Samuel Beckett
Samuel Beckett (1906-1989) est un romancier et un dramaturge irlandais, connu pour son théâtre de l'absurde et la radicalité de ses œuvres.
Biographie
Samuel Beckett est né le 13 avril 1906 à Foxrock, près de Dublin, dans une famille protestante. Après une licence de lettres, il enseigne au Campbell College de Belfast, puis est lecteur à l'École normale supérieur et chargé de cours à la Sorbonne.
Sa rencontre avec James Joyce, avec qui il se lie d'amitié, sera déterminante. Joyce s'attaque à la culture à travers une légion de calembours et un langage idiosyncratique d'une puissance incomparable, tandis que Beckett, bien capable de jongler avec les mots, de jouer avec le langage de la manière la plus sophistiquée, fera surtout preuve d'austérité, d'abnégation et de renoncement dans son approche littéraire et dramaturgique (Mougin et Haddad-Wotling, 2002).
Alors que ses débuts comme écrivain sont difficiles, il connaît le succès au théâtre avec des pièces comme En attendant Godot (1953) et obtient le prix Nobel de littérature en 1969.
Il meurt le 22 décembre 1989 à Paris.
Parcours de l'œuvre
En attendant Godot est une pièce de théâtre en deux actes publiée en français en 1952 à Paris et créée le 5 janvier 1953 à Paris au Théâtre de Babylone dans une mise en scène de Roger Blin. Elle raconte l'histoire de deux clochards qui, à la pénombre, se retrouvent pour attendre un dénommé Godot. Dans la personne de Godot, la plupart des commentateurs voit Dieu, qu'il serait vain d'attendre. D'ailleurs, plusieurs références au christianisme traversent l'œuvre, notamment à travers la figure christique du personnage de Lucky ou lorsque Vladimir raconte le récit, emprunté à Luc 23.39-43, des deux voleurs crucifiés avec le Christ.
Quatre ans après plus tard, Beckett conçoit le curieux mais fondateur mimodrame intitulé Acte sans parole 1 dans lequel un homme seul dans un désert éclairé par une lumière éblouissante est projeté à plusieurs reprises en arrière sur la scène.
Quad, pour quatre acteurs, lumière et percussion (1980) est l'une des œuvres les plus inusitées de Beckett. Sans texte, cette pièce montre quatre acteurs qui « parcourent un carré blanc au sol suivant des trajets bien définis – une combinatoire qui épuise toutes les possibilités de passer d’un sommet du carré à un autre en alternant un côté et une diagonale –, seuls ou bien parallèlement à deux, à trois ou à quatre, avec pour règle un petit déhanchement permettant d’éviter le centre et la rencontre entre les corps » (Kadivar, 2010).
Une esthétique radicale
À travers une esthétique radicale, Beckett exprime, de manière abondamment sarcastique, une vision traumatisée et désespérée de la condition humaine. Tandis qu'Alain Badiou voit l'esthétique de Beckett comme « une entreprise de pensée méditative et à demi gagnée par le poème qui cherche à ravir en beauté les fragments imprescriptibles de l’existence[1] », Pascale Casanova l'envisage en tant que témoignage d'une révolution abstraite de l'art : « Son projet d’une littérature véritablement autonome, libérée des impératifs de la représentation, obéissant au seul principe de la combinatoire d’éléments ayant rompu presque tout lien avec le réel (ou les conventions censées représenter le réel), et la mise au point d’une syntaxe littéraire inédite sont à la mesure des grandes ruptures esthétiques du siècle[2]. » S'il est vrai que le style beckettien déconstruit la figuration, mais il nous semble injuste de la réduire un formalisme révolutionnaire. L'expression du dénuement et de l'agonie de la vie humaine est, au contraire, bien ancré dans un temps existentiel.
Selon Jean Onimus, le thème beckettien se résume ainsi : « Il faut avoir tout perdu de ce qui n'est pas essentiel pour voir la vérité de la vie qui est en effet ignorance, angoisse et finitude »[3]. Cette angoisse est celle d'une existence dans laquelle la foi en Dieu ne semble plus possible, où l'homme est prisonnier d'un mode sans au-delà. Pourtant, les renvois à la religion sont nombreux. « Un autre versant de l’œuvre de Beckett semble pourtant continuer d’espérer en la figure de Jésus, mais en empruntant les images d’une iconographie si stéréotypée qu’il n’est pas possible d’y croire[4] », souligne Éric Benoit.
Références
- ↑ Alain BADIOU, Beckett, l’increvable désir, Hachette. coll. « Coup double », 1995, p. 12.
- ↑ Pascale CASANOVA, Beckett l’abstracteur (Anatomie d’une révolution littéraire), Seuil, coll. « Fiction & Cie », 1996, p. 169-170.
- ↑ Jean ONIMUS, Beckett, un écrivain devant Dieu, Paris, Desclée de Brouwer, 1968.
- ↑ Éric BENOIT, « Beckett et les hantises d’une transcendance impossible », Littératures [En ligne], 78 | 2018, mis en ligne le 23 juillet 2019, http://journals.openedition.org/litteratures/1889, consulté le 11 novembre 2021.
Bibliographie
- BADIOU, Alain, Beckett, l’increvable désir, Hachette. coll. « Coup double », 1995.
- BENOIT, Éric, « Beckett et les hantises d’une transcendance impossible », Littératures [En ligne], 78 | 2018, mis en ligne le 23 juillet 2019, http://journals.openedition.org/litteratures/1889, consulté le 11 novembre 2021.
- CASANOVA, Pascale, Beckett l’abstracteur (Anatomie d’une révolution littéraire), Seuil, coll. « Fiction & Cie », 1996.
- ONIMUS, Jean, Beckett, un écrivain devant Dieu, Paris, Desclée de Brouwer, 1968.