Avortement : Différence entre versions

De Réformation tranquille
Sauter à la navigation Sauter à la recherche
 
(18 révisions intermédiaires par le même utilisateur non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
L’avortement conciste en l’expulsion mortelle de l’embryon ou du fœtus du ventre de la mère. Elle peut être naturelle (fausse couche) ou artificielle.
+
L’avortement conciste en l’expulsion mortelle de l’embryon ou du fœtus du ventre de la mère. L'expulsion peut être naturelle (fausse couche) ou artificielle. Au Québec et au Canada, le « droit » à l’avortement est un aquis historique. Toute femme peut demander à être avorté et recevoir le traitement médical conséquent. Cela n’a pas toujours été ainsi. De 1892-1969, l’avortement était, dans tous les cas, illégal. Elle ne devient légal, dans certains cas, qu’à partir de 1969, jusqu’en 1988. Durant cette période, la loi prévoit qu’un comité éthique autorise ou non la femme à se faire avorter. Pour ce faire, le comité doit démontrer que la vie de la mère est en jeu. Depuis 1988, l’avortemement est décriminalisé. La commission Morgan-Taylor a contribué à cette étape décisive. La Cour suprême déclare, cette année-là, que la criminalisation de l’avortement est inconstitutionnelle. Dans l’affaire Tremblay contre D’Aigle, le fœtus est déclaré ne pas avoir de personnalité juridique. Il se voit dès lors privé de droits, y compris du droit à la vie. Aussi, le père n’est plus reconnu comme ayant de droit sur l’enfant à naître. En 2006, l’avortement devient grauit, c’est-à-dire payé par l’État, en raison d’une décision de la Cour supérieur. La loi prévoit que la décision concernant l’avortement est la prérogative de la femme. Des articles encadrent cette prise de décision. Elle doit être âgée de 14 ans et plus. À partir de cet âge, elle n’a besoin d’aucun accord pour que son choix soit reconnu. Les femmes de 13 ans et moins, par contre, ne peuvent prendre la décision seule ; l’accord des parents, du tuteur légal ou du tribunal est nécessaire. Cela dit, l’intérêt de l’embryon ou du fœtus n’est pas pris en compte dans cette décision. Seul importe l’intérêt de la femme.
 
 
== Loi du Québec et du Canada ==
 
 
 
Au Québec et au Canada, le « droit » à l’avortement est un aquis historique. Toute femme peut demander à être avorté et recevoir le traitement médical conséquent. Cela n’a pas toujours été ainsi. De 1892-1969, l’avortement était, dans tous les cas, illégal. Elle ne devient légal, dans certains cas, qu’à partir de 1969, jusqu’en 1988. Durant cette période, la loi prévoit qu’un comité éthique autorise ou non la femme à se faire avorter. Pour ce faire, le comité doit démontrer que la vie de la mère est en jeu. Depuis 1988, l’avortemement est décriminalisé. La commission Morgan-Taylor a contribué à cette étape décisive. La Cour suprême déclare, cette année-là, que la criminalisation de l’avortement est inconstitutionnelle. Dans l’affaire Tremblay contre D’Aigle, le fœtus est déclaré ne pas avoir de personnalité juridique. Il se voit dès lors privé de droits, y compris du droit à la vie. Aussi, le père n’est plus reconnu comme ayant de droit sur l’enfant à naître. En 2006, l’avortement devient grauit, c’est-à-dire payé par l’État, en raison d’une décision de la Cour supérieur. La loi prévoit que la décision concernant l’avortement est la prérogative de la femme. Des articles encadrent cette prise de décision. Elle doit être âgée de 14 ans et plus. À partir de cet âge, elle n’a besoin d’aucun accord pour que son choix soit reconnu. Les femmes de 13 ans et moins, par contre, ne peuvent prendre la décision seule ; l’accord des parents, du tuteur légal ou du tribunal est nécessaire. Cela dit, l’intérêt de l’embryon ou du fœtus n’est pas pris en compte dans cette décision. Seul importe l’intérêt de la femme.
 
 
 
== Les motifs de l’avortement ==
 
  
 
Plusieurs motifs sont avancés pour défendre l'avortement :
 
Plusieurs motifs sont avancés pour défendre l'avortement :
  
* Le ''motif thérapeutique'' consiste à justifier l’avortement lorsque c’est un risque pour la vie de la mère.
+
* Le ''motif thérapeutique'' consiste à justifier l’avortement lorsque c’est un risque pour la vie de la mère. Déjà Thomas D'Aquin ouvre la voie à la prise de décision, en dernier recours, en faveur de la vie d'un adulte par rapport à celle d'un enfant, lorsqu'il dit : « Dans le cas d'extrême nécessité, néanmoins, il serait plutôt permis d'abandonner les enfants que les parents ; car ceux-ci ne peuvent jamais être abandonnés, à raison des bienfaits que nous en avons reçus.<ref>Thomas D'AQUIN, ''Somme Théologique'', 11-11, q. 31, a. 3, ad 4.</ref> »
  
* Le ''motif psychiatrique'' consiste à justifier l’avortement dans le cas où il y a un risque que la mère développe une psychose sévère. « Certains psychiatres eux-mêmes rejettent la validité du ''motif psychiatrique''. Un tel motif est plus souvent allégué que fondé. Et même quand il parait fondé, il ne peut l’être indubitablement. Le ''remède'' peut se révéler pire que le ''mal'', et provoquer plus que lui le développement d’une grave psychose.<ref>Pierre COURTHIAL, « L’avortement : considérations éthiques » ''Ichthus'' N°14, juin 1971, p. 2-7.</ref> »
+
* Le ''motif psychiatrique'' consiste à justifier l’avortement dans le cas où il y a un risque que la mère développe une psychose sévère. Notons qu'il arrive que les « psychiatres eux-mêmes rejettent la validité du ''motif psychiatrique''. Un tel motif est plus souvent allégué que fondé. Et même quand il parait fondé, il ne peut l’être indubitablement. Le ''remède'' peut se révéler pire que le ''mal'', et provoquer plus que lui le développement d’une grave psychose.<ref>Pierre COURTHIAL, « L’avortement : considérations éthiques » ''Ichthus'' N°14, juin 1971, p. 2-7.</ref> »
  
 
* Le ''motif psychologique'' consiste à justifier l’avortement dans le cas où il y a un risque que la mère développe un trouble mental.
 
* Le ''motif psychologique'' consiste à justifier l’avortement dans le cas où il y a un risque que la mère développe un trouble mental.
Ligne 23 : Ligne 17 :
 
* Le ''motif moral'' consiste à justifier l’avortement parce qu’un crime à été commis (inceste, viol).
 
* Le ''motif moral'' consiste à justifier l’avortement parce qu’un crime à été commis (inceste, viol).
  
== Le point de vue biblique ==
+
Ce n’est qu’à travers une vision du monde chrétienne, c’est-à-dire une conception philosophique renouvelée par la Parole de Dieu que le chrétien peut répondre bibliquement aux différents motifs invoqués pour justifier l’avortement. Mais l’éthique chrétienne va bien au-delà d’un l’appel à suivre la loi extérieurement. Le Christ, pour ceux qui lui font confiance comme Sauveur et Seigneur, demande aux siens de se ranger volontairement du côté de la volonté de Dieu. Aussi bien le Nouveau Testament que l’Ancien semblent montrer que Dieu n’est pas en faveur de l’avortement. Qu’il soit thérapeutique, psychiatrique, psychologique, social, personnel, eugénique ou moral, tout motif pour l’avortement prend appui sur un ou plusieurs présupposés quant à la manière de concevoir le fœtus. Ils sont contrecarrés dès lors que le fœtus est considéré comme être humain selon la volonté de Dieu. Même le motif thérapeutique est difficilement justifiable. « Si l’enfant tient de Dieu le droit de vivre et s’il est déjà viable, le tuer intentionnellement face à la mort naturelle hypothétique de la mère est un acte extrêmement douteux. La vie de la mère est entre les mains de Dieu, la vie de l’enfant est anéantie arbitrairement. II paraît impossible de décider humainement laquelle des deux existences est la plus précieuse<ref>Dietrich BONHOEFFER, ''Éthique'', traduction française de Lore Jeanneret, Genèse, Labor et Fides, 1965, p. 141.</ref> » Plusieurs passages bibliques favorisent cette lecture : dans sa souffrance, Job se lamente : « Pourquoi ne suis-je pas donc pas mort dans le sein de ma mère ? » (Jb 3.11) ; Ésaïe, le porte-parole de l’Éternel écrit : « voici ce que déclare l’Éternel, lui qui t’a fait, qui t’a formé dès le ventre de ta mère, et qui est ton soutien : Ne soit pas effrayé, Jacob mon serviteur, Yeshouroun, que j’ai choisi » (És 44.2) ; « Écoutez-moi, gens de Jacob, vous tous qui subsistez du peuple d’Israël, vous que j’ai pris en charge dès avant la naissance, que j’ai portés dès le sein maternel » (És 46.3) ; « Eh quoi ! Amènerai-je le moment d’enfanter sans faire naître ? dit l’Éternel. Moi qui fais enfanter empêcherais-je cette venue au monde ? a dit ton Dieu » (És 66.9) ; en Luc 1.15, un ange dit à Zacharie, avant la naissance de son fils Jean-Baptiste, que celui-ci sera « rempli de l'Esprit Saint dès le sein de sa mère » ; en Luc 1.43 Marie est déclarée « mère du Seigneur », dès la conception virginale ; « Dieu a un plan qui s’accomplit selon son libre choix et qui dépend, non des actions des hommes, mais uniquement de la volonté de celui qui appelle. Et pour que ce plan demeure, c’est avant même la naissance de ces enfants n’aient fait ni bien ni mal, que Dieu dit à Rébecca : L’aîné sera assujetti au cadet » (Rm 9.11-12). En somme, la vie humaine est sous la responsabilité de Dieu dès la conception. Il faut prendre en compte cette donnée biblique dans les choix que nous faisons, car nous sommes redevables devant Dieu, celui qui a aussi dit : « Tu ne commeteras pas de meurtre » (Ex 20.13).
 
 
Ce n’est qu’à travers une vision du monde chrétienne, c’est-à-dire une conception philosophique renouvelée par la Parole de Dieu que le chrétien peut répondre bibliquement aux différents motifs invoqués pour justifier l’avortement. Mais l’éthique chrétienne va bien au-delà d’un l’appel à suivre la loi extérieurement. Le Christ, pour ceux qui lui font confiance comme Sauveur et Seigneur, demande aux siens de se ranger volontairement du côté de la volonté de Dieu.  
 
 
 
Aussi bien le Nouveau Testament que l’Ancien semblent montrer que Dieu n’est pas en faveur de l’avortement. Qu’il soit thérapeutique, psychiatrique, psychologique, social, personnel, eugénique ou moral, tout motif pour l’avortement prend appui sur un ou plusieurs présupposés quant à la manière de concevoir le fœtus. Ils sont contrecarrés dès lors que le fœtus est considéré comme être humain selon la volonté de Dieu. Même le motif thérapeutique est difficilement justifiable. « Si l’enfant tient de Dieu le droit de vivre et s’il est déjà viable, le tuer intentionnellement face à la mort naturelle hypothétique de la mère est un acte extrêmement douteux. La vie de la mère est entre les mains de Dieu, la vie de l’enfant est anéantie arbitrairement. II paraît impossible de décider humainement laquelle des deux existences est la plus précieuse<ref>Dietrich BONHOEFFER, ''Éthique'', traduction française de Lore Jeanneret, Genèse, Labor et Fides, 1965, p. 141.</ref> »
 
 
 
Plusieurs passages bibliques favorisent cette lecture : dans sa souffrance, Job se lamente : « Pourquoi ne suis-je pas donc pas mort dans le sein de ma mère ? » (Jb 3.11) ; Ésaïe, le porte-parole de l’Éternel écrit : « voici ce que déclare l’Éternel, lui qui t’a fait, qui t’a formé dès le ventre de ta mère, et qui est ton soutien : Ne soit pas effrayé, Jacob mon serviteur, Yeshouroun, que j’ai choisi » (És 44.2) ; « Écoutez-moi, gens de Jacob, vous tous qui subsistez du peuple d’Israël, vous que j’ai pris en charge dès avant la naissance, que j’ai portés dès le sein maternel » (És 46.3) ; « Eh quoi ! Amènerai-je le moment d’enfanter sans faire naître ? dit l’Éternel. Moi qui fais enfanter empêcherais-je cette venue au monde ? a dit ton Dieu » (És 66.9) ; en Luc 1.15, un ange dit à Zacharie, avant la naissance de son fils Jean-Baptiste, que celui-ci sera « rempli de l'Esprit Saint dès le sein de sa mère » ; en Luc 1.43 Marie est déclarée « mère du Seigneur », dès la conception virginale ; « Dieu a un plan qui s’accomplit selon son libre choix et qui dépend, non des actions des hommes, mais uniquement de la volonté de celui qui appelle. Et pour que ce plan demeure, c’est avant même la naissance de ces enfants n’aient fait ni bien ni mal, que Dieu dit à Rébecca : L’aîné sera assujetti au cadet » (Rm 9.11-12). En somme, la vie humaine est sous la responsabilité de Dieu dès la conception. Il faut prendre en compte cette donnée biblique dans les choix que nous faisons, car nous sommes redevables devant Dieu, celui qui a aussi dit : « Tu ne commeteras pas de meurtre » (Ex 20.13).
 
  
== Conclusion ==
+
Bien qu'au Canada l'avortement ait d'abord été décriminalisé avant d'être légalisé, et que plusieurs motifs sont avancés pour légitimer l'acte du point de vue moral, la Bible ne semble pas favorable à cette pratique, qu'elle décrit comme la mise à mort d'un enfant à naître, d'une personne en voie de venir au monde. « Tuer l’embryon dans le sein de sa mère signifie violer le droit que Dieu accorde à la vie en gestation. La discussion de savoir s’il s’agit déjà d’un être humain ne fait que camoufler ce simple fait : Dieu a voulu créer un homme qu’on a intentionnellement empêché de naître.<ref>BONHOEFFER, ''ibid''.</ref> »
  
« Tuer l’embryon dans le sein de sa mère signifie violer le droit que Dieu accorde à la vie en gestation. La discussion de savoir s’il s’agit déjà d’un être humain ne fait que camoufler ce simple fait : Dieu a voulu créer un homme qu’on a intentionnellement empêché de naître.<ref>Dietrich BONHOEFFER, ''Éthique'', traduction française de Lore Jeanneret, Genèse, Labor et Fides, 1965, p. 141.</ref> »
+
<div style='text-align: right;'>Pierre-Luc VERVILLE</div>
 
 
 
 
Pierre-Luc VERVILLE
 
  
 
== Références ==
 
== Références ==
Ligne 48 : Ligne 33 :
 
* COURTHIAL, Pierre, « L’avortement : considérations éthiques » ''Ichthus'' N°14, juin 1971, p. 2-7.
 
* COURTHIAL, Pierre, « L’avortement : considérations éthiques » ''Ichthus'' N°14, juin 1971, p. 2-7.
  
* DOUCET, Hubert, ''Au pays de la bioéthique'', Genève, Labor &amp; Fides, 1996.
+
* Thomas D'AQUIN, ''Somme théologique'', 4 t., Cerf, Paris, 1984-1986.
 +
 
 +
* DOUCET, Hubert, ''Au pays de la bioéthique'', Genève, Labor et Fides, 1996.
  
 
* DURAND, Guy, ''Introduction générale à la bioéthique. Histoire, concept et outils'', Montréal, Fides, 2005.
 
* DURAND, Guy, ''Introduction générale à la bioéthique. Histoire, concept et outils'', Montréal, Fides, 2005.
 +
 +
* HOFFMEIER, James Karl, ''L’avortement. Enjeux théologiques et éthiques'', Québec, La Clairière, 1994.
  
 
* VELDMAN, Meine, ''Éthique chrétienne'', notes de cours, Montréal, Faculté de théologie évangélique, 2020.
 
* VELDMAN, Meine, ''Éthique chrétienne'', notes de cours, Montréal, Faculté de théologie évangélique, 2020.

Version actuelle datée du 11 avril 2022 à 13:41

L’avortement conciste en l’expulsion mortelle de l’embryon ou du fœtus du ventre de la mère. L'expulsion peut être naturelle (fausse couche) ou artificielle. Au Québec et au Canada, le « droit » à l’avortement est un aquis historique. Toute femme peut demander à être avorté et recevoir le traitement médical conséquent. Cela n’a pas toujours été ainsi. De 1892-1969, l’avortement était, dans tous les cas, illégal. Elle ne devient légal, dans certains cas, qu’à partir de 1969, jusqu’en 1988. Durant cette période, la loi prévoit qu’un comité éthique autorise ou non la femme à se faire avorter. Pour ce faire, le comité doit démontrer que la vie de la mère est en jeu. Depuis 1988, l’avortemement est décriminalisé. La commission Morgan-Taylor a contribué à cette étape décisive. La Cour suprême déclare, cette année-là, que la criminalisation de l’avortement est inconstitutionnelle. Dans l’affaire Tremblay contre D’Aigle, le fœtus est déclaré ne pas avoir de personnalité juridique. Il se voit dès lors privé de droits, y compris du droit à la vie. Aussi, le père n’est plus reconnu comme ayant de droit sur l’enfant à naître. En 2006, l’avortement devient grauit, c’est-à-dire payé par l’État, en raison d’une décision de la Cour supérieur. La loi prévoit que la décision concernant l’avortement est la prérogative de la femme. Des articles encadrent cette prise de décision. Elle doit être âgée de 14 ans et plus. À partir de cet âge, elle n’a besoin d’aucun accord pour que son choix soit reconnu. Les femmes de 13 ans et moins, par contre, ne peuvent prendre la décision seule ; l’accord des parents, du tuteur légal ou du tribunal est nécessaire. Cela dit, l’intérêt de l’embryon ou du fœtus n’est pas pris en compte dans cette décision. Seul importe l’intérêt de la femme.

Plusieurs motifs sont avancés pour défendre l'avortement :

  • Le motif thérapeutique consiste à justifier l’avortement lorsque c’est un risque pour la vie de la mère. Déjà Thomas D'Aquin ouvre la voie à la prise de décision, en dernier recours, en faveur de la vie d'un adulte par rapport à celle d'un enfant, lorsqu'il dit : « Dans le cas d'extrême nécessité, néanmoins, il serait plutôt permis d'abandonner les enfants que les parents ; car ceux-ci ne peuvent jamais être abandonnés, à raison des bienfaits que nous en avons reçus.[1] »
  • Le motif psychiatrique consiste à justifier l’avortement dans le cas où il y a un risque que la mère développe une psychose sévère. Notons qu'il arrive que les « psychiatres eux-mêmes rejettent la validité du motif psychiatrique. Un tel motif est plus souvent allégué que fondé. Et même quand il parait fondé, il ne peut l’être indubitablement. Le remède peut se révéler pire que le mal, et provoquer plus que lui le développement d’une grave psychose.[2] »
  • Le motif psychologique consiste à justifier l’avortement dans le cas où il y a un risque que la mère développe un trouble mental.
  • Le motif social consiste à justifier l’avortement pour la raison que l’on veut empêcher que la famille s’accroisse.
  • Le motif personnel consiste à justifier l’avortement par le fait que l’un des parents ne désire pas l’enfant.
  • Le motif eugénique consiste à justifier l’avortement en ce qu’elle permet d’éviter qu’un enfant naisse malade, anormal, etc.
  • Le motif moral consiste à justifier l’avortement parce qu’un crime à été commis (inceste, viol).

Ce n’est qu’à travers une vision du monde chrétienne, c’est-à-dire une conception philosophique renouvelée par la Parole de Dieu que le chrétien peut répondre bibliquement aux différents motifs invoqués pour justifier l’avortement. Mais l’éthique chrétienne va bien au-delà d’un l’appel à suivre la loi extérieurement. Le Christ, pour ceux qui lui font confiance comme Sauveur et Seigneur, demande aux siens de se ranger volontairement du côté de la volonté de Dieu. Aussi bien le Nouveau Testament que l’Ancien semblent montrer que Dieu n’est pas en faveur de l’avortement. Qu’il soit thérapeutique, psychiatrique, psychologique, social, personnel, eugénique ou moral, tout motif pour l’avortement prend appui sur un ou plusieurs présupposés quant à la manière de concevoir le fœtus. Ils sont contrecarrés dès lors que le fœtus est considéré comme être humain selon la volonté de Dieu. Même le motif thérapeutique est difficilement justifiable. « Si l’enfant tient de Dieu le droit de vivre et s’il est déjà viable, le tuer intentionnellement face à la mort naturelle hypothétique de la mère est un acte extrêmement douteux. La vie de la mère est entre les mains de Dieu, la vie de l’enfant est anéantie arbitrairement. II paraît impossible de décider humainement laquelle des deux existences est la plus précieuse[3] » Plusieurs passages bibliques favorisent cette lecture : dans sa souffrance, Job se lamente : « Pourquoi ne suis-je pas donc pas mort dans le sein de ma mère ? » (Jb 3.11) ; Ésaïe, le porte-parole de l’Éternel écrit : « voici ce que déclare l’Éternel, lui qui t’a fait, qui t’a formé dès le ventre de ta mère, et qui est ton soutien : Ne soit pas effrayé, Jacob mon serviteur, Yeshouroun, que j’ai choisi » (És 44.2) ; « Écoutez-moi, gens de Jacob, vous tous qui subsistez du peuple d’Israël, vous que j’ai pris en charge dès avant la naissance, que j’ai portés dès le sein maternel » (És 46.3) ; « Eh quoi ! Amènerai-je le moment d’enfanter sans faire naître ? dit l’Éternel. Moi qui fais enfanter empêcherais-je cette venue au monde ? a dit ton Dieu » (És 66.9) ; en Luc 1.15, un ange dit à Zacharie, avant la naissance de son fils Jean-Baptiste, que celui-ci sera « rempli de l'Esprit Saint dès le sein de sa mère » ; en Luc 1.43 Marie est déclarée « mère du Seigneur », dès la conception virginale ; « Dieu a un plan qui s’accomplit selon son libre choix et qui dépend, non des actions des hommes, mais uniquement de la volonté de celui qui appelle. Et pour que ce plan demeure, c’est avant même la naissance de ces enfants n’aient fait ni bien ni mal, que Dieu dit à Rébecca : L’aîné sera assujetti au cadet » (Rm 9.11-12). En somme, la vie humaine est sous la responsabilité de Dieu dès la conception. Il faut prendre en compte cette donnée biblique dans les choix que nous faisons, car nous sommes redevables devant Dieu, celui qui a aussi dit : « Tu ne commeteras pas de meurtre » (Ex 20.13).

Bien qu'au Canada l'avortement ait d'abord été décriminalisé avant d'être légalisé, et que plusieurs motifs sont avancés pour légitimer l'acte du point de vue moral, la Bible ne semble pas favorable à cette pratique, qu'elle décrit comme la mise à mort d'un enfant à naître, d'une personne en voie de venir au monde. « Tuer l’embryon dans le sein de sa mère signifie violer le droit que Dieu accorde à la vie en gestation. La discussion de savoir s’il s’agit déjà d’un être humain ne fait que camoufler ce simple fait : Dieu a voulu créer un homme qu’on a intentionnellement empêché de naître.[4] »

Pierre-Luc VERVILLE

Références

  1. Thomas D'AQUIN, Somme Théologique, 11-11, q. 31, a. 3, ad 4.
  2. Pierre COURTHIAL, « L’avortement : considérations éthiques » Ichthus N°14, juin 1971, p. 2-7.
  3. Dietrich BONHOEFFER, Éthique, traduction française de Lore Jeanneret, Genèse, Labor et Fides, 1965, p. 141.
  4. BONHOEFFER, ibid.

Bibliographie

  • BONHOEFFER, Dietrich, Éthique, traduction française de Lore Jeanneret, Genèse, Labor et Fides, 1965
  • COURTHIAL, Pierre, « L’avortement : considérations éthiques » Ichthus N°14, juin 1971, p. 2-7.
  • Thomas D'AQUIN, Somme théologique, 4 t., Cerf, Paris, 1984-1986.
  • DOUCET, Hubert, Au pays de la bioéthique, Genève, Labor et Fides, 1996.
  • DURAND, Guy, Introduction générale à la bioéthique. Histoire, concept et outils, Montréal, Fides, 2005.
  • HOFFMEIER, James Karl, L’avortement. Enjeux théologiques et éthiques, Québec, La Clairière, 1994.
  • VELDMAN, Meine, Éthique chrétienne, notes de cours, Montréal, Faculté de théologie évangélique, 2020.