d’alliance
Les Écritures et l’histoire de la rédemption sont un appel à vivre une relation personnelle avec le Dieu d’Israël. Celui-ci ci s’est révélé à Abraham, à Isaac et à Jacob et leur a promis de conduire leur descendance vers un pays promis (type du Royaume de Dieu), et de bénir tous les peuples de la terre à travers elle. Lorsque les Israélites se sont retrouvés en état d’esclavage, Dieu (Yahvé) les a délivré et a établi un alliance avec eux sur le mont Sinaï, afin de leur enseigner à marcher en relation étroite avec lui. Et Dieu a marché avec eux dans le désert, vers le pays promis. Le jour, il prenait la forme d’une nuée, la nuit, d’une colonne de feu.
La loi que Dieu a donné au peuple à travers Moïse est une instruction qui ne peut être suivi sans amour (pour Dieu et pour le prochain). Le premier commandement est assez explicite pour signifier que tout notre être doit être tourner vers lui, en Esprit et en vérité. Être dans l’alliance implique donc de connaître Dieu, autrement dit d’avoir une relation personnelle avec lui. C’est pour cela que, dans le Bible, les croyants sont appelé à être former une communauté de prêtres (Koanim), ce qui implique, étymologiquement d’être en lutte, au sens positif du terme, avec Dieu.
La loi, la foi et la prière
L’éthique chrétienne n’est pas l'abolition de la loi. Celui qui accomplit complètement la loi, certes, sera justifié devant Dieu. Mais cela n’est pas possible à l’homme naturel. De la sorte, c’est dans la relation pistique avec Dieu et ses promesses que le juste vivra. Car ultimement, c’est Dieu qui accomplit la loi pour nous et qui paie ce que nos manquement vis-à-vis celle-ci auraient dû nous coûter. Christ accomplit cela pour nous à la croix. Mais cela ne veut pas dire que nous soyons désormais sans loi. La loi demeure et ses exigences. Il nous importe de tourner, avec foi, notre regard vers Christ. Car c’est lui qu’il faut suivre. Pour l’instant, si nous avons mis notre confiance en lui, nous sommes nés de nouveau, spirituellement (nous avons échappé à la mort spirituelle). Mais notre chair reste pécheresse. C’est pour cela que nous sommes appelés à prier Dieu, lui demandant de nous conduire dans sa volonté. Car un jour viendra ou nous suivrons parfaitement sa loi, c’est-à-dire que nous n’aurons plus d’autres dieux devant sa face, et que nous aimerons notre prochain parfaitement.
Bibliographie
- Meine VELDMAN, Éthique chrétienne, notes de cours, Montréal, Faculté de théologie évangélique, 2020.