Sciences : Différence entre versions
(10 révisions intermédiaires par le même utilisateur non affichées) | |||
Ligne 111 : | Ligne 111 : | ||
Les chrétiens gagneraient à articuler à la foi la raison, à revenir à une saine doctrine de la création qui sera un excellent remède au mépris du monde physique, et à se souvenir que la grâce commune de Dieu est répandue sur toute la terre, pas seulement sur l’Église. | Les chrétiens gagneraient à articuler à la foi la raison, à revenir à une saine doctrine de la création qui sera un excellent remède au mépris du monde physique, et à se souvenir que la grâce commune de Dieu est répandue sur toute la terre, pas seulement sur l’Église. | ||
− | + | <div style='text-align: right;'>Pierre-Luc VERVILLE</div> | |
− | Pierre-Luc VERVILLE | ||
== Notes et références == | == Notes et références == | ||
Ligne 168 : | Ligne 167 : | ||
== Voir aussi == | == Voir aussi == | ||
− | [[Avortement]], [[Bioéthique]], [[Robert Boyle|Boyle | + | [[Avortement]], [[Bioéthique]], [[Robert Boyle|Boyle (Robert)]], [[Clonage]], [[Contraception]], [[Dessein intelligent]], [[Environnement]], [[Reijer Hooykaas|Hooykaas (Reijer)]], [[Hypnose]], [[Médias]], [[Médiologie]], [[Blaise Pascal|Pascal (Blaise)]], [[John Polkinghorne|Polkinghorne (John)]], [[Psychologie]] |
Version actuelle datée du 24 juillet 2022 à 11:45
Les sciences sont un ensemble de disciplines qui cherchent à rendre compte des phénomènes naturels et humains dans leur articulation avec des lois naturelles de manière rationnelle et, depuis la révolution moderne, à travers des expériences systématiquement planifiées. Au sens strict, il n’y a science que lorsque le savoir est ordonné démonstrativement, de sorte qu’il puisse être transmis[1]. On divise traditionnellement les sciences en fonction de leur objet. « Les sciences cherchent généralement à comprendre des aspects particuliers de l'univers : la chimie, le chimique, la biologie, le biologique[2] », la démographie, les populations, la psychologie, le psychique, la sociologie, le social, etc. La plupart du temps, les sciences sont regroupées en deux grandes catégories, selon qu’elles étudient des systèmes naturels (sciences naturelles) ou humains (sciences humaines), auxquelles nous pouvons ajouter la catégorie des sciences formelles qui étudient les systèmes formels. Le langage ordinaire dit souvent des sciences formelles et naturelles qu’elles sont exactes et dures, et des sciences humaines qu’elles sont inexactes et molles. Selon plusieurs historiens des sciences, cela est surtout dû à l’influence de l’informatique et de la distinction qu’elle opère entre hardware et software. Nos catégories scientifiques actuelles sont le fruit d’un long processus historique. Afin de baliser le terrain des sciences, nous en survolerons l’histoire, la méthode, et les branches. Puis, nous ferons quelques remarques concernant ses limites.
Sommaire
Historique
La science antique
Les Anciens ne conçoivent pas la recherche scientifique de manière planifiée comme c’est le cas depuis l’avènement de la science moderne. Avec l’invention de l’écriture en Mésopotamie, les connaissances scientifiques peuvent être fixées et consignées. Les découvertes semblent, pourtant, avoir été faites plus empiriquement qu’expérimentalement. Les Babyloniens utilisent des tablettes d’argile pour résoudre des problèmes, se servant de table et de mot, ainsi que des quatre opérations mathématiques qu’ils connaissent. Férus d’astronomie, ils observent systématiquement les étoiles, consignant leurs observations par écrit.
Bien qu’ils cherchent à rendre compte de tous les phénomènes naturels, les Antiques ont une démarche plutôt cosmogonique et tâtonnante. On peut penser à l’« eurêka ! » d’Archimède, qui, selon la légende, aurait trouvé les lois physiques de la poussé par hasard, alors qu’il prenait son bain. « L’observation était la méthode privilégiée pour la science antique, ce qui la situe en rapport étroit avec l’expérience[3]. » Or le fait que pour les Grecs l’univers semble ordonné et répondre à des principes constants les amène à réfléchir aux concepts d'immuabilité et d’ordre divin. Leurs réflexions portent aussi sur la manière dont le Démiurge a créé le monde. Dans la Grèce antique, la science n’est pas séparée de la philosophie, et est intimement liée à l’essor de celle-ci. Le philosophe selon Platon doit s’affranchir de la perception, au profit des Idées, car celles-ci ne changent pas et sont vraies. L’apport des Grecs est néanmoins déterminant du point de vue scientifique. « Quand les Grecs créent les mathématiques – et peu importe le rôle précurseur des Babyloniens ou des Égyptiens – créent l’idée de démonstration à partir d’un nombre minimal d’axiomes et selon des règles données[4]. » Vers 300 av. J.-C., Euclide rédige un traité de treize livres, les Éléments. Cet ouvrage est d’une importance capitale pour le développement de la démonstration, c’est-à-dire « le déploiement d’un ensemble de procédures conduisant à la mise en ordre de propositions suivant des règles parfaitement définies, en s’appuyant sur l’introduction de définitions précises et, tout cela, visant, initialement en géométrie, à établir l’existence de l’objet d’étude[5]. » Du VIe au IIIe siècle, les Grecs sont en fait impliqués dans un processus qui aboutit, avec le traité d’Euclide, dans « la constitution d’une science démonstrative, portant sur des objets “idéaux” et procédant, à partir d’un nombre restreint de postulats, axiomes et définitions, par enchaînement de propositions rigoureusement déduites les unes des autres de sorte que la validité de chacune soit assurée par le caractère formel des preuves qui, dans la suite du raisonnement, l’ont établie[6] ».
La science médiévale
Au Moyen Âge, la conception du monde change profondément sous l’égide du christianisme, au point de faire émerger une science tout à fait originale par rapport à celle de l’Antiquité. En effet, dès lors que l’on reconnaît que « la Parole a été faite chair » (1 Jn 14), les concepts de science, de nature et d’artifice ne peuvent qu’être redéfinis[7]. C’est donc par l’incarnation « qu’il importe de saisir comment une nouvelle pensée de la nature sera susceptible d’émerger, une nouvelle pensée centrée sur l’idée d’une unification, dans le Christ, des opposés[8]. » Si la pensée antique participe tout de même à ce renouveau scientifique, elle n’a pu le faire que dans le cadre d’un nouveau paradigme épistémologique. Le Moyen Âge a certes « subi l'influence d'un platonisme chrétien qui regardait le monde matériel comme secondaire et d’un aristotélisme chrétien qui reconnaissait l'importance de l'expérience perceptible, mais privilégiait en fait la déduction aux dépens de toute observation[9] ». Néanmoins, c’est une fois christianisés que les méthodes du platonisme et de l’aristotélisme servirent à résoudre des problèmes relevant d’une sémantique à laquelle ni Platon ni Aristote n'auraient pu penser. Comme le souligne Blay, par la reprise par les penseurs chrétiens des grandes infrastructures conceptuelles du néoplatonisme, « le sens de la démarche en est transformé[10]. » Autrement dit, la pensée grecque est plus que traduite par les savants médiévaux, elle est réinterprétée par la théologie chrétienne, de sorte que la science médiévale se trouve à bénéficier d’outils déductifs beaucoup plus puissants.
Il faut aussi savoir gré aux Arabes d’avoir maintenu et augmenté la connaissance scientifique de la Grèce antique, qu’ils ont contribué à transmettre à l’Europe. Durant la période du califat abbasside, c’est l’âge d’or de la science arabe lors duquel les califes encouragent la traduction d’un grand nombre d’écrits grecs, notamment scientifiques. Ils « favorisent également le développement des recherches novatrices.[11] »
Les travaux d’un penseur ayant une approche plus empirique comme Roger Bacon (1210-1292) ne peuvent se comprendre sans la relecture chrétienne du concept antique d’artifice[12]. En effet, tandis que les Anciens séparent le naturel de l’artificiel, Bacon repense la lumière à la fois physiquement et métaphysiquement, notamment dans ses travaux sur la réfraction lumineuse, à partir d’une théologie de l’union des deux natures du Christ. Bacon est considéré par plusieurs comme le précurseur de la méthode scientifique. Par son schéma de la méthode expérimentale, « par son panorama de la science depuis les axiomes jusqu’aux observations particulières et par sa classification des connaissances [...], par son idée positive de la recherche fondée sur la spécialisation du travail et la collaboration des investigateurs, des théoriciens et des expérimentateurs de toute sorte, Bacon prélude à tout l’essor de la science et de la civilisation modernes fondées sur l’efficacité des méthodes expérimentales[13] ».
La science moderne
On fait commencer la science moderne à la défense de l’héliocentrisme par Nicolas Copernic (1473-1543), bien que, comme la plupart des grandes entreprises humaines, celle-ci soit le fruit d’un effort collectif soutenu. Dans son ouvrage De révolutions des sphères célestes (De revolutionibus orbium coelestium), Copernic fait la démonstration de la théorie selon laquelle la Terre tourne autour d’un Soleil au centre de l’Univers. La théologie chrétienne de « l’unification des natures dans et par le Christ a conduit à la genèse copernicienne d’une sorte de mixte où se trouvent mêlées, dans le De revolutionibus, la transcendance christique de l’union des natures et une ambition cosmologique[14]. » La réception des thèses de Copernic, dont les avantages sont à la fois mathématiques et astronomiques, ne sera pas immédiate, mais elle marque certainement un tournant.
Lorsque Galilée (1564-1642) invente les lunettes astronomiques en 1609, il peut défendre l’héliocentrisme à l’aide d’une démonstration instrumentale. C’est contre une Église catholique fermée en raison de son interprétation magistérielle et, surtout, de son attachement à l’aristotélisme scolastique que Galilée reprend à son compte cette vision copernicienne ; le catholicisme ne peut reconnaître l’innovation dès qu’elle contredit ses dogmes les plus prestigieux. « Ses adversaires ont beau prétendre que ce qu’il voit dans sa lunette n’est qu’une illusion produite par l’instrument, l’exploration du ciel avec le nouvel instrument réfute spectaculairement l’existence de deux mondes entièrement distincts, le monde terrestre et le monde céleste, à la base du système aristotélicien[15]. » Galilée est important en ce qu’il « va faire glisser le champ des artifices du côté de l’immanence et de la nature pour les mathématiques : il n’y aura plus d’artifices ou, plus exactement, les artifices deviennent la nature et la nature un ensemble de problèmes à résoudre, naissance “du technique”[16]. » Avec Galilée, la division entre le Ciel et la Terre, si chère aux Antiques, ne tient plus. Tandis que l’astrologie est déligitimée, l’astronomie se lie à une nouvelle physique.
Johannes Kepler (1571-1630), lui aussi partisan de l’héliocentrisme, est aussi fondamental pour le développement de la science moderne, car ses trois lois détruisent l’antique mécanique des sphères. Mais ce n’est qu’avec les travaux d’Isaac Newton (1642-1727) que celles-ci prennent de l’importance. C’est en effet la loi de la gravitation qui permet d’expliquer les lois de Kepler.
Plusieurs historiens des sciences, comme le hollandais Reijer Hooykaas[17] et l’américain Stanley Jaki[18], considèrent « que la pensée chrétienne a rendu possible le développement de la science moderne en ce que l'opposition entre la liberté de Dieu et la logique déductive a conduit à une étude du monde dans le but de voir comment elle se sont vraiment comportés, et une croyance en la rationalité et la constance de Dieu a conduit à espérer que la nature se conformerait aux lois régulières »[19]. Copernic, Kepler et Galilée utilisent un mode de pensée mathématique et hypothétique influencé par l’approche expérimentale de Roger Bacon qui, comme nous l’avons vu, n’a pu se développer qu’au sein d’une pensée chrétienne. « La nouveauté de la science moderne, ce qui lui a donnée sa grande fécondité, c’est la méthode expérimentale planifiée »[20]. Or c’est surtout en raison de la désacralisation de l’univers qu’opère le christianisme que cette expérimentation planifiée, intrinsèquement liée aux mathématiques et à la technique, a été rendue possible : « la démythification du monde qu’opère l’idée de création est propice à la science : un monde imprégné du divin favorise une attitude contemplative et rend difficile la démarche active qu’implique en particulier l’expérimentation[21] ».
René Descartes (1596-1650), quant à lui, propose une théorie selon laquelle tout mouvement est circulaire, celui des planètes étant causé par les grands tourbillons d’un Univers plein. Si les systèmes cosmologiques de Descartes et de Newton diffèrent, notamment en ce que pour le second c’est le vide qui est supposé, ils n’ont pu élaborer leur théorie que parce que leurs prédécesseurs avaient mis à mal les conceptions scolastiques de l’Univers. « Descartes et surtout Newton reconstruisent sur les ruines du système du monde élaboré par la philosophie scolastique un système du monde héliocentrique fondé sur la dynamique du mouvement et des forces[22]. » Avec Descartes, et Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) qui reprend à son compte le rationalisme, « une nouvelle idée de nature s’est imposée. Celle d’une nature pensée à travers la notion de masse, comme énergie, c’est-à-dire une nature devenue absolument et totalement entrepôt et réserve et dont la mise en valeur (au sens économique), s’appuyant sur l’organisation mathématique, s’appelle la science moderne[23]. »
Par la combinaison du glissement des artifices du côté de la nature, qu’a introduit Galilée, et de la conception de l’énergie comme valeur chez Descartes et Leibniz, la science devient une technique[24]. La science moderne est, depuis, responsable de l’innovation machinique qui préparée l’industrialisation, et de l’industrialisation elle-même[25]. Les innovations scientifiques, qui s'accompagnent, dans les premiers temps, de nombreuses conséquences positives contribueront à l’idée de Progrès tel que l’a conçu le XVIIe siècle.
À la fin de ce Siècle des Lumières, les scientifiques commencent à se professionnaliser, à se spécialiser et à s’institutionnaliser. En plus de séculariser la science, les scientifiques sont de plus en plus nombreux à rejoindre le déisme, puis, surtout à l’époque de David Hume (1711-1776), l’athéisme.
La science contemporaine
Au XIXe siècle, après avoir conduit à l’industrialisation, la science, de plus en plus techniciste, devient elle-même une industrie[26]. Les scientifiques deviennent des professionnels qui « appartiennent à des disciplines spécialisées, travaillent dans des centres de recherche officiels et présentent leurs travaux dans des congrès internationaux et des revues à comité de lecture[27]. » Les sciences, dont la chimie et la physique, tendent à relever plus systématiquement du quantitatif[28].
Plusieurs disciplines deviennent indépendantes. Entre autres, la biologie, qui étudie les espèces vivantes et les lois de la vie, se constitue comme discipline autonome en 1802 grâce aux contributions de Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829). « Dans la seconde moitié du XIXe siècle, différents domaines fusionnent dans une même discipline, la physique, qui remplace l’ancienne philosophie naturelle. Elle se mathématise, fonde ses observations sur des instruments plus sophistiqués et est désormais pratiquée par des chercheurs plus spécialisés[29]. » En témoignent les théories hydrodynamiques, thermodynamiques et électromagnétiques.
En plus de l’essor de l’économie, de la psychologie et de la sociologie, de majeurs bouleversements se produisent en physique et en biologie. Au début du XIXe siècle, Charles Darwin (1809-1882), après un voyage aux Îles Galapagos, publie la théorie de l’évolution. À la fin du XIXe siècle, James Clerk Maxwell (1831-1879) unifie plusieurs phénomènes physiques en un seul ensemble d’équations, tandis que, en 1895, la découverte des rayons X par Wilhelm Röntgen (1845-1923) est le premier de plusieurs découvertes qui changeront et la physique et l’astronomie. Albert Einstein (1879-1955) développe sa théorie de la relativité en deux grandes étapes : en 1905, la relativité restreinte ; en 1915, la relativité générale. Les recherches d'Einstein unissent d’une manière inouïe le temps et l’espace, ouvrant « la voie à la cosmologie contemporaine, en lui permettant de se fonder sur les idées d'espace cosmique et de temps cosmique[30] ». La mécanique quantique se développe, notamment avec les travaux de Niels Bohr (1885-1962) et de Werner Heisenberg (1901-1976). Elle pose de sérieux problèmes philosophiques en ce qui a trait à la réalité et à la causalité, et quant au rapport entre sujet observant et objet observé[31]. En 1953, découverte de la structure en double hélice de l’ADN par Francis Crick (1916-2004) et James D. Watson (1928- ).
En plus des révolutions physiques (relativité, mécanique quantique), biologiques (évolution, génétique), voire astronomiques (expansion de l’univers, Big Bang), le domaine scientifique est marqué, dans les années 1950, par l’avènement de l’informatique. Grâce à la puissance de calcul des ordinateurs, le XXIe siècle est déjà promis à un bel avenir tant en intelligence naturelle qu’en intelligence artificielle.
Méthode
Les conséquences prodigieuses de la science moderne ont permis de légitimer une méthode qui s’est de plus en plus imposée au sein de la communauté scientifique, que ce soit dans les universités ou les centres de recherche. La méthode scientifique est devenue la voie par excellence de l'acquisition du savoir. Son prestige est tel qu’elle se présente souvent comme seule voie d’accès à la vérité[32]. Synonyme de rigueur, la méthode scientifique se veut l’approche la plus à même de rationaliser l’innovation. C’est selon une procédure systématique que sont construits la plupart des articles scientifiques. Le scientifique débute par une hypothèse qu’il cherche à confirmer ou à infirmer. Après avoir recensé les principales études sur le sujet (revue de littérature), le chercheur est appelé à développer une théorie dont il se sert pour faire une prédiction. L’analyse des données peut être quantitative ou qualitative. Afin de tester sa prédiction, il choisit et planifie une expérimentation appropriée[33]. Le modèle de recherche académique en vigueur se compose des parties suivantes : cadre théorique, hypothèse, expérimentation, résultats, analyse, discussion, conclusion.
Branches
Les sciences ne relèvent pas toutes du même régime épistémologique, tant s’en faut. Comme le souligne Blay, « tout ne peut pas être soumis à la même exigence démonstrative dans toutes les situations empiriques et pour tous les contenus conceptuels. Il ne faut pas confondre de nos jours le régime de scientificité des mathématiques et des sciences physico-mathématiques avec celui de la biologie empirique ou des sciences humaines et sociales. Si, dans tous les cas, on peut évidemment parler d’exigence intellectuelle, de rigueur et de visée de vérité, les démarches n’en sont pas pour autant identiques. Un aspect semble particulièrement marquant : la distinction entre démonstration et argumentation, mais aussi entre démonstration et modélisation[34]. » Nous sommes conscients que les classifications des sciences changent en fonction des modèles institutionnels[35] et qu’elles s‘accompagnent de conséquences épistémologiques. Quoi qu’il en soit, nous avons opté pour une classification assez commune et qui, sans être parfaite, nous semble la plus logique. Notre classification sera tripartite : 1) sciences formelles ; 2) sciences naturelles ; 3) sciences humaines.
Les sciences formelles
Les sciences formelles comprennent les mathématiques, la logique et l’informatique, de même que la géométrie, les statistiques et la topologie, qui ont tendance, dans leurs développements contemporains, à se constituer comme disciplines autonomes.
Les sciences naturelles
Les sciences naturelles étudient les systèmes naturels. C’est « l'ensemble formé par les sciences de la vie et celles de l'écosystème ayant permis l'éclosion de la vie[36]. » Elles comprennent l’astronomie, la biologie, la botanique, la chimie, la géologie, la minéralogie, la physique, la zoologie, etc. On dit souvent de l’astronomie qu’elle est la première science naturelle. Elle est, en tout cas, probablement aussi vieille que les mathématiques. Depuis la nuit des temps, les hommes « ont observé le mouvement régulier des astres, base de leurs calendriers, ont construit des représentations du cosmos, ou “systèmes du monde”, et appliqué le calcul pour faire des prévisions[37]. »
Les sciences humaines
Les sciences humaines (parfois désignées par l’expression sciences humaines et sociales, tandis que l’anglais les appelle tout simplement les social sciences) comprennent l’anthropologie, la démographie, le droit, l’économie, la géographie, la linguistique, la psychologie, la sociologie, etc.
Remarques
La science et la foi
Comme nous l’avons vu dans la partie historique, la science a bénéficié de la vision chrétienne du monde. Il y a un « présupposé fondamental à l’origine de la fécondité de la méthode scientifique : l’existence d’un monde rationnellement ordonné, façonné par une sagesse que l’homme est capable de connaître, lui qui en fait partie et s’en distingue suffisamment pour, doué d’intelligence, retrouver les voies de l’intelligence créatrice dans le monde et discerner les lois qui opèrent[38]. » Enlever ces fondations sur lesquelles la science moderne s’est édifiée ne peut que faire vaciller tout l’édifice.
Malgré l'apport chrétien en science, une dichotomie qui rend de plus incompatible la foi et la raison, et la science et la foi, s’est infiltrée dans les cercles évangéliques. La dichotomie s’est surtout radicalisée avec le fondamentalisme du XIXe siècle en réaction au libéralisme. Un rejet complet de toute science — et parfois de toute connaissance rationnelle, philosophique, savante, etc. — est toujours présent dans nombre d’églises, encourageant et légitimant une paresse intellectuelle particulièrement destructrice, en plus de donner des chrétiens une image non crédible aux yeux des non-croyants, ce qui représente un danger pour l’évangélisation.
Les chrétiens gagneraient à articuler à la foi la raison, à revenir à une saine doctrine de la création qui sera un excellent remède au mépris du monde physique, et à se souvenir que la grâce commune de Dieu est répandue sur toute la terre, pas seulement sur l’Église.
Notes et références
- ↑ Michel BLAY, Critique de l’histoire des sciences, Paris, CNRS Éditions, 2017, p. 17.
- ↑ John M. FRAME, A History of Western Philosophy and Theology, Phillipsburg, P&R Publishing, 1987, p. 94, notre traduction.
- ↑ Henri BLOCHER, La foi et la raison, Charols/Vaux-sur-Seine, Excelsis/Édifac, 2015, p. 75.
- ↑ Cornelius CASTORIADIS et Paul RICŒUR, Dialogue sur l’histoire et l’imaginaire social, Paris, EHESS, 2016, p. 45, cité par Michel BLAY, op. cit. p. 14-15.
- ↑ BLAY, ibid.
- ↑ Jean-Pierre VERNANT, Les origines de la pensée grecque, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2013, p. 56.
- ↑ BLAY, ibid., p. 25.
- ↑ BLAY, ibid., p. 84.
- ↑ John C. PUDDEFOOT, « Science de la nature », dans Jean-Yves LACOSTE, sous dir., Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 2007, p. 1311.
- ↑ BLAY, ibid., p. 71.
- ↑ Régis MORELON, « L’âge d’or de Badgad », Les Cahiers de Science & Vie, n°043, 1998, p. 10-19.
- ↑ BLAY, ibid., p. 109.
- ↑ Pierre DUCASSÉ, Les grandes philosophies, Paris, PUF, 1958, p. 57.
- ↑ BLAY, op. cit., p. 137.
- ↑ Bruno BELHOSTE, Histoire de la science moderne : de la Renaissance aux Lumières, Paris, Arman Colin, 2016, p. 158.
- ↑ BLAY, ibid., p. 153.
- ↑ Reijer HOOYKAAS, Religion and the Rise of Modern Science, Edinburgh, Scottish Academic Press, 1972.
- ↑ Stanley JAKI, The Road of Science and the Ways to God, Chicago/Edinburgh, University of Chicago Press/Scottish Academic Press, 1978 ; The Origin of Science and the Science of its Origins, Edinburgh, Scottish Academic Press, 1978.
- ↑ LACOSTE, op. cit.
- ↑ BLOCHER, op. cit.
- ↑ Lydia JAEGER, Vivre dans un monde créé, Marne-la-vallée, Farel, 2013, p. 10.
- ↑ Bruno BELHOSTE, op. cit., p. 145.
- ↑ BLAY, op. cit., p. 288.
- ↑ BLAY, ibid., p. 289.
- ↑ BLAY, ibid, p. 289.
- ↑ BLAY, op. cit., p. 289.
- ↑ Bruno BELHOSTE, op. cit.
- ↑ Yves GINGRAS, Histoire des sciences, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2018.
- ↑ Ibid.
- ↑ Hervé BARREAU, Annales de la Fondation Louis de Broglie, volume 30, no 3-4, 2005, p. 463-483.
- ↑ Jean-Yves, LACOSTE, sous dir., Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 2007.
- ↑ Hans-Georg GADAMER, Vérité et méthode, Paris, Seuil, 1996.
- ↑ Voir Thomas KUHN, La Structure des révolutions scientifiques, traduit par Laure Meyer, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1972.
- ↑ BLAY, op. cit., p. 47.
- ↑ Yves GINGRAS, Sociologie des sciences, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2013.
- ↑ Daniel ANDLER, Anne FAGOT-LARGEAULT et Bertrand SAINT-SERNIN, Philosophie des sciences, tome 1, Gallimard, 2002, p. 495.
- ↑ Bruno BELHOSTE, op. cit., p 143.
- ↑ BLOCHER, op. cit.
Bibliographie
- ANDLER, Daniel, FAGOT-LARGEAULT, Anne, et SAINT-SERNIN, Bertrand, Philosophie des sciences, tome 1, Gallimard, 2002.
- BARREAU, Hervé, Annales de la Fondation Louis de Broglie, volume 30, no 3-4, 2005, p. 463-483.
- BELHOSTE, Bruno, Histoire de la science moderne : de la Renaissance aux Lumières, Paris, Arman Colin, 2016.
- BLAY, Michel, Critique de l’histoire des sciences, Paris, CNRS Éditions, 2017.
- BLOCHER, Henri, La foi et la raison, Charols/Vaux-sur-Seine, Excelsis/Édifac, 2015.
- CASTORIADIS, Cornelius, et RICŒUR, Paul, Dialogue sur l’histoire et l’imaginaire social, Paris, EHESS, 2016.
- DUCASSÉ, Pierre, Les grandes philosophies, Paris, PUF, 1958.
- FRAME, John M., A History of Western Philosophy and Theology, Phillipsburg, P&R Publishing, 1987.
- GADAMER, Hans-Georg, Vérité et méthode, Paris, Seuil, 1996.
- GINGRAS, Yves, Sociologie des sciences, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2013.
- GINGRAS, Yves, Histoire des sciences, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2018.
- HOOYKAAS, Reijer, Religion and the Rise of Modern Science, Edinburgh, Scottish Academic Press, 1972.
- JAKI, Stanley, The Road of Science and the Ways to God, Chicago/Edinburgh, University of Chicago Press/Scottish Academic Press, 1978.
- JAKI, Stanley, The Origin of Science and the Science of its Origins, Edinburgh, Scottish Academic Press, 1978.
- JAEGER, Lydia, Vivre dans un monde créé, Marne-la-vallée, Farel, 2013.
- KOYRÉ, Alexandre, Études d'histoire de la pensée scientifique, Gallimard, coll. « Tel », 1985.
- KUHN, Thomas, La Structure des révolutions scientifiques, traduit par Laure Meyer, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1972.
- LACOSTE, Jean-Yves, sous dir., Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 2007.
- MESURE, Sylvie et SAVIDAN, Patrick, Le dictionnaire des sciences humaines, PUF, 2006.
- MORELON, Régis, « L’âge d’or de Badgad », Les Cahiers de Science & Vie, n°043, 1998.
- PAYA, Christophe, FARELLY, Nicolas, sous dir., La foi chrétienne et les défis du monde contemporain : repères apologétiques, Charols, Excelsis, 2013.
- PUDDEFOOT, John C., « Science de la nature », dans LACOSTE, Jean-Yves, sous dir., Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 2007.
- VERNANT, Jean-Pierre, Les origines de la pensée grecque, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2013.
Voir aussi
Avortement, Bioéthique, Boyle (Robert), Clonage, Contraception, Dessein intelligent, Environnement, Hooykaas (Reijer), Hypnose, Médias, Médiologie, Pascal (Blaise), Polkinghorne (John), Psychologie