Herméneutique : Différence entre versions
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Dans l’Antiquité, l’art de l’interprétation s’applique aux domaines de la théologie (''hermeneutica sacra''), du droit (''hermeneutica juris'') et de la philologie (''hermeneutica profana''), en servant principalement d’auxiliaire à l’interprétation des passages difficiles à comprendre. Normatif, cet art emprunte la plus grande partie de ses règles à la rhétorique, qui, en s’intéressant à l’émission du discours, s’attarde, au passage, à la réception de celui-ci et à ses effets chez le destinataire. ''Hermeneuein'' est le verbe grec d’où provient le terme d’interprétation. Il se réfère tantôt au processus qui va de la pensée au discours, tantôt à celui qui remonte du discours à la pensée ; bien qu’aujourd’hui le terme ne désigne plus que la remontée, les Grecs voyaient déjà une médiation signifiante dans ce que nous appelons l’élocution, et qui leur apparaissait comme transmission verbale de sens<ref> GRONDIN, ''op. cit.'', p. 10.</ref>. | Dans l’Antiquité, l’art de l’interprétation s’applique aux domaines de la théologie (''hermeneutica sacra''), du droit (''hermeneutica juris'') et de la philologie (''hermeneutica profana''), en servant principalement d’auxiliaire à l’interprétation des passages difficiles à comprendre. Normatif, cet art emprunte la plus grande partie de ses règles à la rhétorique, qui, en s’intéressant à l’émission du discours, s’attarde, au passage, à la réception de celui-ci et à ses effets chez le destinataire. ''Hermeneuein'' est le verbe grec d’où provient le terme d’interprétation. Il se réfère tantôt au processus qui va de la pensée au discours, tantôt à celui qui remonte du discours à la pensée ; bien qu’aujourd’hui le terme ne désigne plus que la remontée, les Grecs voyaient déjà une médiation signifiante dans ce que nous appelons l’élocution, et qui leur apparaissait comme transmission verbale de sens<ref> GRONDIN, ''op. cit.'', p. 10.</ref>. | ||
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+ | Alors que les stoïciens élevaient la réflexion au-dessus de l’élocution, Augustin saura les valoriser l’une autant que l’autre. La foi d’Augustin en l’Incarnation du Christ l’empêche, en effet, de voir dans l’émission physique du logos une réalité de second ordre<ref>Jean GRONDIN, « L’universalité de l’herméneutique et de la rhétorique : Ses sources dans le passage de Platon à Augustin dans Vérité et méthode », ''Revue internationale de philosophie'' 54, 2000, p. 469-485. </ref>. En procédant de l’amour divin pour le pécheur, le se faire chair du Verbe se révèlera, d’ailleurs, pour Augustin, la seule voie d’accès à la seule joie véritable, la connaissance de l’Éternel. En découle ce principe selon lequel l’interprétation doit se faire en fonction de la loi de l’amour et la formule spiraloïde de croire pour comprendre et de comprendre pour croire. | ||
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<div style='text-align: right;'>Pierre-Luc VERVILLE</div> | <div style='text-align: right;'>Pierre-Luc VERVILLE</div> |
Version du 20 février 2025 à 14:06
Avant l’apparition du terme au XVIIe siècle, on parlait simplement de l’art de l’interprétation. Nul ne pensait en faire une science rigoureuse, encore moins une philosophie universelle de la compréhension, comme d'autres le feront plus tard. C’est le théologien Johann Conrad Dannhauer qui est responsable du néologisme d’hermeneutica, que l’on retrouvera dans ses écrits, l’ayant substitué à ce que l’on nommait précédemment Auslegungslehre[1].
Dans l’Antiquité, l’art de l’interprétation s’applique aux domaines de la théologie (hermeneutica sacra), du droit (hermeneutica juris) et de la philologie (hermeneutica profana), en servant principalement d’auxiliaire à l’interprétation des passages difficiles à comprendre. Normatif, cet art emprunte la plus grande partie de ses règles à la rhétorique, qui, en s’intéressant à l’émission du discours, s’attarde, au passage, à la réception de celui-ci et à ses effets chez le destinataire. Hermeneuein est le verbe grec d’où provient le terme d’interprétation. Il se réfère tantôt au processus qui va de la pensée au discours, tantôt à celui qui remonte du discours à la pensée ; bien qu’aujourd’hui le terme ne désigne plus que la remontée, les Grecs voyaient déjà une médiation signifiante dans ce que nous appelons l’élocution, et qui leur apparaissait comme transmission verbale de sens[2].
Alors que les stoïciens élevaient la réflexion au-dessus de l’élocution, Augustin saura les valoriser l’une autant que l’autre. La foi d’Augustin en l’Incarnation du Christ l’empêche, en effet, de voir dans l’émission physique du logos une réalité de second ordre[3]. En procédant de l’amour divin pour le pécheur, le se faire chair du Verbe se révèlera, d’ailleurs, pour Augustin, la seule voie d’accès à la seule joie véritable, la connaissance de l’Éternel. En découle ce principe selon lequel l’interprétation doit se faire en fonction de la loi de l’amour et la formule spiraloïde de croire pour comprendre et de comprendre pour croire.
- ↑ Jean GRONDIN, L’herméneutique, Presses Universitaires de France, Paris, 2006, p. 9.
- ↑ GRONDIN, op. cit., p. 10.
- ↑ Jean GRONDIN, « L’universalité de l’herméneutique et de la rhétorique : Ses sources dans le passage de Platon à Augustin dans Vérité et méthode », Revue internationale de philosophie 54, 2000, p. 469-485.