Théologie historique : Différence entre versions
(Page créée avec « Discipline académique récente , la théologie historique est un projet théologique exposant l’étude de la doctrine chrétienne en identifiant les facteurs influen… ») |
|||
(48 révisions intermédiaires par 2 utilisateurs non affichées) | |||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
− | Discipline académique récente , la théologie historique est | + | Discipline académique récente, la théologie historique est l’étude de la pensée chrétienne dans l’histoire de l’Église. Elle vise à déterminer les facteurs et les acteurs ayant influencé<ref>Selon Alister E. MCGRATH, ''Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought'', Oxford, Wiley-Blackwell, 2012, p. 8: « Historical theology is the branch of theological inquiry which aims to explore the historical development of Christian doctrines, and identify the factors which were influential in their formulation and adoption ». |
+ | </ref> son développement, son interprétation et sa formulation<ref>G. ALLISON, ''Historical Theology: An Introduction to Christian Doctrine'', Grand Rapids, Zondervan, 2011, p. 23 Sa définition évangélique met l’accent sur l’Écriture Sainte comme source d’une double étude, soit celle de son interprétation et de la formulation de la doctrine. Admettant d’emblée notre présupposé que l’Écriture sainte est ''norma normans'', nous ne restreindrons pas l’étude de la théologie historique en refusant l’examen des propositions provenant d’autres sources de connaissance, car la théologie historique se doit aussi d’étudier les autres facteurs d’émergence afin de constater les conséquences de certains choix. | ||
+ | </ref>, afin d’aider le théologien contemporain dans la formulation de la doctrine. | ||
− | + | Selon le professeur émérite et théologien historique britannique Geoffrey Bromiley (1915-2009), l’élaboration de la théologie historique dépasse les limites humaines à cause du nombre de choix arbitraires qui doivent être faits et qui sont sujets à la critique. Sur le plan de la composition, c’est un travail colossal, dû à l’abondance du matériau ; les divergences d’opinions dans sa formulation se situent tant au niveau de la tâche, de la méthode, du contenu et de l’approche<ref>Geoffrey BROMILEY, ''Historical Theology: An Introduction'', Grand Rapids, Eerdmans, 1978, p. xxi. | |
+ | </ref>. | ||
− | == | + | == Tâches, objectifs et bienfaits == |
− | + | La théologie historique est un projet en lien indirect avec l’Écriture sainte, mais est aussi grandement tributaire d’autres domaines. Positionnée à l’intersection de l’histoire et de la théologie, sa contribution particulière provient de sa double tâche descriptive<ref>Descriptif, le travail du théologien historique consiste d’abord à identifier et non à prescrire ce qui doit être cru et pratiqué. | |
+ | </ref> : démontrer les origines et le développement des croyances et aider le théologien contemporain à identifier les erreurs théologiques du passé qui doivent être évitées aujourd’hui<ref>S. GRENZ, D. GURETSKI, & C.F. NORDLING, « Historical Theology», ''Pocket dictionary of theological terms'', Downers Grove, IVP, 1999, p. 59. | ||
+ | </ref>. | ||
− | + | D’une part, elle s’intéresse aux relations et aux influences du contexte philosophique et social sur le théologien. Il est possible de rendre compte des tensions historiques déterminantes dans l’élaboration du développement des doctrines, car, selon Callahan, la doctrine chrétienne a des dimensions constantes et contingentes. La tension historique est créée par les relations tendues entre le contenu de la foi et les circonstances changeantes dans lesquelles la foi apparaît<ref>James CALLAHAN, ''op. cit.,'' p. 386. Notre trad et adaptation. | |
+ | </ref>. | ||
− | + | D’autre part, la pertinence de la contribution de la théologie historique dépend de ce qu’elle produit et de l’utilité pour la réflexion du théologien contemporain de ce qu’elle extrait et synthétise de l’histoire. Elle pose les questions suivantes : Qu’est-ce que les théologiens des générations précédentes ont compris et enseigné concernant la foi, la pensée et la doctrine chrétienne ? Pourquoi l’ont-ils fait ainsi ? Que pouvons-nous en retirer aujourd’hui ? L’étude historique, dans son identification des facteurs contextuels, doit poursuivre l’objectif d’aider le théologien contemporain dans l’élaboration d’une doctrine actualisée en demeurant dans l’orthodoxie et en apprenant des erreurs du passé. | |
− | Refusant d’être | + | Autrement dit, elle se veut un outil pédagogique et critique d’explicitation des présupposés et du conditionnement de l’environnement d’une époque sur l’expression doctrinale qui, selon McGrath, « vise à informer les théologiens systématiques concernant ce qui a été pensé dans le passé (et pourquoi !) tout en identifiant les facteurs exigeants la nécessité de reformuler (et de recontextualiser)<ref>Notre trad. Allister E. MCGRATH, ''Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought'', ''op. cit''., p. 9. |
+ | </ref> ». | ||
+ | |||
+ | Compagnon reconnu de la systématique, nulle question de restreindre son précieux apport à ce seul domaine ; elle s’applique ''mutatis mutandis'' aux autres départements de la théologie, lorsque structurée et présentée adéquatement. Nous croyons, suivant Allison, que la théologie historique a son utilité non seulement pour la systématique, mais aussi pour l’exégèse, la théologie biblique et la théologie pratique<ref>Gregg ALLISON, ''op. cit.'', p. 31. | ||
+ | </ref>. Dreyer et Pillay, dans leur contexte sud-africain, désirent développer ce domaine théologique en sept sous-domaines, soit : introduction, histoire des églises, histoire de la théologie, histoire des missions, théologie publique, politique ecclésiale et histoire œcuménique<ref>Wim A. DREYER, Jerry PILLAY, « Historical Theology: Content, methodology and relevance », V''erbum et Ecclesia vol 38'', Capetown, AOSIS Publishing, 2017, p. 4. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | C’est par nécessité que la théologie historique contient une dimension pratique rappelant qu’elle est au service des autres disciplines et, par conséquent, doit anticiper leurs besoins. Elle n’est jamais une finalité en elle-même, mais se construit en fonction de son apport présumé : | ||
+ | |||
+ | <blockquote>« L'interprétation critique du passé fournie par la théologie historique n'est jamais simplement une fin en soi, mais aussi toujours le moyen, même indispensable, jusqu'à la fin de la validation critique, que la théologie systématique et la théologie pratique sont constituées pour atteindre. En ce sens, faire de la théologie historique, de sa fin, anticipe le travail de ses disciplines sœurs, événement comme elles, pour leur part, présupposent nécessairement son travail. »<ref>Schubert M. OGDEN, “Prolegomena to Historical Theology”, ''Revisioning the Past'', Minneapolis, Augsburg Fortress Pub, 1992, p. 27. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | </blockquote> | ||
+ | Elle retire et organise des principes théologiques de sa lecture de l’histoire en employant la terminologie de la discipline qui la réclame. En soulignant l’importance de comprendre les raisons de l’émergence et des déviations de la doctrine dans l’élaboration de la pensée chrétienne contemporaine, elle procure graduellement les bienfaits suivants. | ||
+ | |||
+ | === Apprendre à théologiser en reconnaissant les présupposés === | ||
+ | |||
+ | La théologie historique nous apprend à théologiser en introduisant une connaissance préliminaire de tous sujets avant de les aborder convenablement de manière systématique<ref>Cornelius VAN TIL, « A Survey of Christian Epistemology», ''In defense of the Faith vol II'', WTS, Princetown, 1969, p. xiii. | ||
+ | </ref>. Se faisant, elle ouvre nos horizons en permettant de côtoyer les plus illustres de la profession et de profiter de leur instruction. Il est possible d’étudier la théologie avec les Pères de l’Église<ref>Christopher A. HALL, ''Learning Theology with the Church Father,'' Wheaton, IVP Academic, 2002, 308 p. | ||
+ | </ref> ou les Réformateurs<ref>''Gerald L. BRAY, Doing Theology with the Reformers'', Wheaton, IVP Academic, 2019, 288 p. | ||
+ | </ref>. Cette expérience interculturelle au travers des siècles a une valeur inestimable. | ||
+ | |||
+ | Étant donné que ce choc des perspectives est un remède à l’ « amnésie historique » si répandue dans le mouvement évangélique, la théologie historique est une arme contre l’étroitesse d’esprit qui a le potentiel de provoquer des réflexion sur la culture, notamment en permettant la prise de conscience que tous ont des préjugés dans leur pratique de la lecture de la Bible et de la formulation théologique. Refusant d’être limités aux présupposés de la tradition, le christianisme peut être compris en tant que mouvement planétaire. La « mémoire historique » identifie les angles morts des interprétations particulières et met en garde de ne pas déclarer hérétiques des confrères chrétiens qui ne cadrent pas dans nos catégories actuelles sachant que nos positions sont aussi conditionnées culturellement. | ||
+ | |||
+ | === Contrer l’individualisme en rappelant la dimension corporative de la foi === | ||
+ | |||
+ | Nous ne sommes pas les premiers à nous aventurer dans la fastidieuse formulation de la théologie. Malgré l’action éducative du Saint-Esprit dont l’une des fonction est de nous enseigner et de nous conduire dans toute la vérité (Jn 14.26, 16.13), il serait arrogant de croire que ce mandat ait cessé à la fin du 1<sup>er</sup> siècle pour recommencer avec nous, oubliant qu’il a édifié l’Église durant toutes les générations qui nous ont précédées, spécialement par l’octroi des dons ministériels (Ép 4.11-15). Sam Storms, président de l’''Evangelical Theological Society'' en 2017'','' répond ainsi à ceux qui prônent la vision selon laquelle l’illumination présente et individuelle du Saint-Esprit a priorité sur le passé : « Rejeter l’importance d’étudier ce processus est un refus d’accorder au passé ce que nous réclamons jalousement pour nous même dans le présent<ref>Notre trad. Sam STORMS, ''What is Historical Theology?'', ''https://www.samstorms.org/all-articles/post/what-is-historical-theology'', consulté le 29 août 2020. | ||
+ | </ref> ». | ||
+ | |||
+ | Les évangéliques doivent rejeter le paradigme du « moi seulement avec ma Bible », car la théologie ne peut se faire sans l’appropriation des batailles et des affirmations des générations précédentes, diminuant et déstabilisant notre témoignage théologique<ref>Gavin ORTLUND, ''op. cit.'', p. 57. Notre trad. | ||
+ | </ref>. La Réforme dira d’ailleurs : ''sola scriptura'' et non ''solo scriptura''. Il faut s’en souvenir pour argumenter contre la cette compréhension déformée du ''sola scriptura'' comme ''solo scriptura'' que nous retrouvons malheureusement dans le mouvement évangélique québécois<ref>Pascal DENAULT, ''Solas – La quintessence de la foi chrétienne'', Montréal, Éditions Cruciforme, 2015, p. 27 – 42. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | Dans cette perspective, la théologie historique est pédagogique, car elle permet de nous situer au sein de l’arbre généalogique du christianisme. Cette rencontre avec nos ancêtres spirituels nous permet d’apprécier leurs apports, d’évaluer leurs positions dans les combats et d’apprendre des conséquences de leurs choix. Elle nous oblige à prendre au sérieux notre héritage théologique, par un dialogue avec celui-ci, afin de connaître les points de références vitaux pour nos débats contemporains<ref>Allister E. MCGRATH, ''Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought'', ''op. cit.,'' p. 4. | ||
+ | </ref>. Elle nous offre l’état de la question sur une doctrine particulière, nous prodiguant des repères historiques : défenseurs notoires de certains points de vue, forces et faiblesses des arguments proposés, conclusions des disputes et documents de synthèse. Le théologien C. S. Lewis a dit : « Mes propres yeux ne sont pas assez pour moi. Je vais voir au travers de ceux des autres. En lisant de la bonne littérature, je deviens un millier d’hommes tout en demeurant moi-même<ref>Notre trad. CS Lewis'', An Experiment in Criticism'', Cambridge University Press, 1961, p. 152. | ||
+ | </ref> ». Bien évidemment, cette pratique cultive notre humilité, nous rappelant que nous érigeons notre théologie sur les géants qui nous ont précédés. | ||
=== N’idolâtrer ni la tradition ni la nouveauté === | === N’idolâtrer ni la tradition ni la nouveauté === | ||
− | Selon | + | Selon Wayne Grudem, les croyants font deux erreurs fondamentales en ce qui concerne l’histoire de l’Église : l’idolâtrer ou l’ignorer<ref>Wayne Grudem, « Foreword», ''Historical Theology: An Introduction to Christian Doctrine'', Grand Rapids, Zondervan, 2011, p. 9. |
+ | </ref>. D’une part, les théologiens du passé n’ont pas bu directement à la fontaine de Dieu<ref>John STOUGHTON, ''An Introduction to Historical Theology—Being a sketch of doctrinal progress from the Apostolic Era to the Reformation,'' London, Nabu Press, 2011, p. 6. | ||
+ | </ref> dans l’élaboration de la pensée chrétienne. L’antiquité d’une croyance ou d’une pratique ne confirme pas sa véracité, car la vérité et l’erreur doctrinale ont toujours coexistés<ref>David BEALE, ''Historical Theology In-Depth, Volume 1: Themes and Contexts of Doctrinal Development since the First Century'', BJU Press, 2013, p. 2. | ||
+ | </ref>. Il faut éviter à tout prix d’idolâtrer nos prédécesseurs en négligeant que la seule source de doctrine est la Bible et que personne ne l’a encore comprise parfaitement. | ||
+ | |||
+ | D’autre part, il faut résister à l’attrait de l’innovation qui snobe et méprise le passé, pensant que l’anticonformisme est toujours mieux. C. S. Lewis définit le snobisme chronologique ainsi : « [Le snobisme chronologique] est l'acceptation non critique du climat intellectuel commun à notre époque et l'hypothèse que tout ce qui est dépassé est discrédité<ref>C.S. LEWIS, ''Surprised by Joy: The Shape of My Early Life'', San Diego, Harcourt Brace & Company, 1955, 207 — 208. | ||
+ | </ref> ». Alister McGrath nous met en garde d’accepter aveuglément ce qui n’avait jamais encore été cru, spécialement | ||
− | + | <blockquote>[…] à partir de l’individualisme superficiel des théologiens pour qui l’innovation et la « créativité » — pour employer un mot qui n’a souvent pas été une volonté d’abandonner les points de vue traditionnels — sont d’une importance primordiale. Si un théologien évangélique nous confronte à une demande de « croyez-moi ! » en nous offrant un nouvel enseignement radical, nous pouvons répondre avec un défi évident : Pourquoi personne n’y a cru auparavant ? Pourquoi, tout au long de deux mille ans de réflexion chrétienne fidèle, cette doctrine n’a-t-elle jamais été prise au sérieux ? Une telle approche critique est libératrice, car elle nous libère de l’autoritarisme des prédicateurs et des écrivains non conformistes<ref>Notre trad. Alistair MCGRATH, « Engaging the Great Tradition», ''Evangelical Futures—a conversation on Theological Method'', Grand Rapids, Baker, 2000, p. 157. | |
+ | </ref>. | ||
+ | </blockquote> | ||
+ | Face à la nouveauté, la recherche active de potentielles racines historiques est de mise, suivie d’une évaluation des conséquences vécues par ceux qui y ont adhéré. Millard J. Erickson nous invite à attacher le nom des théologiens aux idées qu’ils ont véhiculées et d’en retracer les implications pratiques<ref>Millard J. ERICKSON, « Evangelical Theological Scholarship in the Twenty-First Century », ''Quo Vadis – Evangelicalism'', Wheaton, Crossway Books, 2007, p. 197. | ||
+ | </ref>. Il nous encourage à avoir une vue cyclique de l’histoire, qui répète constamment les mêmes modèles<ref>Millard J. ERICKSON, ''Christian Theology'', 3 ed, Grand Rapids, Baker Academic, 2013, p. 27. | ||
+ | </ref>. Ceci met en lumière le paradoxe de l’Académie qui exige d’être original alors que l’Ecclésiaste a écrit : | ||
− | Par conséquent, il faut toujours adresser | + | <blockquote>Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. S’il est une chose dont on dise : Vois ceci, c’est nouveau ! Cette chose existait déjà dans les siècles qui nous ont précédés. On ne se souvient pas de ce qui est ancien ; et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard (Ec 1.9-11). |
+ | </blockquote> | ||
+ | En guise de réponse, n’oublions pas que rien n’empêche d’être influencé par ce qui est ancien pour revitaliser la doctrine actuelle. Il s’agit d’éléments nouveaux, mais en continuité avec la tradition suite à une réappropriation critique répondant aux enjeux actuels. McGrath illustre cette possibilité : « Comme le montrent clairement les écrits plus récents de Karl Barth et de Karl Rahner, certaines des meilleures théologies contemporaines peuvent être considérées comme une réappropriation critique - en d'autres termes, en utilisant la sagesse du passé dans le débat actuel<ref>Allister MCGRATH, ''Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought'', ''op. cit.,'' p. 14. | ||
+ | </ref> ». Jaroslav Pelikan souligne que le passé stimule la créativité : « Loin d'agir comme un frein à la créativité théologique, cette inclusion des morts dans le cercle de la discussion doctrinale agit comme un stimulant<ref>Jaroslav PELIKAN, ''Historical Theology: Continuity and change in Christian Doctrine'', Philadelphia, Westminster Press, 1971, p. ? | ||
+ | </ref> ». | ||
+ | |||
+ | Par conséquent, il faut toujours adresser la doctrine en vigueur en fonction de la Parole de Dieu et en ne considérant pas comme infaillibles les systèmes théologiques du passé, mais en y cherchant appui ou stimulant. | ||
=== Contextualiser sans syncrétisme === | === Contextualiser sans syncrétisme === | ||
− | Dans un souci | + | La Chrétienté a trouvé l’esprit humain déjà occupé par la spéculation humaine qui, avec ses systèmes philosophiques, a exercé une influence constante sur l’interprétation des Écritures et de son application. Pour McGrath, « l'étude de la théologie historique montre également comment l'interprétation de la Bible était régie, souvent dans une mesure inconfortable, par des hypothèses culturelles et philosophiques<ref>Alistair E. MCGRATH, « Engaging the Great Tradition », ''op. cit.,'' p. 149. |
+ | </ref> ». L’apôtre Paul nous met en garde contre cette réalité dans son épître au Colossiens : « Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur Christ (Col 2.8 LSG) ». | ||
+ | |||
+ | Dans un souci d’enculturation, il est attrayant, mais toujours désastreux de contextualiser la pensée chrétienne en la subordonnant aux présupposés philosophiques, politiques et culturels d’une époque lors de son élaboration. L’apôtre Paul donne cette dernière exhortation au jeune pasteur Timothée à la fin de sa lettre : « Ô Timothée, garde le dépôt, en évitant les discours vains et profanes, et les disputes de la fausse science dont font profession quelques-uns qui se sont ainsi détournés de la foi (1 Tim 6.20-21 LSG). | ||
+ | |||
+ | La théologie historique est critique, car elle démontre que les doctrines n’ont pas eu la même importance à chaque moment de l’histoire et que certaines circonstances ont favorisé l’émergence et le développement d’idées théologiques, bonnes ou mauvaises, dont les erreurs commises ont pu être corrigées par une critique effectuée par les générations suivantes<ref>Allister E. MCGRATH, ''Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought'', ''op. cit.,'' p. 12. | ||
+ | </ref>. Le discernement entre les éléments humains et divins est vital ; il faut distinguer entre la vérité contenue dans la Bible et sa compréhension graduelle au sein de l’expérience humaine<ref>David BEALE, ''op. cit.,'' p. 3. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | Le christianisme a subi des attaques de toutes parts, amenant l’Église à préciser son interprétation de la Parole Dieu et à fournir les conclusions les plus raffinées; « les croyances ont acquis leur meilleur raffinement sur le champ de bataille théologique sur lequel le christianisme a affronté des systèmes hérétiques antithétiques aux fondements de la foi<ref>''Ibid''., Notre trad. | ||
+ | </ref> ». | ||
+ | |||
+ | La théologie historique fournit un dialogue interconfessionnel établissant que diverses perspectives sont acceptables, même lorsque nous ne sommes pas d’accord. Par conséquent, elle rappelle le danger du syncrétisme et nous rassure que la Parole de Dieu, juste et véritable, finit toujours par triompher au bout du compte par la bouche de futures générations. | ||
== Méthodes et contenu == | == Méthodes et contenu == | ||
− | |||
− | === | + | La théologie historique ne fait pas partie des sciences religieuses. Pour Schleiermacher, elle est une discipline historique qui étudie la théologie en employant les mêmes méthodes que n’importe quel autre phénomène historique. Notre approche est différente. Domaine théologique, elle emprunte aux disciplines historiques. Selon la synthèse de l’encyclopédie biblio-théologique d’Amar Djaballah et Henri Blocher<ref>Nous la décrivons sommairement dans Sébastien MORRISSETTE et Pierre-Luc VERVILLE « Théologie », ''Réformation tranquille'', 2020, https://reformationtranquille.org/index.php?title=Th%C3%A9ologie. |
+ | </ref>, nous pouvons constater que la théologie historique se distingue de l’histoire de l’Église et qu’elle contribue aux autres domaines de la théologie. Elle a un rôle important en informant les autres disciplines sur les interprétations et les processus organisationnels du passé. Précisons qu’elle n’a pas, ''stricto sensu'', de lien direct avec l’Écriture ; par conséquent, elle se trouve sous l’autorité des disciplines théologiques qu’elle sert. Elle est donc ministérielle et non magistérielle : elle ne possède pas l’autorité de déterminer la doctrine et la pratique. | ||
+ | |||
+ | Le contenu dépend de l’angle d’approche et des présupposés de celui qui en effectue l’étude. Le systématicien A. H. Strong souligne avec humour ce danger de la subjectivité par lequel l’historien voit ses propres vues dans l’histoire analysée : | ||
+ | |||
+ | <blockquote>Il y a toujours un danger que l'historien voit ses propres vues trop clairement reflétées dans l'histoire de l'Église. L'histoire de la doctrine chrétienne de Shedd a été appelée « L'histoire de la doctrine chrétienne du Dr Shedd ». Mais si l'augustinisme du Dr Shedd colore son histoire, l'arminianisme du Dr Sheldon colore également la sienne. L’histoire de la doctrine chrétienne de G. P. Fisher est exceptionnellement lucide et impartiale<ref>A.H. STRONG, ''Systematic Theology'', Philadelphia, American Baptist Publication Society, 1907, p. 41. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | </blockquote> | ||
+ | La théologie historique peut se restreindre à l’étude du dogme d’une confession religieuse<ref>BRADELY, James E., MULLER, Richard A., ''Church History—An Introduction to Research Methods and Resources'', Grand Rapids, Eerdmans, 2016, p. 6: « History of dogma is the history of those particular doctrinal themes that have received normative definition from the church ». | ||
+ | </ref>, de la doctrine<ref>''Ibid''., p. 7: « While the history of dogma does not look beyond these basic issues, the history of doctrine discusses the entirety of the body of doctrine as it moves through the life of the church in any given period ». La position évangélique s’intéresse davantage à la notion de doctrine et de dogme. Paul ENNS, ''Introduction à la théologie'', Trois-Rivières, Publications chrétiennes, 2009, p. 429 propose une définition encore plus étroite : « Elle examine la formation de ses doctrines cardinales [...] pour comprendre comment ces doctrines ont été formulées et rendre compte de leur évolution ». | ||
+ | </ref>, des théologies systématiques du passé<ref>Millard J. ERICKSON, ''op. cit.,'' p. 12 réduit la théologie historique à l’étude des théologies systématiques : « Historical Theology studies the systematic theologies held and taught by various theologians throughout the history of the church » | ||
+ | </ref> ou une approche plus large concernant l’ensemble de la pensée chrétienne<ref>James E. BRADELY, Richard A. MULLER, ''op. cit.,'' p. 8: « The history of Christian though identifies a still broader field of inquiry, in as much as it claims as its field of investigation the entire range of Christian thought, including those topics nominally beyond the bounds of theology ». James M. BRANDT, « Historical Theology», ''The Wiley-Blackwell companion to Practical Theology'', Oxford, John Wiley & Sons, 2014, p. 368: « In the broad sense historical theology refers to all historical investigation that understands itself as a theological discipline. This includes history of institutions, denominations, and movements; history of gender roles and of churches particular ethnicities; history of practices and doctrine; history of leaders in the church and of everyday life; and history of the church and the larger world ». | ||
+ | </ref>. Nous pouvons illustrer ces possibilités par des cercles concentriques comprenant, du plus petit au plus grand : l’histoire des dogmes, l’histoire de la doctrine, histoire de la théologie systématique, et l’histoire de la pensée chrétienne. En tant que courroie d’engrenage entre l’histoire de l’Église et les autres domaines théologiques, elle apporte les acquis de la première pour faire réfléchir les secondes. | ||
+ | |||
+ | Geoffrey Bromiley<ref>Geoffrey BROMILEY, ''op. cit.'', p. xxiv—xxvi. | ||
+ | </ref> énumère quatre méthodes potentielles pour faire le choix du contenu, chacune servant un but différent. La première est le survol rapide, effleurant chaque sujet pour donner rapidement une vision d’ensemble au lecteur. La deuxième a l’ambition de couvrir, par ''excès d’érudition'', la matière le plus exhaustivement possible, autrement dit d’aborder tous les sujets en profondeur. La troisième propose une théorie de regroupement du matériau, avec thèse et antithèse. La quatrième vise l’explication en recherchant les racines, les raisons, les interactions et les influences afin de soutenir une proposition. | ||
+ | |||
+ | == Approches == | ||
+ | |||
+ | Deux approches sont fréquemment utilisées pour structurer le produit de la recherche, soit les approches synchroniques (histoire de la pensée chrétienne), et diachroniques (histoire des doctrines). | ||
+ | |||
+ | === Approche synchronique === | ||
+ | |||
+ | L’approche synchronique étudie la théologie dans une période de temps spécifique au cours de laquelle les doctrines (la tradition) et les principaux penseurs sont abordés. Il s’agit d’une organisation qui est d’abord chronologique et ensuite topologique. Son avantage consiste à fournir une meilleure identification de l’arrière-plan historique, des difficultés et des centres de réflexion théologiques. Elle identifie les théologiens clés, les développements de mots, phrases, concepts théologiques de cette époque, sans toutefois préciser tous les sujets doctrinaux. Les cinq volumes de Jaroslav Pelikan sont un exemple de cette approche<ref>Jaroslav PELIKAN, ''The Christian Tradition: A History of the Development of Doctrine'', 5 vols, Chicago, University of Chicago Press, 1971 – 91. | ||
+ | </ref>. Son désavantage apparaît lors d’une recherche sur un point de doctrine particulier, alors qu’il faut parfois rechercher dans différents livres du même auteur pour connaître l’ensemble du développement de la doctrine. Pour ce qui est de la délimitation des grandes époques de l’histoire de l’Église, il y a consensus : naissance de l’Église (NT-600), Moyen Âge (600-1517), Réforme et contre-réforme (1517-1750) et période moderne (1750-présent)<ref>Voir [[Histoire]]. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | === Approches diachroniques === | ||
+ | |||
+ | L’approche diachronique étudie le développement de la pensée d’une doctrine au travers de toutes les périodes de l’histoire de l’Église. Il s’agit d’une organisation qui est d’abord topologique et ensuite chronologique. Ses avantages sont l’accent sur les développements majeurs de chaque doctrine, en laissant les voix du passé parler avec leurs propres mots. Elle ne critique pas directement une position, mais elle utilise les voix du passé pour le faire. Ses désavantages sont de restreindre la critique des développements historiques selon la tradition théologique du chercheur, lui donnant ainsi une saveur confessionnelle, afin de bien représenter la pensée de chaque époque. En se concentrant sur les développements majeurs de chaque doctrine, elle se limite aux références les plus significatives. | ||
+ | |||
+ | Dans l’approche diachronique, trois perspectives sont possibles<ref>Voir le résumé de Greg ALLISON, ''op. cit.,'' p. 29 – 30. | ||
+ | </ref> : relativiste, essentialiste et essentialiste modérée. La perspective relativiste présuppose qu’il est impossible d’identifier un noyau de la foi chrétienne et porte donc son attention sur la diversité, les nuances et la discontinuité. La perspective essentialiste présume qu’il n’existe qu’une expression de la chrétienté et que les autres sont déviantes, que certaines traditions, à certaines époques, se sont trompées. La perspective essentialiste modérée présume qu’il y a un noyau de doctrines chrétiennes identifiable, mais qu’aucune Église pure n’a existé, que l’écriture diagnostique l’incomplétude des connaissances théologiques des Églises de chaque époque, et que la formulation de la doctrine implique profondément l’arrière-plan culturel et les présupposés philosophiques de chaque période. | ||
+ | |||
+ | == Relations interdisciplinaires == | ||
+ | |||
+ | === Relation avec l’histoire de l’église === | ||
+ | |||
+ | L’histoire s’intéresse à la place de l’Église dans l’histoire sociale du monde en distinguant les deux. Elle est autre que la théologie historique, car « la différence entre les disciplines réside dans l’approche prise envers les documents et l’information qui en est retirée<ref>James E. BRADELY, Richard A. MULLER, ''op. cit'', p. 5. | ||
+ | </ref> ». Alors que l’histoire préserve notre connaissance factuelle du passé, la théologie historique identifie les facteurs contribuant à la compréhension du développement de certains aspects de la théologie<ref>Alister E. MCGRATH, ''Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought'', ''op. cit.,'' p. 9. | ||
+ | </ref>. L’histoire est vitale, car elle fournit le contexte<ref>Ce lien entre contexte et expression de la théologie peut être illustré en théologie pratique avec la théologie de la libération en Amérique latine où le concept de salut et de sotériologie a été défini dans un contexte de situation socioéconomique défavorable. | ||
+ | </ref> dans lequel la doctrine a été produite et définie, permettant de « rendre justice aux sources et ne pas perdre de vue l’emplacement historique des idées et le but originel derrière la source »<ref>A.D. NASELLI, ''BI206 New Testament Exegesis: Understanding and Applying the New Testament'', Bellingham, Lexham Press, 2016, Logos edition. | ||
+ | </ref>. Naselli exprime cette distinction ainsi : « La théologie historique examine et évalue à quel point les exégètes et les théologiens ont compris la Bible et la théologie. Comment la doctrine chrétienne s'est-elle développée? Comment a-t-on répondu aux faux enseignements ? Afin de comprendre la théologie historique, vous devez comprendre son contexte historique. C’est l’histoire de l’Église<ref>''Ibid'', p. 6. | ||
+ | </ref> ». Toutefois, selon Bradely et Muller, les deux disciplines exigent maintenant une approche plus holistique qui prend pleinement conscience des influences sociales, politiques et philosophiques subtiles sur la théologie<ref>Notre trad. James E. BRADELY, Richard A. MULLER, ''op. cit.'', p. 3. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | === Relation avec la théologie systématique === | ||
+ | |||
+ | Aucune théologie ne sort du néant. Elles découlent de débats et disputes théologiques. Il convient de comprendre la provenance de chacune, les circonstances d’où elle émerge avant de proposer un changement ; l’Écriture sapientiale nous invite à ne pas déplacer la borne ancienne sans raison (Pr 22.28, 23.11). N’oublions pas que chaque système présenté par un théologien a été soutenu contre ses contemporains critiques et sceptiques, ce qui fait de la théologie historique une source cruciale pour l’apologète. | ||
+ | |||
+ | La théologie historique peut déranger les systématiciens, à la suite de la mise en lumière de faits inconfortables du passé ou de la redécouverte de vérités oubliées. Selon Richard Muller, sauter de l’exégèse à la systématique sans considérer l’histoire du développement de la doctrine est une double erreur. En dupliquant les résultats de la théologie biblique et de l’exégèse, elle échoue à adresser les enjeux du présent. En utilisant les synthèses des autres époques sans appropriation critique, elle aura l’air d’une relique d’un musée<ref>Richard A. MULLER, ''Study of Theology'', Grand Rapids, Zondervan Academic, 1991, 162. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | La théologie historique apporte au systématicien des confessions de foi historique, qui sont les expressions formelles de la Règle de foi. Elle nous enseigne que certaines confrontations ont été centrales dans une époque. Elle rappelle que nous faisons souvent face à des questions qui ont été répondues dans le passé à des hérésies condamnées depuis longtemps par l’Église, qui ne sont que recyclées et présentées qu’avec un nouvel emballage. Les loups sont ainsi plus faciles à démasquer (Actes 20.29-30) ne faisant plus de nous des proies faciles. L’hérésie est un pendule oscillant de droite à gauche dans l’histoire. Chaque mouvement de réforme et de réveil a été déclenché et embrasé par le constat de cela que le christianisme avait perdu dans les générations précédentes<ref>KREIDER, Glenn R., SVIGEL, Michael J., ''A practical primer on theological method—Table manners for discussing God, his works, and his ways,'' Grand Rapids, Zondervan Academic, 2019, loc 3114 (Kindle Ed). | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | La théologie systématique et la théologie historique sont deux domaines qui sont, selon Gerhard Ebeling « deux aspects de la même tâche herméneutique de la théologie : la théologie historique se concentre sur la tradition, alors que la dogmatique est préoccupée par l’obéissance contemporaine à la tradition, l’''actus tradendi''<ref>Gerhard EBELING, ''Theology and Proclamation: Dialogue with Bultman'', Philadelphia, 1966, p. 22–31. Notre trad. | ||
+ | </ref>'' ''». | ||
+ | |||
+ | === Relation avec la théologie pratique === | ||
+ | |||
+ | La théologie historique promet une énorme contribution à la théologie pratique, tant au niveau cultuel, que de l’hymnologie, en passant par la prédication, la pastorale et les divers aspects de la mission et de la vie chrétienne. Le culte s’est adapté aux différents contextes, spécialement au niveau de l’adoration et de l’utilisation des instruments de musique. Les hymnes antiques, souvent très riches en contenu, sont réactualisables en nouveaux cantiques<ref>Alfred KUEN, « Chantez à l’Éternel un cantique nouveau », ''Oui à la musique'', St-Légier, Editions Emmaus, 5 p. Le groupe de musique québécois ''Héritage'' a mis ce principe à l’œuvre avec les reprises musicales de chants traditionnels. | ||
+ | </ref>. Dans la prédication et l’enseignement, la facilité d’accès aux commentaires anciens<ref>La série ''Ancient Christian Commentary on Scripture'' (ACCS) contient une sélection d’interprétations et de citations pour chaque passage biblique. ''Christian Classics Ethereal Library'' ([https://ccel.org/ ''https://ccel.org/'']) est un site dédié aux ressources anciennes libres de droit. ''Monergism'' ([http://www.monergism.com ''www.monergism.com'']) et ''a Puritans mind'' ([http://www.apuritansmind.com ''www.apuritansmind.com'']) sont des sites répertoriant des ressources sur la foi réformée, tant récentes que passées. | ||
+ | </ref> permet de consulter ce qui a été fait de meilleur et d’enrichir la pratique par une pléthore d’illustrations historiques et d’applications. Les questions apportées au texte par les autres époques et cultures amènent de la profondeur dans la prédication<ref>D.A. CARSON, ''EPS 2007 — Lecture 3 of 4: D.A Carson — Historical Theology and Preaching'', ''https://www.youtube.com/watch?v=Pf976p2Bj_4'', consulté le 1<sup>er</sup> septembre 2020, illustre ce propos par deux figures ayant démontré la fidélité à l’Écriture malgré l’opposition du leadership ecclésial de l’époque, soit Athanase et Luther, qui étaient seuls contre le monde, car la vérité n’est jamais populaire. | ||
+ | </ref>. Cet héritage ajoute de la dignité et du poids à ce qui est présenté. Les problèmes humains ne datent pas d’hier et les enjeux de la pastorale, qui concerne ces défis relationnels, trouvent écho dans toutes les périodes de l’histoire. Cette dernière permet d’approfondir la sagesse par les bons exemples et démontrer la folie par les mauvais<ref>Le classique de Richard Baxter, ''The Reformed pastor'', en est un bon exemple. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | La perspective sur la mission a changé avec les époques, mais la question de l’enculturation de l’Évangile demeure. L’étude de chaque mission dans l’histoire permet de distinguer ce qui transcende la culture et ce qui lui appartient ; ce qui a été ajouté à l’évangile ou soustrait. L’auteur de l’épître aux Hébreux nous fournit des exemples d’obéissance et de foi (Hé 11) pour nous encourager dans la vie chrétienne. L’étude de l’histoire a un effet similaire en nous présentant des héros de la foi chrétienne pour que cette communion des saints nous édifie<ref>JI PACKER, ''A Quest for Godliness: The Puritan Vision of the Christian Life'', Wheaton, Crossway, 1990, p. 16. | ||
+ | </ref>. L’histoire est remplie de situation similaire à ce que nous vivons ; la réaction chrétienne face à la pandémie de COVID-19 n’en fait pas exception. Nous avons accès aux écrits du passé explicitant la conduite lors d’épidémie précédente<ref>Glen SCRIVENER, Responding to Pandemics: 4 Lessons from Church History, ''https://www.hegospelcoalition.org/article/4-lessons-church-history/'', consulté le 1<sup>er</sup> septembre 2020. | ||
+ | </ref>, permettant d’enrichir notre éthique. Il faut parfois faire marche arrière pour mieux avancer. | ||
+ | |||
+ | == Historique de la discipline == | ||
+ | |||
+ | La théologie historique peut prétendre avoir débuté dès la rédaction du Nouveau Testament, car des auteurs comme Luc et Jean ont déplacé volontairement des faits historiques de la trame narrative pour un but théologique, telle que la péricope programmatique lucanienne (Luc 4.14-30)<ref>David E. GARLAND, ''Luke'', ZECNT, Grand Rapids, Zondervan, 2011, p. 189. | ||
+ | </ref>. Toutefois, les origines de la théologie historique sont généralement situées au XVI<sup>e</sup> siècle, suite à l’intense polémique entre protestants et catholiques sur la continuité avec l’Église primitive et la modification de la doctrine durant le moyen-âge<ref>Alistair McGRATH, ''op. cit''., p. 9. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | Au niveau académique, la réflexion débute avec la « nouvelle conscience historique<ref>« La nouvelle conscience historique est une prise de conscience que le passé est souvent subtilement différent du présent [...] Ce nouvel idéal d’objectivité scientifique visant à établir des faits objectifs séparés de l’interprétation a aussi affecté l’étude de l’histoire de la théologie chrétienne. » T.A. NOBLE, ''op. cit''., p. 413. | ||
+ | </ref> » et la montée de l’historiographie moderne à la fin du 17<sup>e</sup> siècle. Dès 1762, Johann Salomo Semler (1725-1791) sépare l’histoire de la doctrine de l’histoire de l’Église. Historien de l’Église, il est surnommé parfois le père du rationalisme Allemand, car il se fait critique de l’histoire des documents ecclésiaux et de l’histoire des dogmes. Il est le premier à regarder l’histoire du christianisme à partir d’une perspective critique, car selon lui, l’histoire est complètement subjective. | ||
+ | |||
+ | Au XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècle, avec le romantisme et l’historicisme de G.F.W. Hegel (1770-1831), l’histoire est perçue comme dynamique et non plus statique provoquant la montée du mouvement de « l’histoire des dogmes (''dogmengeschichte'') ». Ferdinand Christian Bauer (1792-1860), applique l’historicisme hégélien aux épîtres pauliniennes et à quelques doctrines, telles que celles de la Trinité et de l’incarnation. Sa contribution est d’avoir compris le dogme comme étant à l’intersection de l’histoire de l’Église et de la foi contemporaine ; il est soumis aux conditions historiques desquelles il a émergé<ref>James CALLAHAN, « Historical theology», ''Evangelical Dictionary of Theology'', 2nd edition, Baker Academic, 2001, p. 387. | ||
+ | </ref>. John Henry Newman (1801-90) propose le concept du développement de la doctrine afin de concilier le défi du phénomène de changement des croyances et le fait que les croyances catholico-romaines devraient toujours être les mêmes<ref>LANE, A.N.S., ''op. cit.,'' p. 306. | ||
+ | </ref>. Ainsi, il reconnaît le développement organique de la doctrine, modèle remplaçant celui de l’immutabilité du dogme<ref>John Henry NEWMAN, ''Essay on the Development of Christian Doctrine'', London, CrossReach Publications, 2016 (1845), 476 p. | ||
+ | </ref>. Ayant toujours été présent sous forme germinal, aucun enseignement n’est réellement nouveau, car « l’idée entre dans l’esprit, croît et se développe avant d’être exprimé comme un concept clair<ref>P. TOON, « Development of Doctrine », ''New Dictionary of Theology – Historical and Systematic'', Downers Grove, IVP Academic, 2016, p.253. | ||
+ | </ref> ». Avec le développement de la méthode historico-critique, la théologie historique se développe véritablement comme discipline académique distincte<ref>T.A. NOBLE, « Historical Theology », ''New Dictionary of Theology – Historical and Systematic'', Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 413. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | Adolf Von Harnack (1851-1930), dans son œuvre monumentale devenue classique<ref>F.F. BRUCE, « Harnack, Adolf », ''New Dictionary of Theology – Historical and Systematic'', Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 387-388. Ses oeuvres impressionnantes : ''Dogmengeschichte'' (1886-90), History of Dogma (1894-99). | ||
+ | </ref>, croit que l’étude objective historique démontre que l’orthodoxie chrétienne s’est détachée de l’enseignement de Jésus, car les doctrines développées sont une distorsion faite par la métaphysique grecque<ref>T.A. NOBLE, ''op. cit.'',, p. 413 | ||
+ | </ref>. Le mouvement kérygmatique du Christ s’est institutionnalisé en dogme avec le temps et il faut se détacher de l’hellénisation pour le retrouver. | ||
+ | |||
+ | Au niveau de la recherche chez les tenants de la Réforme, R. Scott Clark rapporte le travail pionnier de Heiko A. Oberman (1930-2001) qui relève des connexions entre la théologie médiévale et la Réformation. Son étudiant David Steinmetz (1936-2015) a appliqué sa méthode à la période de la Réforme. À son tour, l’étudiant de ce dernier, Richard A. Muller (1948- ), l’a appliqué au scolastisme protestant<ref>R. Scott CLARK, « Historical Theology », thegospelcoalition.org/essay/historical-theology/, consulté le 7 janvier 2020. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | == Le théologien historique évangélique == | ||
+ | |||
+ | L’étude de la théologie du passé semble pour plusieurs de nos contemporains comme étant une perte de temps. Il est alors impératif de se questionner sur la pertinence de cet investissement dans notre contexte actuel. Trois raisons majeures en soulignent l’importance. | ||
+ | |||
+ | Premièrement, selon l’historienne Stefana Dan Laing, l’Église évangélique est entrée dans une période de crise identitaire, même si ce terme n’est pas encore couramment utilisé. Elle mentionne que l’Église actuelle reflète la culture du moment vers laquelle elle se tourne au lieu de creuser dans son propre héritage pour trouver des exemples de prédication, de liturgie, de discipulat, de leadership et d’évangélisme qui répondraient avec fidélité aux défis rencontrés<ref>Stefana Dan LAING, ''Retrieving History – Memory and Identity Formation in the Early Church'', Grand Rapids, Baker Academic, 2017, p. xiii. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | Deuxièmement, Gavin Ortlund rapporte le phénomène d’un exode d’évangéliques vers les confessions plus anciennes du christianisme, tels que le catholicisme romain ou l’Église orthodoxe, dans une quête de retour aux racines<ref>Quelques livres américains récents illustrent cette malheureuse réalité: Robert PLUMMER, ''Journeys of Faith: Evangelicalism, Estearn Orthodoxy, Catholicism, and Anglicanism'', Grand Rapids, Zondervan, 2012; Christian SMITH, ''How to go from being a good evangelical to a committed catholic in ninety-five difficult steps'', Eugene, Wipf & Stock, 2011, 216 p.; Christian SMITH, ''The Bible Made Impossible: Why Biblicism is not a truly Evangelical Reading of Scripture'', Grand Rapids, Brazos Press, 2012. David CURRIE, ''Born Fundamentalist, Born Again Catholic'', San Francisco, Ignatus Press, 1996; Dwight LONGENECKER, ''The Path to Rome: Modern Journeys to the Catholic Church'', Herefordshire, Gracewing, 1999; Francis J. BECKWITH, ''Return to Rome: Confessions of an Evangelical Catholic'', Grand Rapids, Braxos Press, 2009. | ||
+ | </ref>. Il plaide donc qu’il est important pour les évangéliques de se faire théologiens historiques, afin de ne pas croire que notre mouvement est nouveau et qu’il est plutôt issu de différentes époques. Cette étude est selon lui un remède contre la pensée selon laquelle le mouvement évangélique n’a pas de racines historiques. Pour soutenir cette affirmation, il souligne que les Réformateurs ont connecté avec succès leur mouvement avec l’histoire, afin de ne pas être accusés de créer une nouvelle religion. Les Réformateurs se considéraient évangéliques en premier lieu : « Le nom protestant dérive de la protestation (latin, ''protestare'', «témoigner») des princes allemands favorables à la Réforme à la deuxième diète de Spire en 1529. Avant cette date, les Réformateurs s’auto-appelaient communément évangéliques, se référant à la revendication de fonder leur enseignement sur l'Évangile<ref>Charles J. SCALISE, « Protestant Evangelicalism », ''The Wiley-Blackwell companion to Practical Theology'', Oxford, John Wiley & Sons, 2014, p. 577. | ||
+ | </ref> ». Il est possible d’être « évangéliques » et de rechercher l’unité, car la catholicité de l’Église n’est pas synonyme d’Église catholique romaine. | ||
+ | |||
+ | Troisièmement, la mentalité évangélique transporte souvent l’idée selon laquelle l’Église moyenâgeuse prônait l’obscurantisme et qu’il n’y avait pas de Chrétienté biblique entre la fin de l’Église apostolique et la Réformation, ce qui contribue à diminuer l’importance de la continuité historique. Pour Stephana Dan Laing, « les évangéliques ont tendance à accepter (carrément ou implicitement) l'idée d'un gouffre entre le christianisme du Nouveau Testament et la Réforme, concluant que le christianisme vrai et biblique était absent de l'Église dominante entre les apôtres et Luther. Cette vue sectaire volent les adhérents d’une perspective plus large sur leur propre histoire ainsi que sur leur place dans une longue et riche méta-narration<ref>Stefana Dan LAING, ''op. cit.'', p. xiv. | ||
+ | </ref> ». Toutefois, ceux qui réclament leurs racines chrétiennes et revisitent le passé rafraîchissent leurs marches chrétiennes et renouvellent leurs témoignages face au monde<ref>''Ibid'', p. 2. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | === Écueils à éviter dans la recherche === | ||
+ | |||
+ | Selon Gavin Ortlund, dans l’exercice de cette fonction, quatre dangers doivent être évités : la ''distorsion'', l’artificialité, la ''repristination'' et le ''minimalisme''. La ''distorsion''<ref>Gavin ORTLUND, ''op. cit.,'' p. 73. | ||
+ | </ref> qui consiste à aller trop vite vers le présent par la caricature ou la mauvaise reconstruction de la ressource historique, piègent les systématiciens. L’''artificialité''<ref>''Ibid'', p. 73. | ||
+ | </ref> force le passé à rendre service à nos besoins présents de manière souvent artificielle piégeant les historiens. La ''repristination''<ref>''Ibid''., p. 74. | ||
+ | </ref> est l’exercice de reformuler le passé considérant les sources classiques comme une référence pouvant donner un verdict final et immuable sur les sujets adressés. Le ''minimalisme''<ref>''Ibid''., p. 75. | ||
+ | </ref> néglige les éléments difficiles du passé afin de trouver les dénominateurs communs lors de la recherche d’unité œcuménique. Nous en ajouterons un cinquième, l’''écrasement'' : l’abondance de ressources peut submerger le chercheur. | ||
+ | |||
+ | === Techniques pour la recherche === | ||
+ | |||
+ | En s’adonnant à la théologie historique, le chercheur doit demeurer modeste. Il ne peut prétendre maîtriser le domaine et doit expliquer humblement les raisons à l’origine des choix qui s’imposent à lui parmi de nombreuses possibilités. Il veille à éviter les cinq pièges susmentionnés. | ||
+ | |||
+ | Il doit ainsi, premièrement, exercer un ''triage théologique''<ref>Gavin ORTLUND, ''Finding the right hills to die on – The case for Theological Triage'', Wheaton, Crossway, 2020, 176 p. | ||
+ | </ref>, afin d’éviter l’écrasement. L’efficience de la recherche dépend du ciblage des figures ; celles choisies sont reconnues par le poids de leur contribution et l’intégration de leur pensée dans un système théologique complet et cohérent<ref>Kyle STROBEL, « Where to start in studying Historical Theology », [https://www.thegospelcoalition.org/ ''https://www.thegospelcoalition.org/'']video/ start-studying-historical-theology/, consulté le 9 septembre 2020. | ||
+ | </ref>. Une autre approche consiste à sélectionner celles qui sont liées à des points décisifs de l’histoire. Mark Noll, par exemple, propose quatorze moments tournants dans l’histoire du christianisme<ref>Mark NOLL, ''Turning points: Decisive Moments in the History of Christianity'', Grand Rapids, Baker Academics, 2012, 368 p. | ||
+ | </ref>. | ||
+ | |||
+ | Deuxièmement, après avoir choisi son sujet d’étude, il ''expose les faits historiques'' à partir de sources primaires et en retire les facteurs d’influence. L’interprétation de l’histoire nécessite l’utilisation rigoureuse des méthodes historiographiques, afin d’éviter la distorsion. Les synthèses sont utiles, mais les écrits originaux (ou leurs traductions) sont primordiaux, afin de laisser les auteurs s’exprimer dans leurs propres mots. S’il aborde plusieurs auteurs, il les présente en succession sans amoindrir leur message et note les continuités et discontinuités entre eux. Ainsi, le minimalisme peut être évité en citant ''verbatim'' les points litigieux. | ||
+ | |||
+ | Troisièmement, le théologien historique ''synthétise'' les propositions philosophico-théologiques en prenant bien soin d’identifier les présupposés et les raisons des choix. Il oriente sa synthèse afin que le produit corresponde à la discipline qui requiert l’analyse, mais sans tomber dans l’artificialité et l’anachronisme en imposant des catégories actuelles qui n’existaient pas à l’époque. Se délecter de l’histoire peut en intéresser plus d’un, mais demeure sans utilité pour la réflexion théologique si elle ne présente pas son produit adéquatement. Nous apprenons à partir de l’analyse de l’histoire, et non seulement par la lecture des faits. | ||
+ | |||
+ | Quatrièmement, il ''évalue'' les propositions à partir d’une vision du monde évangélique et il présente les critiques historiques contribuant à la discussion évitant la represtination. Il ne considère pas son point de vue comme normatif en écrasant les acquis potentiels ; il aura recours à d’autres voix évangéliques qui se sont prononcées. Une critique constructive doit être prônée afin de garder un équilibre dans l’apprentissage. | ||
+ | |||
+ | == Synthèse == | ||
+ | |||
+ | Dans cet article, nous avons entrepris de définir la théologie historique, sa tâche, ses objectifs, ses méthodes, son contenu et ses approches, avant d'évaluer sa relation avec d'autres domaines et de nous rendre compte ainsi de son avantage pour la recherche en théologie pratique. Notre quête compréhension de l'articulation entre théologie et pratique doit passer par ce fastidieux et enrichissant détour par l’histoire, qui nous expliquera les raisons des développements et des choix faits pour en arriver à ce qui se trouve autour de nous.De plus, notre vision évangélique de cette discipline a pris une dimension « pratico-pratique » en identifiant et en évitant les pièges potentiels qui attendent le chercheur. Cette réflexion nous a permis de proposer une méthode pour le théologien historique. | ||
+ | |||
+ | Nous concluons avec cette citation de Pelikan : « La tradition est la foi vivante du passé ; le traditionalisme est la foi morte des vivants<ref>Jaroslav PELIKAN, ''The vindication of Tradition'', New Haven, Yale University Press, 1986, p. 65. | ||
+ | </ref> ». Notre souhait est que le théologien évangélique qui se consacre à l'exercice historique maintienne la continuité avec le passé, s'enrichisse de sa recherche pour vitaliser le présent et lui donne une vision d'espérance pour l'avenir. | ||
+ | |||
+ | |||
+ | <div style='text-align: right;'>Sébastien MORRISSETTE</div> | ||
+ | |||
+ | == Notes et références == | ||
+ | |||
+ | <references /> | ||
+ | |||
+ | == Bibliographie == | ||
+ | |||
+ | * ALLISON, Gregg, ''Historical Theology: An Introduction to Christian Doctrine'', Grand Rapids, Zondervan, 2011. | ||
+ | |||
+ | * BEALE, David, ''Historical Theology In-Depth, Volume 1: Themes and Contexts of Doctrinal Development Since the First Century'', Greenville, BJU Press, 2013. | ||
+ | |||
+ | * BEALE, David, ''Historical Theology In-Depth, Volume 2: Themes and Contexts of Doctrinal Development Since the First Century'', Greenville, BJU Press, 2013, 505 p. Francis J. | ||
+ | |||
+ | * BECKWITH, ''Return to Rome: Confessions of an Evangelical Catholic'', Grand Rapids, Brazos Press, 2009. | ||
+ | |||
+ | * BERKHOF, Louis, ''The History of Christian Doctrines'', Grand Rapids, Eerdmans, 1949, 285 p. | ||
+ | |||
+ | * BRADELY, James E., MULLER, Richard A., ''Church History—An Introduction to Research Methods and Resources'', Grand Rapids, Eerdmans, 2016. | ||
+ | |||
+ | * BRANDT, James M., « Historical Theology », ''The Wiley-Blackwell companion to Practical Theology'', Oxford, John Wiley & Sons, 2014. | ||
+ | |||
+ | * BRAY, Gerald L., ''Doing Theology with the Reformers'', Wheaton, IVP Academic, 2019. | ||
+ | |||
+ | * BROMILEY, Geoffrey, ''Historical Theology: an Introduction'', Grand Rapids, Eerdmans, 1978. | ||
+ | |||
+ | * BRUCE, F.F., « Harnack, Adolf », New Dictionary of Theology – Historical and Systematic, Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 387-388. | ||
+ | |||
+ | * BUSENITZ, Nathan, ''Historical Theology I — TH 507'', The Master’s Seminary, ''https://www.youtube.com/watch?v=BeMcRdXdwkc&list=PL4sbg6ng23C5ERVzh0-3aKvRw6jt6lRp9'', consulté le 1 <sup>er</sup> septembre 2020. | ||
+ | |||
+ | * BUSENITZ, Nathan, ''Historical Theology II — TH 508'', The Master’s Seminary, ''https://www.youtube.com/watch?v=djIPuncxcSM&list=PL4sbg6ng23C6dDuIZdrzJZUVyeqwM-NXr'', consulté le 1<sup>er</sup> septembre 2020. | ||
+ | |||
+ | * CALLAHAN, James, « Historical theology», ''Evangelical Dictionary of Theology'', 2nd edition, Baker Academic, 2001, p. 386 – 387. | ||
+ | |||
+ | * CARSON, D.A., ''EPS 2007 — Lecture 3 of 4: D.A Carson — Historical Theology and Preaching'', ''https://www.youtube.com/watch?v=Pf976p2Bj_4'', consulté le 1<sup>er</sup> septembre 2020. | ||
+ | |||
+ | * CLARK, R. Scott, « Historical Theology », thegospelcoalition.org/essay/historical-theology/, consulté le 7 janvier 2020. | ||
+ | |||
+ | * CUNNINGHAM, William, ''Historical Theology'', Monergism, date inconnue. | ||
+ | |||
+ | * CURRIE, David'', Born Fundamentalist, Born Again Catholic'', San Francisco, Ignatus Press, 1996. | ||
+ | |||
+ | * DENAULT, Pascal, ''Solas – La quintessence de la foi chrétienne'', Montréal, Éditions Cruciforme, 2015. | ||
+ | |||
+ | * DREYER, Wima, PILLAY, Jerry, « Historical Theology: Content, methodology and relevance », V''erbum et Ecclesia'', ''volume 38'', Capetown, AOSIS Publishing, 2017, 9 p. | ||
+ | |||
+ | * EBELING, Gerhard, ''Theology and Proclamation: Dialogue with Bultman,'' Philadelphia, 1966, p. 22-31. | ||
+ | |||
+ | * ENNS, Paul, ''Introduction à la théologie'', Trois-Rivières, Publications chrétiennes, 2009. | ||
+ | |||
+ | * ERICKSON, Millard J., ''Christian Theology'', 3 ed., Grand Rapids, Baker Academic, 2013. | ||
+ | |||
+ | * ERICKSON, Millard J., « Evangelical Theological Scholarship in the Twenty-First Century », ''Quo Vadis – Evangelicalism'', Wheaton, Crossway Books, 2007. | ||
+ | |||
+ | * GARLAND, David E., ''Luke'', ZECNT, Grand Rapids, Zondervan, 2011. | ||
+ | |||
+ | * GRENZ, S., GURETSKI, D. & NORDLING, C.F., « Historical Theology », ''Pocket dictionary of theological terms'', Downers Grove, IVP, 1999, p. 59. | ||
+ | |||
+ | * HALL, Christopher A., ''Learning Theology with the Church Father'', Wheaton, IVP Academic, 2002 | ||
+ | |||
+ | * KREIDER, Glenn R., SVIGEL, Michael J., ''A practical primer on theological method—Table manners for discussing God, his works, and his ways,'' Grand Rapids, Zondervan Academic, 2019. | ||
+ | |||
+ | * KUEN, Alfred, « Chantez à l’Éternel un cantique nouveau », ''Oui à la musique'', St-Légier, Editions Emmaus, p. ? | ||
+ | |||
+ | * LAING, Stefana Dan, ''Retrieving History – Memory and Identity Formation in the Early Church'', Grand Rapids, Baker Academic, 2017. | ||
+ | |||
+ | * LANE, A.N.S., « Historical Theology», ''New Dictionary of Theology'', Downers Grove, IVP, 2000, p. 306–307. | ||
+ | |||
+ | * LEWIS, C.S., ''An Experiment in Criticism'', Cambridge, Cambridge University Press, 1961. | ||
+ | |||
+ | * LEWIS, C.S., ''Surprised by Joy: The Shape of My Early Life'', San Diego, Harcourt Brace & Company, 1955. | ||
+ | |||
+ | * LONGENECKER, Dwight, ''The Path to Rome: Modern Journeys to the Catholic Church'', Herefordshire, Gracewing, 1999. | ||
+ | |||
+ | * MCGRATH, Alistair E., « Engaging the Great Tradition », ''Evangelical Futures—a conversation on Theological Method'', Grand Rapids, Baker, 2000. | ||
+ | |||
+ | * MCGRATH, Alister E., ''Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought'', Oxford, Wiley-Blackwell, 2012. | ||
+ | |||
+ | * MULLER, Richard A., ''Study of Theology'', Grand Rapids, Zondervan Academic, 1991. | ||
+ | |||
+ | * NASELLI, A.D., ''BI206 New Testament Exegesis: Understanding and Applying the New Testament'', Bellingham, Lexham Press, Logos, 2016. | ||
+ | |||
+ | * NEWMAN, John Henry, ''Essay on the Development of Christian Doctrine'', London, CrossReach Publications, 2016 (1845). | ||
+ | |||
+ | * NOBLE, T.A., « Historical Theology », ''New Dictionary of Theology – Historical and Systematic'', Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 413-414. | ||
+ | |||
+ | * NOLL, Mark, ''Turning points: Decisive Moments in the History of Christianity'', Grand Rapids, Baker Academics, 2012. | ||
+ | |||
+ | * OBERMAN, Heiko, ''Forerunners of the Reformation: The Shape of late Medieval Thought'', Cambridge, James & Clarke, 2002. | ||
+ | |||
+ | * OGDEN, Schubert M., « Prolegomena to Historical Theology », ''Revisioning the Past'', Minneapolis, Augsburg Fortress Pub, 1992. | ||
+ | |||
+ | * ORTLUND, Gavin, ''Theological Retrieval for Evangelicals: Why we need our past to have a future'', Wheaton, Crossway, 2019. | ||
+ | |||
+ | * ORTLUND, Gavin, ''Finding the right hills to die on – The case for Theological Triage'', Wheaton, Crossway, 2020. | ||
+ | |||
+ | * PACKER, J.I., ''A Quest for Godliness: The Puritan Vision of the Christian Life'', Wheaton, Crossway, 1990. | ||
+ | |||
+ | * PELIKAN, Jaroslav, ''Historical Theology: Continuity and change in Christian Doctrine'', Philadelphia, Westminster Press, 1971. | ||
+ | |||
+ | * PELIKAN, Jaroslav, ''The Christian Tradition: A History of the Development of Doctrine'', 5 vols, Chicago, University of Chicago Press, 1971-1991. | ||
+ | |||
+ | * PELIKAN, Jaroslav, ''The vindication of Tradition'', New Haven, Yale University Press, 1986. | ||
+ | |||
+ | * PLUMMER, Robert, ''Journeys of Faith: Evangelicalism, Eastern Orthodoxy, Catholicism, and Anglicanism,'' Grand Rapids, Zondervan, 2012. | ||
+ | |||
+ | * SANTAYANA, George, ''Vie de Raison'', vol 1, 1905. [https://dicocitations.lemonde.fr/citations/%20citation-10961.php ''https://dicocitations.lemonde.fr/citations/ citation-10961.php''], consulté le 13 juillet 2020. | ||
− | + | * SCALISE, Charles J. « Protestant Evangelicalism», ''The Wiley-Blackwell companion to Practical Theology'', Oxford, John Wiley & Sons, 2014, p. 577–586. | |
− | |||
− | |||
− | + | * SCRIVENER, Glen, ''Responding to Pandemics: 4 Lessons from Church History'', ''https://www.thegospelcoalition.org/article/4-lessons-church-history/'', 16 mars 2020. | |
− | + | * SHEDD, William, ''History of Christian Doctrine'', Ebook, www.monergism.com, 1863. | |
− | + | * SMITH, Christian, ''How to go from being a good evangelical to a committed catholic in ninety-five difficult steps'', Eugene, Wipf & Stock, 2011. | |
− | + | * SMITH, Christian, ''The Bible Made Impossible: Why Biblicism is not a truly Evangelical Reading of Scripture'', Grand Rapids, Brazos Press, 2012. | |
− | |||
− | + | * STORMS, Sam, ''What is Historical Theology?,'' [https://www.samstorms.org/all-articles/post/what-is-historical-theology ''https://www.samstorms.org/all-articles/post/what-is-historical-theology''], consulté le 29 août 2020. | |
− | + | * STROBEL, Kyle, « Where to start in studying Historical Theology », ''https://www.thegospelcoalition.org/''video/ start-studying-historical-theology/, consulté le 9 septembre 2020. | |
− | + | * STOUGHTON, John, ''An Introduction to Historical Theology - Being a sketch of doctrinal progress from the Apostolic Era to the Reformation'', London, Nabu Press, 2011. | |
− | + | * STRONG, A.H., ''Systematic Theology'', Philadelphia, American Baptist Publication Society, 1907. | |
− | |||
− | |||
− | |||
− | + | * TOON, P., « Development of Doctrine », ''New Dictionary of Theology – Historical and Systematic'', Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 252-253. | |
− |
Version actuelle datée du 11 avril 2022 à 12:49
Discipline académique récente, la théologie historique est l’étude de la pensée chrétienne dans l’histoire de l’Église. Elle vise à déterminer les facteurs et les acteurs ayant influencé[1] son développement, son interprétation et sa formulation[2], afin d’aider le théologien contemporain dans la formulation de la doctrine.
Selon le professeur émérite et théologien historique britannique Geoffrey Bromiley (1915-2009), l’élaboration de la théologie historique dépasse les limites humaines à cause du nombre de choix arbitraires qui doivent être faits et qui sont sujets à la critique. Sur le plan de la composition, c’est un travail colossal, dû à l’abondance du matériau ; les divergences d’opinions dans sa formulation se situent tant au niveau de la tâche, de la méthode, du contenu et de l’approche[3].
Sommaire
Tâches, objectifs et bienfaits
La théologie historique est un projet en lien indirect avec l’Écriture sainte, mais est aussi grandement tributaire d’autres domaines. Positionnée à l’intersection de l’histoire et de la théologie, sa contribution particulière provient de sa double tâche descriptive[4] : démontrer les origines et le développement des croyances et aider le théologien contemporain à identifier les erreurs théologiques du passé qui doivent être évitées aujourd’hui[5].
D’une part, elle s’intéresse aux relations et aux influences du contexte philosophique et social sur le théologien. Il est possible de rendre compte des tensions historiques déterminantes dans l’élaboration du développement des doctrines, car, selon Callahan, la doctrine chrétienne a des dimensions constantes et contingentes. La tension historique est créée par les relations tendues entre le contenu de la foi et les circonstances changeantes dans lesquelles la foi apparaît[6].
D’autre part, la pertinence de la contribution de la théologie historique dépend de ce qu’elle produit et de l’utilité pour la réflexion du théologien contemporain de ce qu’elle extrait et synthétise de l’histoire. Elle pose les questions suivantes : Qu’est-ce que les théologiens des générations précédentes ont compris et enseigné concernant la foi, la pensée et la doctrine chrétienne ? Pourquoi l’ont-ils fait ainsi ? Que pouvons-nous en retirer aujourd’hui ? L’étude historique, dans son identification des facteurs contextuels, doit poursuivre l’objectif d’aider le théologien contemporain dans l’élaboration d’une doctrine actualisée en demeurant dans l’orthodoxie et en apprenant des erreurs du passé.
Autrement dit, elle se veut un outil pédagogique et critique d’explicitation des présupposés et du conditionnement de l’environnement d’une époque sur l’expression doctrinale qui, selon McGrath, « vise à informer les théologiens systématiques concernant ce qui a été pensé dans le passé (et pourquoi !) tout en identifiant les facteurs exigeants la nécessité de reformuler (et de recontextualiser)[7] ».
Compagnon reconnu de la systématique, nulle question de restreindre son précieux apport à ce seul domaine ; elle s’applique mutatis mutandis aux autres départements de la théologie, lorsque structurée et présentée adéquatement. Nous croyons, suivant Allison, que la théologie historique a son utilité non seulement pour la systématique, mais aussi pour l’exégèse, la théologie biblique et la théologie pratique[8]. Dreyer et Pillay, dans leur contexte sud-africain, désirent développer ce domaine théologique en sept sous-domaines, soit : introduction, histoire des églises, histoire de la théologie, histoire des missions, théologie publique, politique ecclésiale et histoire œcuménique[9].
C’est par nécessité que la théologie historique contient une dimension pratique rappelant qu’elle est au service des autres disciplines et, par conséquent, doit anticiper leurs besoins. Elle n’est jamais une finalité en elle-même, mais se construit en fonction de son apport présumé :
« L'interprétation critique du passé fournie par la théologie historique n'est jamais simplement une fin en soi, mais aussi toujours le moyen, même indispensable, jusqu'à la fin de la validation critique, que la théologie systématique et la théologie pratique sont constituées pour atteindre. En ce sens, faire de la théologie historique, de sa fin, anticipe le travail de ses disciplines sœurs, événement comme elles, pour leur part, présupposent nécessairement son travail. »[10].
Elle retire et organise des principes théologiques de sa lecture de l’histoire en employant la terminologie de la discipline qui la réclame. En soulignant l’importance de comprendre les raisons de l’émergence et des déviations de la doctrine dans l’élaboration de la pensée chrétienne contemporaine, elle procure graduellement les bienfaits suivants.
Apprendre à théologiser en reconnaissant les présupposés
La théologie historique nous apprend à théologiser en introduisant une connaissance préliminaire de tous sujets avant de les aborder convenablement de manière systématique[11]. Se faisant, elle ouvre nos horizons en permettant de côtoyer les plus illustres de la profession et de profiter de leur instruction. Il est possible d’étudier la théologie avec les Pères de l’Église[12] ou les Réformateurs[13]. Cette expérience interculturelle au travers des siècles a une valeur inestimable.
Étant donné que ce choc des perspectives est un remède à l’ « amnésie historique » si répandue dans le mouvement évangélique, la théologie historique est une arme contre l’étroitesse d’esprit qui a le potentiel de provoquer des réflexion sur la culture, notamment en permettant la prise de conscience que tous ont des préjugés dans leur pratique de la lecture de la Bible et de la formulation théologique. Refusant d’être limités aux présupposés de la tradition, le christianisme peut être compris en tant que mouvement planétaire. La « mémoire historique » identifie les angles morts des interprétations particulières et met en garde de ne pas déclarer hérétiques des confrères chrétiens qui ne cadrent pas dans nos catégories actuelles sachant que nos positions sont aussi conditionnées culturellement.
Contrer l’individualisme en rappelant la dimension corporative de la foi
Nous ne sommes pas les premiers à nous aventurer dans la fastidieuse formulation de la théologie. Malgré l’action éducative du Saint-Esprit dont l’une des fonction est de nous enseigner et de nous conduire dans toute la vérité (Jn 14.26, 16.13), il serait arrogant de croire que ce mandat ait cessé à la fin du 1er siècle pour recommencer avec nous, oubliant qu’il a édifié l’Église durant toutes les générations qui nous ont précédées, spécialement par l’octroi des dons ministériels (Ép 4.11-15). Sam Storms, président de l’Evangelical Theological Society en 2017, répond ainsi à ceux qui prônent la vision selon laquelle l’illumination présente et individuelle du Saint-Esprit a priorité sur le passé : « Rejeter l’importance d’étudier ce processus est un refus d’accorder au passé ce que nous réclamons jalousement pour nous même dans le présent[14] ».
Les évangéliques doivent rejeter le paradigme du « moi seulement avec ma Bible », car la théologie ne peut se faire sans l’appropriation des batailles et des affirmations des générations précédentes, diminuant et déstabilisant notre témoignage théologique[15]. La Réforme dira d’ailleurs : sola scriptura et non solo scriptura. Il faut s’en souvenir pour argumenter contre la cette compréhension déformée du sola scriptura comme solo scriptura que nous retrouvons malheureusement dans le mouvement évangélique québécois[16].
Dans cette perspective, la théologie historique est pédagogique, car elle permet de nous situer au sein de l’arbre généalogique du christianisme. Cette rencontre avec nos ancêtres spirituels nous permet d’apprécier leurs apports, d’évaluer leurs positions dans les combats et d’apprendre des conséquences de leurs choix. Elle nous oblige à prendre au sérieux notre héritage théologique, par un dialogue avec celui-ci, afin de connaître les points de références vitaux pour nos débats contemporains[17]. Elle nous offre l’état de la question sur une doctrine particulière, nous prodiguant des repères historiques : défenseurs notoires de certains points de vue, forces et faiblesses des arguments proposés, conclusions des disputes et documents de synthèse. Le théologien C. S. Lewis a dit : « Mes propres yeux ne sont pas assez pour moi. Je vais voir au travers de ceux des autres. En lisant de la bonne littérature, je deviens un millier d’hommes tout en demeurant moi-même[18] ». Bien évidemment, cette pratique cultive notre humilité, nous rappelant que nous érigeons notre théologie sur les géants qui nous ont précédés.
N’idolâtrer ni la tradition ni la nouveauté
Selon Wayne Grudem, les croyants font deux erreurs fondamentales en ce qui concerne l’histoire de l’Église : l’idolâtrer ou l’ignorer[19]. D’une part, les théologiens du passé n’ont pas bu directement à la fontaine de Dieu[20] dans l’élaboration de la pensée chrétienne. L’antiquité d’une croyance ou d’une pratique ne confirme pas sa véracité, car la vérité et l’erreur doctrinale ont toujours coexistés[21]. Il faut éviter à tout prix d’idolâtrer nos prédécesseurs en négligeant que la seule source de doctrine est la Bible et que personne ne l’a encore comprise parfaitement.
D’autre part, il faut résister à l’attrait de l’innovation qui snobe et méprise le passé, pensant que l’anticonformisme est toujours mieux. C. S. Lewis définit le snobisme chronologique ainsi : « [Le snobisme chronologique] est l'acceptation non critique du climat intellectuel commun à notre époque et l'hypothèse que tout ce qui est dépassé est discrédité[22] ». Alister McGrath nous met en garde d’accepter aveuglément ce qui n’avait jamais encore été cru, spécialement
[…] à partir de l’individualisme superficiel des théologiens pour qui l’innovation et la « créativité » — pour employer un mot qui n’a souvent pas été une volonté d’abandonner les points de vue traditionnels — sont d’une importance primordiale. Si un théologien évangélique nous confronte à une demande de « croyez-moi ! » en nous offrant un nouvel enseignement radical, nous pouvons répondre avec un défi évident : Pourquoi personne n’y a cru auparavant ? Pourquoi, tout au long de deux mille ans de réflexion chrétienne fidèle, cette doctrine n’a-t-elle jamais été prise au sérieux ? Une telle approche critique est libératrice, car elle nous libère de l’autoritarisme des prédicateurs et des écrivains non conformistes[23].
Face à la nouveauté, la recherche active de potentielles racines historiques est de mise, suivie d’une évaluation des conséquences vécues par ceux qui y ont adhéré. Millard J. Erickson nous invite à attacher le nom des théologiens aux idées qu’ils ont véhiculées et d’en retracer les implications pratiques[24]. Il nous encourage à avoir une vue cyclique de l’histoire, qui répète constamment les mêmes modèles[25]. Ceci met en lumière le paradoxe de l’Académie qui exige d’être original alors que l’Ecclésiaste a écrit :
Ce qui a été, c’est ce qui sera, et ce qui s’est fait, c’est ce qui se fera, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. S’il est une chose dont on dise : Vois ceci, c’est nouveau ! Cette chose existait déjà dans les siècles qui nous ont précédés. On ne se souvient pas de ce qui est ancien ; et ce qui arrivera dans la suite ne laissera pas de souvenir chez ceux qui vivront plus tard (Ec 1.9-11).
En guise de réponse, n’oublions pas que rien n’empêche d’être influencé par ce qui est ancien pour revitaliser la doctrine actuelle. Il s’agit d’éléments nouveaux, mais en continuité avec la tradition suite à une réappropriation critique répondant aux enjeux actuels. McGrath illustre cette possibilité : « Comme le montrent clairement les écrits plus récents de Karl Barth et de Karl Rahner, certaines des meilleures théologies contemporaines peuvent être considérées comme une réappropriation critique - en d'autres termes, en utilisant la sagesse du passé dans le débat actuel[26] ». Jaroslav Pelikan souligne que le passé stimule la créativité : « Loin d'agir comme un frein à la créativité théologique, cette inclusion des morts dans le cercle de la discussion doctrinale agit comme un stimulant[27] ».
Par conséquent, il faut toujours adresser la doctrine en vigueur en fonction de la Parole de Dieu et en ne considérant pas comme infaillibles les systèmes théologiques du passé, mais en y cherchant appui ou stimulant.
Contextualiser sans syncrétisme
La Chrétienté a trouvé l’esprit humain déjà occupé par la spéculation humaine qui, avec ses systèmes philosophiques, a exercé une influence constante sur l’interprétation des Écritures et de son application. Pour McGrath, « l'étude de la théologie historique montre également comment l'interprétation de la Bible était régie, souvent dans une mesure inconfortable, par des hypothèses culturelles et philosophiques[28] ». L’apôtre Paul nous met en garde contre cette réalité dans son épître au Colossiens : « Prenez garde que personne ne fasse de vous sa proie par la philosophie et par une vaine tromperie, s’appuyant sur la tradition des hommes, sur les rudiments du monde, et non sur Christ (Col 2.8 LSG) ».
Dans un souci d’enculturation, il est attrayant, mais toujours désastreux de contextualiser la pensée chrétienne en la subordonnant aux présupposés philosophiques, politiques et culturels d’une époque lors de son élaboration. L’apôtre Paul donne cette dernière exhortation au jeune pasteur Timothée à la fin de sa lettre : « Ô Timothée, garde le dépôt, en évitant les discours vains et profanes, et les disputes de la fausse science dont font profession quelques-uns qui se sont ainsi détournés de la foi (1 Tim 6.20-21 LSG).
La théologie historique est critique, car elle démontre que les doctrines n’ont pas eu la même importance à chaque moment de l’histoire et que certaines circonstances ont favorisé l’émergence et le développement d’idées théologiques, bonnes ou mauvaises, dont les erreurs commises ont pu être corrigées par une critique effectuée par les générations suivantes[29]. Le discernement entre les éléments humains et divins est vital ; il faut distinguer entre la vérité contenue dans la Bible et sa compréhension graduelle au sein de l’expérience humaine[30].
Le christianisme a subi des attaques de toutes parts, amenant l’Église à préciser son interprétation de la Parole Dieu et à fournir les conclusions les plus raffinées; « les croyances ont acquis leur meilleur raffinement sur le champ de bataille théologique sur lequel le christianisme a affronté des systèmes hérétiques antithétiques aux fondements de la foi[31] ».
La théologie historique fournit un dialogue interconfessionnel établissant que diverses perspectives sont acceptables, même lorsque nous ne sommes pas d’accord. Par conséquent, elle rappelle le danger du syncrétisme et nous rassure que la Parole de Dieu, juste et véritable, finit toujours par triompher au bout du compte par la bouche de futures générations.
Méthodes et contenu
La théologie historique ne fait pas partie des sciences religieuses. Pour Schleiermacher, elle est une discipline historique qui étudie la théologie en employant les mêmes méthodes que n’importe quel autre phénomène historique. Notre approche est différente. Domaine théologique, elle emprunte aux disciplines historiques. Selon la synthèse de l’encyclopédie biblio-théologique d’Amar Djaballah et Henri Blocher[32], nous pouvons constater que la théologie historique se distingue de l’histoire de l’Église et qu’elle contribue aux autres domaines de la théologie. Elle a un rôle important en informant les autres disciplines sur les interprétations et les processus organisationnels du passé. Précisons qu’elle n’a pas, stricto sensu, de lien direct avec l’Écriture ; par conséquent, elle se trouve sous l’autorité des disciplines théologiques qu’elle sert. Elle est donc ministérielle et non magistérielle : elle ne possède pas l’autorité de déterminer la doctrine et la pratique.
Le contenu dépend de l’angle d’approche et des présupposés de celui qui en effectue l’étude. Le systématicien A. H. Strong souligne avec humour ce danger de la subjectivité par lequel l’historien voit ses propres vues dans l’histoire analysée :
Il y a toujours un danger que l'historien voit ses propres vues trop clairement reflétées dans l'histoire de l'Église. L'histoire de la doctrine chrétienne de Shedd a été appelée « L'histoire de la doctrine chrétienne du Dr Shedd ». Mais si l'augustinisme du Dr Shedd colore son histoire, l'arminianisme du Dr Sheldon colore également la sienne. L’histoire de la doctrine chrétienne de G. P. Fisher est exceptionnellement lucide et impartiale[33].
La théologie historique peut se restreindre à l’étude du dogme d’une confession religieuse[34], de la doctrine[35], des théologies systématiques du passé[36] ou une approche plus large concernant l’ensemble de la pensée chrétienne[37]. Nous pouvons illustrer ces possibilités par des cercles concentriques comprenant, du plus petit au plus grand : l’histoire des dogmes, l’histoire de la doctrine, histoire de la théologie systématique, et l’histoire de la pensée chrétienne. En tant que courroie d’engrenage entre l’histoire de l’Église et les autres domaines théologiques, elle apporte les acquis de la première pour faire réfléchir les secondes.
Geoffrey Bromiley[38] énumère quatre méthodes potentielles pour faire le choix du contenu, chacune servant un but différent. La première est le survol rapide, effleurant chaque sujet pour donner rapidement une vision d’ensemble au lecteur. La deuxième a l’ambition de couvrir, par excès d’érudition, la matière le plus exhaustivement possible, autrement dit d’aborder tous les sujets en profondeur. La troisième propose une théorie de regroupement du matériau, avec thèse et antithèse. La quatrième vise l’explication en recherchant les racines, les raisons, les interactions et les influences afin de soutenir une proposition.
Approches
Deux approches sont fréquemment utilisées pour structurer le produit de la recherche, soit les approches synchroniques (histoire de la pensée chrétienne), et diachroniques (histoire des doctrines).
Approche synchronique
L’approche synchronique étudie la théologie dans une période de temps spécifique au cours de laquelle les doctrines (la tradition) et les principaux penseurs sont abordés. Il s’agit d’une organisation qui est d’abord chronologique et ensuite topologique. Son avantage consiste à fournir une meilleure identification de l’arrière-plan historique, des difficultés et des centres de réflexion théologiques. Elle identifie les théologiens clés, les développements de mots, phrases, concepts théologiques de cette époque, sans toutefois préciser tous les sujets doctrinaux. Les cinq volumes de Jaroslav Pelikan sont un exemple de cette approche[39]. Son désavantage apparaît lors d’une recherche sur un point de doctrine particulier, alors qu’il faut parfois rechercher dans différents livres du même auteur pour connaître l’ensemble du développement de la doctrine. Pour ce qui est de la délimitation des grandes époques de l’histoire de l’Église, il y a consensus : naissance de l’Église (NT-600), Moyen Âge (600-1517), Réforme et contre-réforme (1517-1750) et période moderne (1750-présent)[40].
Approches diachroniques
L’approche diachronique étudie le développement de la pensée d’une doctrine au travers de toutes les périodes de l’histoire de l’Église. Il s’agit d’une organisation qui est d’abord topologique et ensuite chronologique. Ses avantages sont l’accent sur les développements majeurs de chaque doctrine, en laissant les voix du passé parler avec leurs propres mots. Elle ne critique pas directement une position, mais elle utilise les voix du passé pour le faire. Ses désavantages sont de restreindre la critique des développements historiques selon la tradition théologique du chercheur, lui donnant ainsi une saveur confessionnelle, afin de bien représenter la pensée de chaque époque. En se concentrant sur les développements majeurs de chaque doctrine, elle se limite aux références les plus significatives.
Dans l’approche diachronique, trois perspectives sont possibles[41] : relativiste, essentialiste et essentialiste modérée. La perspective relativiste présuppose qu’il est impossible d’identifier un noyau de la foi chrétienne et porte donc son attention sur la diversité, les nuances et la discontinuité. La perspective essentialiste présume qu’il n’existe qu’une expression de la chrétienté et que les autres sont déviantes, que certaines traditions, à certaines époques, se sont trompées. La perspective essentialiste modérée présume qu’il y a un noyau de doctrines chrétiennes identifiable, mais qu’aucune Église pure n’a existé, que l’écriture diagnostique l’incomplétude des connaissances théologiques des Églises de chaque époque, et que la formulation de la doctrine implique profondément l’arrière-plan culturel et les présupposés philosophiques de chaque période.
Relations interdisciplinaires
Relation avec l’histoire de l’église
L’histoire s’intéresse à la place de l’Église dans l’histoire sociale du monde en distinguant les deux. Elle est autre que la théologie historique, car « la différence entre les disciplines réside dans l’approche prise envers les documents et l’information qui en est retirée[42] ». Alors que l’histoire préserve notre connaissance factuelle du passé, la théologie historique identifie les facteurs contribuant à la compréhension du développement de certains aspects de la théologie[43]. L’histoire est vitale, car elle fournit le contexte[44] dans lequel la doctrine a été produite et définie, permettant de « rendre justice aux sources et ne pas perdre de vue l’emplacement historique des idées et le but originel derrière la source »[45]. Naselli exprime cette distinction ainsi : « La théologie historique examine et évalue à quel point les exégètes et les théologiens ont compris la Bible et la théologie. Comment la doctrine chrétienne s'est-elle développée? Comment a-t-on répondu aux faux enseignements ? Afin de comprendre la théologie historique, vous devez comprendre son contexte historique. C’est l’histoire de l’Église[46] ». Toutefois, selon Bradely et Muller, les deux disciplines exigent maintenant une approche plus holistique qui prend pleinement conscience des influences sociales, politiques et philosophiques subtiles sur la théologie[47].
Relation avec la théologie systématique
Aucune théologie ne sort du néant. Elles découlent de débats et disputes théologiques. Il convient de comprendre la provenance de chacune, les circonstances d’où elle émerge avant de proposer un changement ; l’Écriture sapientiale nous invite à ne pas déplacer la borne ancienne sans raison (Pr 22.28, 23.11). N’oublions pas que chaque système présenté par un théologien a été soutenu contre ses contemporains critiques et sceptiques, ce qui fait de la théologie historique une source cruciale pour l’apologète.
La théologie historique peut déranger les systématiciens, à la suite de la mise en lumière de faits inconfortables du passé ou de la redécouverte de vérités oubliées. Selon Richard Muller, sauter de l’exégèse à la systématique sans considérer l’histoire du développement de la doctrine est une double erreur. En dupliquant les résultats de la théologie biblique et de l’exégèse, elle échoue à adresser les enjeux du présent. En utilisant les synthèses des autres époques sans appropriation critique, elle aura l’air d’une relique d’un musée[48].
La théologie historique apporte au systématicien des confessions de foi historique, qui sont les expressions formelles de la Règle de foi. Elle nous enseigne que certaines confrontations ont été centrales dans une époque. Elle rappelle que nous faisons souvent face à des questions qui ont été répondues dans le passé à des hérésies condamnées depuis longtemps par l’Église, qui ne sont que recyclées et présentées qu’avec un nouvel emballage. Les loups sont ainsi plus faciles à démasquer (Actes 20.29-30) ne faisant plus de nous des proies faciles. L’hérésie est un pendule oscillant de droite à gauche dans l’histoire. Chaque mouvement de réforme et de réveil a été déclenché et embrasé par le constat de cela que le christianisme avait perdu dans les générations précédentes[49].
La théologie systématique et la théologie historique sont deux domaines qui sont, selon Gerhard Ebeling « deux aspects de la même tâche herméneutique de la théologie : la théologie historique se concentre sur la tradition, alors que la dogmatique est préoccupée par l’obéissance contemporaine à la tradition, l’actus tradendi[50] ».
Relation avec la théologie pratique
La théologie historique promet une énorme contribution à la théologie pratique, tant au niveau cultuel, que de l’hymnologie, en passant par la prédication, la pastorale et les divers aspects de la mission et de la vie chrétienne. Le culte s’est adapté aux différents contextes, spécialement au niveau de l’adoration et de l’utilisation des instruments de musique. Les hymnes antiques, souvent très riches en contenu, sont réactualisables en nouveaux cantiques[51]. Dans la prédication et l’enseignement, la facilité d’accès aux commentaires anciens[52] permet de consulter ce qui a été fait de meilleur et d’enrichir la pratique par une pléthore d’illustrations historiques et d’applications. Les questions apportées au texte par les autres époques et cultures amènent de la profondeur dans la prédication[53]. Cet héritage ajoute de la dignité et du poids à ce qui est présenté. Les problèmes humains ne datent pas d’hier et les enjeux de la pastorale, qui concerne ces défis relationnels, trouvent écho dans toutes les périodes de l’histoire. Cette dernière permet d’approfondir la sagesse par les bons exemples et démontrer la folie par les mauvais[54].
La perspective sur la mission a changé avec les époques, mais la question de l’enculturation de l’Évangile demeure. L’étude de chaque mission dans l’histoire permet de distinguer ce qui transcende la culture et ce qui lui appartient ; ce qui a été ajouté à l’évangile ou soustrait. L’auteur de l’épître aux Hébreux nous fournit des exemples d’obéissance et de foi (Hé 11) pour nous encourager dans la vie chrétienne. L’étude de l’histoire a un effet similaire en nous présentant des héros de la foi chrétienne pour que cette communion des saints nous édifie[55]. L’histoire est remplie de situation similaire à ce que nous vivons ; la réaction chrétienne face à la pandémie de COVID-19 n’en fait pas exception. Nous avons accès aux écrits du passé explicitant la conduite lors d’épidémie précédente[56], permettant d’enrichir notre éthique. Il faut parfois faire marche arrière pour mieux avancer.
Historique de la discipline
La théologie historique peut prétendre avoir débuté dès la rédaction du Nouveau Testament, car des auteurs comme Luc et Jean ont déplacé volontairement des faits historiques de la trame narrative pour un but théologique, telle que la péricope programmatique lucanienne (Luc 4.14-30)[57]. Toutefois, les origines de la théologie historique sont généralement situées au XVIe siècle, suite à l’intense polémique entre protestants et catholiques sur la continuité avec l’Église primitive et la modification de la doctrine durant le moyen-âge[58].
Au niveau académique, la réflexion débute avec la « nouvelle conscience historique[59] » et la montée de l’historiographie moderne à la fin du 17e siècle. Dès 1762, Johann Salomo Semler (1725-1791) sépare l’histoire de la doctrine de l’histoire de l’Église. Historien de l’Église, il est surnommé parfois le père du rationalisme Allemand, car il se fait critique de l’histoire des documents ecclésiaux et de l’histoire des dogmes. Il est le premier à regarder l’histoire du christianisme à partir d’une perspective critique, car selon lui, l’histoire est complètement subjective.
Au XVIIIe et XIXe siècle, avec le romantisme et l’historicisme de G.F.W. Hegel (1770-1831), l’histoire est perçue comme dynamique et non plus statique provoquant la montée du mouvement de « l’histoire des dogmes (dogmengeschichte) ». Ferdinand Christian Bauer (1792-1860), applique l’historicisme hégélien aux épîtres pauliniennes et à quelques doctrines, telles que celles de la Trinité et de l’incarnation. Sa contribution est d’avoir compris le dogme comme étant à l’intersection de l’histoire de l’Église et de la foi contemporaine ; il est soumis aux conditions historiques desquelles il a émergé[60]. John Henry Newman (1801-90) propose le concept du développement de la doctrine afin de concilier le défi du phénomène de changement des croyances et le fait que les croyances catholico-romaines devraient toujours être les mêmes[61]. Ainsi, il reconnaît le développement organique de la doctrine, modèle remplaçant celui de l’immutabilité du dogme[62]. Ayant toujours été présent sous forme germinal, aucun enseignement n’est réellement nouveau, car « l’idée entre dans l’esprit, croît et se développe avant d’être exprimé comme un concept clair[63] ». Avec le développement de la méthode historico-critique, la théologie historique se développe véritablement comme discipline académique distincte[64].
Adolf Von Harnack (1851-1930), dans son œuvre monumentale devenue classique[65], croit que l’étude objective historique démontre que l’orthodoxie chrétienne s’est détachée de l’enseignement de Jésus, car les doctrines développées sont une distorsion faite par la métaphysique grecque[66]. Le mouvement kérygmatique du Christ s’est institutionnalisé en dogme avec le temps et il faut se détacher de l’hellénisation pour le retrouver.
Au niveau de la recherche chez les tenants de la Réforme, R. Scott Clark rapporte le travail pionnier de Heiko A. Oberman (1930-2001) qui relève des connexions entre la théologie médiévale et la Réformation. Son étudiant David Steinmetz (1936-2015) a appliqué sa méthode à la période de la Réforme. À son tour, l’étudiant de ce dernier, Richard A. Muller (1948- ), l’a appliqué au scolastisme protestant[67].
Le théologien historique évangélique
L’étude de la théologie du passé semble pour plusieurs de nos contemporains comme étant une perte de temps. Il est alors impératif de se questionner sur la pertinence de cet investissement dans notre contexte actuel. Trois raisons majeures en soulignent l’importance.
Premièrement, selon l’historienne Stefana Dan Laing, l’Église évangélique est entrée dans une période de crise identitaire, même si ce terme n’est pas encore couramment utilisé. Elle mentionne que l’Église actuelle reflète la culture du moment vers laquelle elle se tourne au lieu de creuser dans son propre héritage pour trouver des exemples de prédication, de liturgie, de discipulat, de leadership et d’évangélisme qui répondraient avec fidélité aux défis rencontrés[68].
Deuxièmement, Gavin Ortlund rapporte le phénomène d’un exode d’évangéliques vers les confessions plus anciennes du christianisme, tels que le catholicisme romain ou l’Église orthodoxe, dans une quête de retour aux racines[69]. Il plaide donc qu’il est important pour les évangéliques de se faire théologiens historiques, afin de ne pas croire que notre mouvement est nouveau et qu’il est plutôt issu de différentes époques. Cette étude est selon lui un remède contre la pensée selon laquelle le mouvement évangélique n’a pas de racines historiques. Pour soutenir cette affirmation, il souligne que les Réformateurs ont connecté avec succès leur mouvement avec l’histoire, afin de ne pas être accusés de créer une nouvelle religion. Les Réformateurs se considéraient évangéliques en premier lieu : « Le nom protestant dérive de la protestation (latin, protestare, «témoigner») des princes allemands favorables à la Réforme à la deuxième diète de Spire en 1529. Avant cette date, les Réformateurs s’auto-appelaient communément évangéliques, se référant à la revendication de fonder leur enseignement sur l'Évangile[70] ». Il est possible d’être « évangéliques » et de rechercher l’unité, car la catholicité de l’Église n’est pas synonyme d’Église catholique romaine.
Troisièmement, la mentalité évangélique transporte souvent l’idée selon laquelle l’Église moyenâgeuse prônait l’obscurantisme et qu’il n’y avait pas de Chrétienté biblique entre la fin de l’Église apostolique et la Réformation, ce qui contribue à diminuer l’importance de la continuité historique. Pour Stephana Dan Laing, « les évangéliques ont tendance à accepter (carrément ou implicitement) l'idée d'un gouffre entre le christianisme du Nouveau Testament et la Réforme, concluant que le christianisme vrai et biblique était absent de l'Église dominante entre les apôtres et Luther. Cette vue sectaire volent les adhérents d’une perspective plus large sur leur propre histoire ainsi que sur leur place dans une longue et riche méta-narration[71] ». Toutefois, ceux qui réclament leurs racines chrétiennes et revisitent le passé rafraîchissent leurs marches chrétiennes et renouvellent leurs témoignages face au monde[72].
Écueils à éviter dans la recherche
Selon Gavin Ortlund, dans l’exercice de cette fonction, quatre dangers doivent être évités : la distorsion, l’artificialité, la repristination et le minimalisme. La distorsion[73] qui consiste à aller trop vite vers le présent par la caricature ou la mauvaise reconstruction de la ressource historique, piègent les systématiciens. L’artificialité[74] force le passé à rendre service à nos besoins présents de manière souvent artificielle piégeant les historiens. La repristination[75] est l’exercice de reformuler le passé considérant les sources classiques comme une référence pouvant donner un verdict final et immuable sur les sujets adressés. Le minimalisme[76] néglige les éléments difficiles du passé afin de trouver les dénominateurs communs lors de la recherche d’unité œcuménique. Nous en ajouterons un cinquième, l’écrasement : l’abondance de ressources peut submerger le chercheur.
Techniques pour la recherche
En s’adonnant à la théologie historique, le chercheur doit demeurer modeste. Il ne peut prétendre maîtriser le domaine et doit expliquer humblement les raisons à l’origine des choix qui s’imposent à lui parmi de nombreuses possibilités. Il veille à éviter les cinq pièges susmentionnés.
Il doit ainsi, premièrement, exercer un triage théologique[77], afin d’éviter l’écrasement. L’efficience de la recherche dépend du ciblage des figures ; celles choisies sont reconnues par le poids de leur contribution et l’intégration de leur pensée dans un système théologique complet et cohérent[78]. Une autre approche consiste à sélectionner celles qui sont liées à des points décisifs de l’histoire. Mark Noll, par exemple, propose quatorze moments tournants dans l’histoire du christianisme[79].
Deuxièmement, après avoir choisi son sujet d’étude, il expose les faits historiques à partir de sources primaires et en retire les facteurs d’influence. L’interprétation de l’histoire nécessite l’utilisation rigoureuse des méthodes historiographiques, afin d’éviter la distorsion. Les synthèses sont utiles, mais les écrits originaux (ou leurs traductions) sont primordiaux, afin de laisser les auteurs s’exprimer dans leurs propres mots. S’il aborde plusieurs auteurs, il les présente en succession sans amoindrir leur message et note les continuités et discontinuités entre eux. Ainsi, le minimalisme peut être évité en citant verbatim les points litigieux.
Troisièmement, le théologien historique synthétise les propositions philosophico-théologiques en prenant bien soin d’identifier les présupposés et les raisons des choix. Il oriente sa synthèse afin que le produit corresponde à la discipline qui requiert l’analyse, mais sans tomber dans l’artificialité et l’anachronisme en imposant des catégories actuelles qui n’existaient pas à l’époque. Se délecter de l’histoire peut en intéresser plus d’un, mais demeure sans utilité pour la réflexion théologique si elle ne présente pas son produit adéquatement. Nous apprenons à partir de l’analyse de l’histoire, et non seulement par la lecture des faits.
Quatrièmement, il évalue les propositions à partir d’une vision du monde évangélique et il présente les critiques historiques contribuant à la discussion évitant la represtination. Il ne considère pas son point de vue comme normatif en écrasant les acquis potentiels ; il aura recours à d’autres voix évangéliques qui se sont prononcées. Une critique constructive doit être prônée afin de garder un équilibre dans l’apprentissage.
Synthèse
Dans cet article, nous avons entrepris de définir la théologie historique, sa tâche, ses objectifs, ses méthodes, son contenu et ses approches, avant d'évaluer sa relation avec d'autres domaines et de nous rendre compte ainsi de son avantage pour la recherche en théologie pratique. Notre quête compréhension de l'articulation entre théologie et pratique doit passer par ce fastidieux et enrichissant détour par l’histoire, qui nous expliquera les raisons des développements et des choix faits pour en arriver à ce qui se trouve autour de nous.De plus, notre vision évangélique de cette discipline a pris une dimension « pratico-pratique » en identifiant et en évitant les pièges potentiels qui attendent le chercheur. Cette réflexion nous a permis de proposer une méthode pour le théologien historique.
Nous concluons avec cette citation de Pelikan : « La tradition est la foi vivante du passé ; le traditionalisme est la foi morte des vivants[80] ». Notre souhait est que le théologien évangélique qui se consacre à l'exercice historique maintienne la continuité avec le passé, s'enrichisse de sa recherche pour vitaliser le présent et lui donne une vision d'espérance pour l'avenir.
Notes et références
- ↑ Selon Alister E. MCGRATH, Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought, Oxford, Wiley-Blackwell, 2012, p. 8: « Historical theology is the branch of theological inquiry which aims to explore the historical development of Christian doctrines, and identify the factors which were influential in their formulation and adoption ».
- ↑ G. ALLISON, Historical Theology: An Introduction to Christian Doctrine, Grand Rapids, Zondervan, 2011, p. 23 Sa définition évangélique met l’accent sur l’Écriture Sainte comme source d’une double étude, soit celle de son interprétation et de la formulation de la doctrine. Admettant d’emblée notre présupposé que l’Écriture sainte est norma normans, nous ne restreindrons pas l’étude de la théologie historique en refusant l’examen des propositions provenant d’autres sources de connaissance, car la théologie historique se doit aussi d’étudier les autres facteurs d’émergence afin de constater les conséquences de certains choix.
- ↑ Geoffrey BROMILEY, Historical Theology: An Introduction, Grand Rapids, Eerdmans, 1978, p. xxi.
- ↑ Descriptif, le travail du théologien historique consiste d’abord à identifier et non à prescrire ce qui doit être cru et pratiqué.
- ↑ S. GRENZ, D. GURETSKI, & C.F. NORDLING, « Historical Theology», Pocket dictionary of theological terms, Downers Grove, IVP, 1999, p. 59.
- ↑ James CALLAHAN, op. cit., p. 386. Notre trad et adaptation.
- ↑ Notre trad. Allister E. MCGRATH, Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought, op. cit., p. 9.
- ↑ Gregg ALLISON, op. cit., p. 31.
- ↑ Wim A. DREYER, Jerry PILLAY, « Historical Theology: Content, methodology and relevance », Verbum et Ecclesia vol 38, Capetown, AOSIS Publishing, 2017, p. 4.
- ↑ Schubert M. OGDEN, “Prolegomena to Historical Theology”, Revisioning the Past, Minneapolis, Augsburg Fortress Pub, 1992, p. 27.
- ↑ Cornelius VAN TIL, « A Survey of Christian Epistemology», In defense of the Faith vol II, WTS, Princetown, 1969, p. xiii.
- ↑ Christopher A. HALL, Learning Theology with the Church Father, Wheaton, IVP Academic, 2002, 308 p.
- ↑ Gerald L. BRAY, Doing Theology with the Reformers, Wheaton, IVP Academic, 2019, 288 p.
- ↑ Notre trad. Sam STORMS, What is Historical Theology?, https://www.samstorms.org/all-articles/post/what-is-historical-theology, consulté le 29 août 2020.
- ↑ Gavin ORTLUND, op. cit., p. 57. Notre trad.
- ↑ Pascal DENAULT, Solas – La quintessence de la foi chrétienne, Montréal, Éditions Cruciforme, 2015, p. 27 – 42.
- ↑ Allister E. MCGRATH, Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought, op. cit., p. 4.
- ↑ Notre trad. CS Lewis, An Experiment in Criticism, Cambridge University Press, 1961, p. 152.
- ↑ Wayne Grudem, « Foreword», Historical Theology: An Introduction to Christian Doctrine, Grand Rapids, Zondervan, 2011, p. 9.
- ↑ John STOUGHTON, An Introduction to Historical Theology—Being a sketch of doctrinal progress from the Apostolic Era to the Reformation, London, Nabu Press, 2011, p. 6.
- ↑ David BEALE, Historical Theology In-Depth, Volume 1: Themes and Contexts of Doctrinal Development since the First Century, BJU Press, 2013, p. 2.
- ↑ C.S. LEWIS, Surprised by Joy: The Shape of My Early Life, San Diego, Harcourt Brace & Company, 1955, 207 — 208.
- ↑ Notre trad. Alistair MCGRATH, « Engaging the Great Tradition», Evangelical Futures—a conversation on Theological Method, Grand Rapids, Baker, 2000, p. 157.
- ↑ Millard J. ERICKSON, « Evangelical Theological Scholarship in the Twenty-First Century », Quo Vadis – Evangelicalism, Wheaton, Crossway Books, 2007, p. 197.
- ↑ Millard J. ERICKSON, Christian Theology, 3 ed, Grand Rapids, Baker Academic, 2013, p. 27.
- ↑ Allister MCGRATH, Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought, op. cit., p. 14.
- ↑ Jaroslav PELIKAN, Historical Theology: Continuity and change in Christian Doctrine, Philadelphia, Westminster Press, 1971, p. ?
- ↑ Alistair E. MCGRATH, « Engaging the Great Tradition », op. cit., p. 149.
- ↑ Allister E. MCGRATH, Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought, op. cit., p. 12.
- ↑ David BEALE, op. cit., p. 3.
- ↑ Ibid., Notre trad.
- ↑ Nous la décrivons sommairement dans Sébastien MORRISSETTE et Pierre-Luc VERVILLE « Théologie », Réformation tranquille, 2020, https://reformationtranquille.org/index.php?title=Th%C3%A9ologie.
- ↑ A.H. STRONG, Systematic Theology, Philadelphia, American Baptist Publication Society, 1907, p. 41.
- ↑ BRADELY, James E., MULLER, Richard A., Church History—An Introduction to Research Methods and Resources, Grand Rapids, Eerdmans, 2016, p. 6: « History of dogma is the history of those particular doctrinal themes that have received normative definition from the church ».
- ↑ Ibid., p. 7: « While the history of dogma does not look beyond these basic issues, the history of doctrine discusses the entirety of the body of doctrine as it moves through the life of the church in any given period ». La position évangélique s’intéresse davantage à la notion de doctrine et de dogme. Paul ENNS, Introduction à la théologie, Trois-Rivières, Publications chrétiennes, 2009, p. 429 propose une définition encore plus étroite : « Elle examine la formation de ses doctrines cardinales [...] pour comprendre comment ces doctrines ont été formulées et rendre compte de leur évolution ».
- ↑ Millard J. ERICKSON, op. cit., p. 12 réduit la théologie historique à l’étude des théologies systématiques : « Historical Theology studies the systematic theologies held and taught by various theologians throughout the history of the church »
- ↑ James E. BRADELY, Richard A. MULLER, op. cit., p. 8: « The history of Christian though identifies a still broader field of inquiry, in as much as it claims as its field of investigation the entire range of Christian thought, including those topics nominally beyond the bounds of theology ». James M. BRANDT, « Historical Theology», The Wiley-Blackwell companion to Practical Theology, Oxford, John Wiley & Sons, 2014, p. 368: « In the broad sense historical theology refers to all historical investigation that understands itself as a theological discipline. This includes history of institutions, denominations, and movements; history of gender roles and of churches particular ethnicities; history of practices and doctrine; history of leaders in the church and of everyday life; and history of the church and the larger world ».
- ↑ Geoffrey BROMILEY, op. cit., p. xxiv—xxvi.
- ↑ Jaroslav PELIKAN, The Christian Tradition: A History of the Development of Doctrine, 5 vols, Chicago, University of Chicago Press, 1971 – 91.
- ↑ Voir Histoire.
- ↑ Voir le résumé de Greg ALLISON, op. cit., p. 29 – 30.
- ↑ James E. BRADELY, Richard A. MULLER, op. cit, p. 5.
- ↑ Alister E. MCGRATH, Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought, op. cit., p. 9.
- ↑ Ce lien entre contexte et expression de la théologie peut être illustré en théologie pratique avec la théologie de la libération en Amérique latine où le concept de salut et de sotériologie a été défini dans un contexte de situation socioéconomique défavorable.
- ↑ A.D. NASELLI, BI206 New Testament Exegesis: Understanding and Applying the New Testament, Bellingham, Lexham Press, 2016, Logos edition.
- ↑ Ibid, p. 6.
- ↑ Notre trad. James E. BRADELY, Richard A. MULLER, op. cit., p. 3.
- ↑ Richard A. MULLER, Study of Theology, Grand Rapids, Zondervan Academic, 1991, 162.
- ↑ KREIDER, Glenn R., SVIGEL, Michael J., A practical primer on theological method—Table manners for discussing God, his works, and his ways, Grand Rapids, Zondervan Academic, 2019, loc 3114 (Kindle Ed).
- ↑ Gerhard EBELING, Theology and Proclamation: Dialogue with Bultman, Philadelphia, 1966, p. 22–31. Notre trad.
- ↑ Alfred KUEN, « Chantez à l’Éternel un cantique nouveau », Oui à la musique, St-Légier, Editions Emmaus, 5 p. Le groupe de musique québécois Héritage a mis ce principe à l’œuvre avec les reprises musicales de chants traditionnels.
- ↑ La série Ancient Christian Commentary on Scripture (ACCS) contient une sélection d’interprétations et de citations pour chaque passage biblique. Christian Classics Ethereal Library (https://ccel.org/) est un site dédié aux ressources anciennes libres de droit. Monergism (www.monergism.com) et a Puritans mind (www.apuritansmind.com) sont des sites répertoriant des ressources sur la foi réformée, tant récentes que passées.
- ↑ D.A. CARSON, EPS 2007 — Lecture 3 of 4: D.A Carson — Historical Theology and Preaching, https://www.youtube.com/watch?v=Pf976p2Bj_4, consulté le 1er septembre 2020, illustre ce propos par deux figures ayant démontré la fidélité à l’Écriture malgré l’opposition du leadership ecclésial de l’époque, soit Athanase et Luther, qui étaient seuls contre le monde, car la vérité n’est jamais populaire.
- ↑ Le classique de Richard Baxter, The Reformed pastor, en est un bon exemple.
- ↑ JI PACKER, A Quest for Godliness: The Puritan Vision of the Christian Life, Wheaton, Crossway, 1990, p. 16.
- ↑ Glen SCRIVENER, Responding to Pandemics: 4 Lessons from Church History, https://www.hegospelcoalition.org/article/4-lessons-church-history/, consulté le 1er septembre 2020.
- ↑ David E. GARLAND, Luke, ZECNT, Grand Rapids, Zondervan, 2011, p. 189.
- ↑ Alistair McGRATH, op. cit., p. 9.
- ↑ « La nouvelle conscience historique est une prise de conscience que le passé est souvent subtilement différent du présent [...] Ce nouvel idéal d’objectivité scientifique visant à établir des faits objectifs séparés de l’interprétation a aussi affecté l’étude de l’histoire de la théologie chrétienne. » T.A. NOBLE, op. cit., p. 413.
- ↑ James CALLAHAN, « Historical theology», Evangelical Dictionary of Theology, 2nd edition, Baker Academic, 2001, p. 387.
- ↑ LANE, A.N.S., op. cit., p. 306.
- ↑ John Henry NEWMAN, Essay on the Development of Christian Doctrine, London, CrossReach Publications, 2016 (1845), 476 p.
- ↑ P. TOON, « Development of Doctrine », New Dictionary of Theology – Historical and Systematic, Downers Grove, IVP Academic, 2016, p.253.
- ↑ T.A. NOBLE, « Historical Theology », New Dictionary of Theology – Historical and Systematic, Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 413.
- ↑ F.F. BRUCE, « Harnack, Adolf », New Dictionary of Theology – Historical and Systematic, Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 387-388. Ses oeuvres impressionnantes : Dogmengeschichte (1886-90), History of Dogma (1894-99).
- ↑ T.A. NOBLE, op. cit.,, p. 413
- ↑ R. Scott CLARK, « Historical Theology », thegospelcoalition.org/essay/historical-theology/, consulté le 7 janvier 2020.
- ↑ Stefana Dan LAING, Retrieving History – Memory and Identity Formation in the Early Church, Grand Rapids, Baker Academic, 2017, p. xiii.
- ↑ Quelques livres américains récents illustrent cette malheureuse réalité: Robert PLUMMER, Journeys of Faith: Evangelicalism, Estearn Orthodoxy, Catholicism, and Anglicanism, Grand Rapids, Zondervan, 2012; Christian SMITH, How to go from being a good evangelical to a committed catholic in ninety-five difficult steps, Eugene, Wipf & Stock, 2011, 216 p.; Christian SMITH, The Bible Made Impossible: Why Biblicism is not a truly Evangelical Reading of Scripture, Grand Rapids, Brazos Press, 2012. David CURRIE, Born Fundamentalist, Born Again Catholic, San Francisco, Ignatus Press, 1996; Dwight LONGENECKER, The Path to Rome: Modern Journeys to the Catholic Church, Herefordshire, Gracewing, 1999; Francis J. BECKWITH, Return to Rome: Confessions of an Evangelical Catholic, Grand Rapids, Braxos Press, 2009.
- ↑ Charles J. SCALISE, « Protestant Evangelicalism », The Wiley-Blackwell companion to Practical Theology, Oxford, John Wiley & Sons, 2014, p. 577.
- ↑ Stefana Dan LAING, op. cit., p. xiv.
- ↑ Ibid, p. 2.
- ↑ Gavin ORTLUND, op. cit., p. 73.
- ↑ Ibid, p. 73.
- ↑ Ibid., p. 74.
- ↑ Ibid., p. 75.
- ↑ Gavin ORTLUND, Finding the right hills to die on – The case for Theological Triage, Wheaton, Crossway, 2020, 176 p.
- ↑ Kyle STROBEL, « Where to start in studying Historical Theology », https://www.thegospelcoalition.org/video/ start-studying-historical-theology/, consulté le 9 septembre 2020.
- ↑ Mark NOLL, Turning points: Decisive Moments in the History of Christianity, Grand Rapids, Baker Academics, 2012, 368 p.
- ↑ Jaroslav PELIKAN, The vindication of Tradition, New Haven, Yale University Press, 1986, p. 65.
Bibliographie
- ALLISON, Gregg, Historical Theology: An Introduction to Christian Doctrine, Grand Rapids, Zondervan, 2011.
- BEALE, David, Historical Theology In-Depth, Volume 1: Themes and Contexts of Doctrinal Development Since the First Century, Greenville, BJU Press, 2013.
- BEALE, David, Historical Theology In-Depth, Volume 2: Themes and Contexts of Doctrinal Development Since the First Century, Greenville, BJU Press, 2013, 505 p. Francis J.
- BECKWITH, Return to Rome: Confessions of an Evangelical Catholic, Grand Rapids, Brazos Press, 2009.
- BERKHOF, Louis, The History of Christian Doctrines, Grand Rapids, Eerdmans, 1949, 285 p.
- BRADELY, James E., MULLER, Richard A., Church History—An Introduction to Research Methods and Resources, Grand Rapids, Eerdmans, 2016.
- BRANDT, James M., « Historical Theology », The Wiley-Blackwell companion to Practical Theology, Oxford, John Wiley & Sons, 2014.
- BRAY, Gerald L., Doing Theology with the Reformers, Wheaton, IVP Academic, 2019.
- BROMILEY, Geoffrey, Historical Theology: an Introduction, Grand Rapids, Eerdmans, 1978.
- BRUCE, F.F., « Harnack, Adolf », New Dictionary of Theology – Historical and Systematic, Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 387-388.
- BUSENITZ, Nathan, Historical Theology I — TH 507, The Master’s Seminary, https://www.youtube.com/watch?v=BeMcRdXdwkc&list=PL4sbg6ng23C5ERVzh0-3aKvRw6jt6lRp9, consulté le 1 er septembre 2020.
- BUSENITZ, Nathan, Historical Theology II — TH 508, The Master’s Seminary, https://www.youtube.com/watch?v=djIPuncxcSM&list=PL4sbg6ng23C6dDuIZdrzJZUVyeqwM-NXr, consulté le 1er septembre 2020.
- CALLAHAN, James, « Historical theology», Evangelical Dictionary of Theology, 2nd edition, Baker Academic, 2001, p. 386 – 387.
- CARSON, D.A., EPS 2007 — Lecture 3 of 4: D.A Carson — Historical Theology and Preaching, https://www.youtube.com/watch?v=Pf976p2Bj_4, consulté le 1er septembre 2020.
- CLARK, R. Scott, « Historical Theology », thegospelcoalition.org/essay/historical-theology/, consulté le 7 janvier 2020.
- CUNNINGHAM, William, Historical Theology, Monergism, date inconnue.
- CURRIE, David, Born Fundamentalist, Born Again Catholic, San Francisco, Ignatus Press, 1996.
- DENAULT, Pascal, Solas – La quintessence de la foi chrétienne, Montréal, Éditions Cruciforme, 2015.
- DREYER, Wima, PILLAY, Jerry, « Historical Theology: Content, methodology and relevance », Verbum et Ecclesia, volume 38, Capetown, AOSIS Publishing, 2017, 9 p.
- EBELING, Gerhard, Theology and Proclamation: Dialogue with Bultman, Philadelphia, 1966, p. 22-31.
- ENNS, Paul, Introduction à la théologie, Trois-Rivières, Publications chrétiennes, 2009.
- ERICKSON, Millard J., Christian Theology, 3 ed., Grand Rapids, Baker Academic, 2013.
- ERICKSON, Millard J., « Evangelical Theological Scholarship in the Twenty-First Century », Quo Vadis – Evangelicalism, Wheaton, Crossway Books, 2007.
- GARLAND, David E., Luke, ZECNT, Grand Rapids, Zondervan, 2011.
- GRENZ, S., GURETSKI, D. & NORDLING, C.F., « Historical Theology », Pocket dictionary of theological terms, Downers Grove, IVP, 1999, p. 59.
- HALL, Christopher A., Learning Theology with the Church Father, Wheaton, IVP Academic, 2002
- KREIDER, Glenn R., SVIGEL, Michael J., A practical primer on theological method—Table manners for discussing God, his works, and his ways, Grand Rapids, Zondervan Academic, 2019.
- KUEN, Alfred, « Chantez à l’Éternel un cantique nouveau », Oui à la musique, St-Légier, Editions Emmaus, p. ?
- LAING, Stefana Dan, Retrieving History – Memory and Identity Formation in the Early Church, Grand Rapids, Baker Academic, 2017.
- LANE, A.N.S., « Historical Theology», New Dictionary of Theology, Downers Grove, IVP, 2000, p. 306–307.
- LEWIS, C.S., An Experiment in Criticism, Cambridge, Cambridge University Press, 1961.
- LEWIS, C.S., Surprised by Joy: The Shape of My Early Life, San Diego, Harcourt Brace & Company, 1955.
- LONGENECKER, Dwight, The Path to Rome: Modern Journeys to the Catholic Church, Herefordshire, Gracewing, 1999.
- MCGRATH, Alistair E., « Engaging the Great Tradition », Evangelical Futures—a conversation on Theological Method, Grand Rapids, Baker, 2000.
- MCGRATH, Alister E., Historical Theology: An Introduction to the History of Christian Thought, Oxford, Wiley-Blackwell, 2012.
- MULLER, Richard A., Study of Theology, Grand Rapids, Zondervan Academic, 1991.
- NASELLI, A.D., BI206 New Testament Exegesis: Understanding and Applying the New Testament, Bellingham, Lexham Press, Logos, 2016.
- NEWMAN, John Henry, Essay on the Development of Christian Doctrine, London, CrossReach Publications, 2016 (1845).
- NOBLE, T.A., « Historical Theology », New Dictionary of Theology – Historical and Systematic, Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 413-414.
- NOLL, Mark, Turning points: Decisive Moments in the History of Christianity, Grand Rapids, Baker Academics, 2012.
- OBERMAN, Heiko, Forerunners of the Reformation: The Shape of late Medieval Thought, Cambridge, James & Clarke, 2002.
- OGDEN, Schubert M., « Prolegomena to Historical Theology », Revisioning the Past, Minneapolis, Augsburg Fortress Pub, 1992.
- ORTLUND, Gavin, Theological Retrieval for Evangelicals: Why we need our past to have a future, Wheaton, Crossway, 2019.
- ORTLUND, Gavin, Finding the right hills to die on – The case for Theological Triage, Wheaton, Crossway, 2020.
- PACKER, J.I., A Quest for Godliness: The Puritan Vision of the Christian Life, Wheaton, Crossway, 1990.
- PELIKAN, Jaroslav, Historical Theology: Continuity and change in Christian Doctrine, Philadelphia, Westminster Press, 1971.
- PELIKAN, Jaroslav, The Christian Tradition: A History of the Development of Doctrine, 5 vols, Chicago, University of Chicago Press, 1971-1991.
- PELIKAN, Jaroslav, The vindication of Tradition, New Haven, Yale University Press, 1986.
- PLUMMER, Robert, Journeys of Faith: Evangelicalism, Eastern Orthodoxy, Catholicism, and Anglicanism, Grand Rapids, Zondervan, 2012.
- SANTAYANA, George, Vie de Raison, vol 1, 1905. https://dicocitations.lemonde.fr/citations/ citation-10961.php, consulté le 13 juillet 2020.
- SCALISE, Charles J. « Protestant Evangelicalism», The Wiley-Blackwell companion to Practical Theology, Oxford, John Wiley & Sons, 2014, p. 577–586.
- SCRIVENER, Glen, Responding to Pandemics: 4 Lessons from Church History, https://www.thegospelcoalition.org/article/4-lessons-church-history/, 16 mars 2020.
- SHEDD, William, History of Christian Doctrine, Ebook, www.monergism.com, 1863.
- SMITH, Christian, How to go from being a good evangelical to a committed catholic in ninety-five difficult steps, Eugene, Wipf & Stock, 2011.
- SMITH, Christian, The Bible Made Impossible: Why Biblicism is not a truly Evangelical Reading of Scripture, Grand Rapids, Brazos Press, 2012.
- STORMS, Sam, What is Historical Theology?, https://www.samstorms.org/all-articles/post/what-is-historical-theology, consulté le 29 août 2020.
- STROBEL, Kyle, « Where to start in studying Historical Theology », https://www.thegospelcoalition.org/video/ start-studying-historical-theology/, consulté le 9 septembre 2020.
- STOUGHTON, John, An Introduction to Historical Theology - Being a sketch of doctrinal progress from the Apostolic Era to the Reformation, London, Nabu Press, 2011.
- STRONG, A.H., Systematic Theology, Philadelphia, American Baptist Publication Society, 1907.
- TOON, P., « Development of Doctrine », New Dictionary of Theology – Historical and Systematic, Downers Grove, IVP Academic, 2016, p. 252-253.