Théologie
La théologie est la « science de Dieu et de son œuvre »[1]. C’est une « discipline qui s'efforce de donner un énoncé cohérent des doctrines de la foi chrétienne, basé principalement sur les Écritures, placé dans le contexte de la culture en général, exprimé dans un langage contemporain, et lié aux questions de la vie »[2]. Le mot théologie provient du grec theologia, construit à partir de « theo » (Dieu) et de « logia » (discours raisonné). Bien qu’il se rencontre déjà dans la République de Platon, il n’a pas tout à fait la signification que nous lui reconnaissons. Étymologiquement, la théologie se veut une logia sur le theos, c’est-à-dire une parole traitant de Dieu (logos peri theou), ou « un discours sur Dieu, et en conséquence sur l’homme et sur le monde »[3]. Les Pères de l’Église lui donnent habituellement le sens exclusif de doctrine de Dieu, tandis que sa définition actuelle remonte à Abélard au XIIe siècle. Dans la tradition de la Réforme, c’est à la lumière de la Révélation que s’opère cette activité, qui concerne Dieu en ce qu’il s’est révélé, et au contenu de cette Révélation. Dans cette perspective, la théologie cherche à comprendre Dieu tel qu’il s’est manifesté à l’homme dans l’histoire du salut, et la réalité à la lumière de ce que Dieu en dit. C’est « l’application de l’Écriture à toutes les dimensions de l’existence humaine »[4].
Sommaire
Caractéristiques
Il est trop aisé de qualifier de « théologie » n’importe quel discours qui emploie les mots « Dieu », « Bible », « spirituel », etc. Il en faut plus pour qu’il s’agisse de théologie légitime. Quelles sont, par définition, les caractéristiques de la théologie ? Pour Millard Erickson, au moins cinq éléments caractérisent la théologie[5].
Biblicité
Premièrement, la biblicité. Une théologie qui n’est pas biblique est une fausse théologie. Elle doit utiliser les méthodes et outils des études bibliques, de l’exégèse, adopter une herméneutique elle-même biblique, dans le but de découvrir le sens authentique du texte.
Systématicité
Deuxièmement, la systématicité. Il important de rechercher tout le conseil de Dieu avec cohérence et d’en faire la synthèse. Le sens de tout passage dépend de son contexte. Malgré sa grande diversité, la Bible forme un tout et ne se contredit pas. De la sorte les passages clairs éclairent les passages difficiles. La théologie s’efforce de faire la synthèse de l’ensemble des données bibliques. Le théologien cherche la cohérence.
Culturalité
Troisièmement, la culturalité. Elle adresse aussi « les questions de culture générale et d'apprentissage. Par exemple, elle tente de relier son point de vue des origines aux concepts avancés par la science (ou, plus correctement, des disciplines telles que la cosmologie), sa vision de la nature humaine à la compréhension psychologique de la personnalité, sa conception de la providence au travail de philosophie historique, et ainsi de suite »[6]. Elle doit abattre les barrières culturelles, afin d’être pertinente pour la culture dans laquelle elle opère et à laquelle elle s’adresse.
Contemporanéité
Quatrièmement, la contemporanéité. Bien qu’il y ait dans la Bible des vérités universelles, il faut que le théologien les formules dans le langage de ses contemporains. Mais ce que la Bible dit est encastré dans une réalité historique. Puisque les livre de la Bible s’adresse au départ à des destinataires particuliers, il faut le prendre en compte lorsqu’on en fait l’interprétation aujourd’hui. Un bonne théologie doit donc à la fois prendre en compte notre époque et celle des premiers destinataires. Ensuite, la théologie pourra être contemporaine lorsqu’elle appliquera les vérités concernant Dieu aux questions et aux défis d’aujourd’hui.
Praticité
Cinquièmement, la praticité. Elle n’est pas seulement une doctrine abstraite, mais reliée à la vie. La vérité a des implications concrètes d’une manière ou d’une autre. « Il faut noter, cependant, que la théologie ne doit pas se préoccuper principalement des dimensions pratiques. L'effet pratique ou l'application d'une doctrine est une conséquence de la vérité de la doctrine, et non l'inverse »[7].
Considérations épistémologique
La connaissance de Dieu
La connaissance théologique est circonscrite par ce que Dieu révèle de lui-même. « Toutes les religions et toutes les philosophies sont un témoignage de l’effort passionné de l’homme à la recherche de la vérité et de la connaissance de Dieu »[8]. Or Dieu, par définition, transcende ce que nos esprits créaturels, limités peuvent concevoir (Es 55.9 ; 1 Tim 6.15-16). Pour que nous puissions le connaître à salut, il est nécessaire qu’il se révèle de manière particulière. Suite à la chute, l’homme a brisé la relation avec son Créateur, et se trouve désormais dans un état d’aveuglement (1 Co 2.9-10, 2 Co 4.4) et de mort spirituelle (Gn 2.17, 3.24, Eph 2.1, 5). La théologie est donc doublement conditionnée par la révélation que Dieu nous communique et la capacité de l’homme de la comprendre.
Nous rejetons les hypothèses voulant que la communication surnaturelle soit impossible[9] et que cette révélation, survenue dans le passé, n’est, pour nous aujourd’hui, plus disponible comme communication personnelle, à cause de la distance temporelle et culturelle qui nous sépare[10]. Nos postulats sont que Dieu communique avec nous par sa Parole (Es 1.2) et que nous avons les capacités de compréhension nécessaires à son message, d’où l’importance de s’investir dans ce sujet. (Révélation de Dieu par l’Esprit à discuter…) (autres formes de révélation et subordination des révélations).
La connaissabilité de Dieu
Que l’on ne peut pas tout connaître de Dieu ne veut pas dire qu’il ne soit pas possible d’avoir une vraie connaissance de qui il est. Berkhof: 1) Dieu est incompréhensible, mais connaissable; 2) Dieu doit s’auto-révélé pour que l’homme puisse le connaître[11].
Considérations méthodologiques
Théologie objective
Au niveau objectif, il s’agit de la doctrine qui enseigne Dieu, sa nature et ses œuvres, et qui est l’expression de l’aptitude à faire de la théologie, d’en produire un exposé authentique (Ti 2.7-10). Évidemment, la première doit précéder, puisque l’être vient avant le faire. Le théologien luthérien J.T. Mueller martèle que « la théologie doit être enracinée dans l’âme d’une personne pour que celle-ci puisse ensuite l’enseigner par la parole ou par ses écrits ». Ainsi, il faut se souvenir que « l’étude de la théologie n’est pas seulement la compréhension intellectuelle d’un certain nombre de faits, mais qu’elle est vraiment la régénération, la conversion et la sanctification de son propre cœur, duquel doit provenir tout son ministère »[12]. In fine, un enseignement doctrinal n’est pas seulement un ensemble de faits théoriques, mais doit être le fruit de la transformation produite chez celui qui l’enseigne. En théologie, il y a ce lien d’interdépendance entre doctrine et vie chrétienne; entre théorie et pratique; entre connaissance et transformation intérieure.
Théologie subjective
Au niveau subjectif, il s’agit de la connaissance personnelle que nous avons au sujet de Dieu en tant que théologien, et qui inclut l’aptitude à enseigner, à défendre la Parole et à exercer des fonctions de ministre au sens scripturaire (2 Co 3.5-6).
Considérations pratiques
Que nous en soyons conscients ou non, nous faisons tous de la théologie. que ce soit dans son sens propre, ce que nous appelons la doctrine de Dieu (usus specialis), ou des relations que Dieu a avec le reste de l’Univers[13], soit la doctrine chrétienne toute entière (usus generalis)[14]. Nous ne la faisons pas nécessairement de manière académique ou professionnelle, mais nous sommes impliqués dans la théologie au quotidien, bien plus souvent que nous pourrions le penser. Le théologien systématique Henry Thiessen fait cette déclaration qui représente bien cette réalité : « Même ceux qui refusent de formuler leurs croyances théologiques ont des idées assez précises en ce qui concerne les principaux sujets de la théologie »[15]. Les locutions communes suivantes : « Tu ne peux perdre ton salut »; « Jésus est le fils de Dieu »; et « Jésus revient bientôt », sont toutes des déclarations qui impliquent une théologie systématique. Chaque fois que nous pensons à un sujet concernant Dieu, que nous partageons l’Évangile, que nous interprétons un passage de la Bible, que nous défendons notre foi, que nous prions ou que nous sommes engagés dans une lutte contre la tentation, nous faisons des discours et des énoncés concernant Dieu selon une théologie systématique.
Branches
Les principales branches de la théologie sont l'exégèse biblique, qui détermine le sens du texte biblique, la théologie biblique, qui décrit la révélation progressive de Dieu dans la Bible, la théologie systématique, qui exprime les croyances des chrétiens et des Églises en accord avec l'enseignement des Écritures, et l'éthique.
La ligne solide, qui traverse théologie exégétique, biblique et systématique, est plus autoritaire, parce que chacune de ces disciplines interagit directement avec l’Écriture.
Sébastien MORRISSETTE et Pierre-Luc VERVILLE
Notes et références
- ↑ Henri BLOCHER, Prolégomènes, Vaux-sur-Seine, Faculté libre de Théologie Évangélique, 1976, p.
- ↑ Millard J. ERICKSON, Christian Theology, vol 1, Grand Rapids, Baker, 1983, p. 9.
- ↑ Le Robert, « Théologie », Paris, 2009, p. 1878.
- ↑ John FRAME, Salvation Belongs to the Lord: An Introduction to Systematic Theology, Phillipsburg: P&R Publishing, 2006, p. ?.
- ↑ Millard J. ERICKSON, ibid., p. 21-22.
- ↑ Millard J. ERICKSON, ibid., p. 21.
- ↑ Ibid., p. 22.
- ↑ René PACHE, p. 11.
- ↑ René PACHE. « Certains philosophes l’ont niée en disant : Comment l’infini pourrait-il communiquer avec le fini, et le Créateur avec la créature? La vérité absolue serait-elle exprimable dans les termes relatifs du langage humain? » p. 12.
- ↑ FRAME, DW, p. 3 ou 4.
- ↑ Louis BERKHOF, Systematic Theology. Voir aussi la traduction française du «La connaissabilité de Dieu» in La revue réformée, N° 222 – 2003/2 – MARS 2003 – TOME LIV.
- ↑ MULLER, p. 66.
- ↑ « Dans son sens restreint, la théologie peut donc être définie comme la doctrine de Dieu. Mais dans son sens large et plus habituel, le terme en est venu à désigner toutes les doctrines chrétiennes, non seulement la doctrine précise de Dieu, mais aussi toutes les doctrines qui traitent des relations que Dieu entretient avec l’univers. Dans ce sens large, nous pouvons définir la théologie comme la science de Dieu et de ses relations avec l’univers », Henry THIESSEN, p. 2.
- ↑ MULLER, p. 65.
- ↑ Henry THIESSEN, p. 4.
Bibliographie
- BERKHOF, Louis, «La connaissabilité de Dieu», in La revue réformée, N° 222 – 2003/2 – MARS 2003 – TOME LIV.
- BLOCHER, Henri, Prolégomènes. Introduction à la théologie évangélique, Vaux-sur-Seine, Faculté libre de Théologie Évangélique, 1976.
- ERICKSON, Millard J., Christian Theology, vol 1, Grand Rapids, Baker, 1983.
- FRAME, John, Salvation Belongs to the Lord: An Introduction to Systematic Theology, Phillipsburg: P&R Publishing, 2006.
- NEUSCH, Marcel et CHENU, Bruno, Au pays de la théologie, Le centurion, 1986.
Voir aussi
Exégèse biblique, Herméneutique biblique, Messie, Nouvelle perspective sur Paul, Prologue de Jean, Terre promise, Théologie biblique, Théologie historique, Théologie systématique