Messie : Différence entre versions
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Jésus-Christ est dépeint dans les évangiles comme étant Seigneur et Sauveur, puisqu’il est le Messie attendu promis dans l’Ancien Testament. Nous avons clarifié la terminologie messianique attribuée à Jésus pour mieux comprendre ce titre. Pour ce faire, nous avons préalablement exposé la provenance et la signification du mot, nous avons montré la vision du messie dans le corpus vétérotestamentaire ainsi que dans le judaïsme contextuel à Jésus de Nazareth pour finir avec l’attente messianique présente dans les évangiles. Par la suite, nous avons exploré les différentes fonctions messianiques qui étaient attribuées dans les évangiles et qui consistaient en le Fils de David, Fils de l’Homme et Fils de Dieu. À l’aide du travail nous avons donc découvert la réelle signification du terme Messie et ce que cela impliquait réellement dans la vision de Jésus par rapport à ses fonctions. | Jésus-Christ est dépeint dans les évangiles comme étant Seigneur et Sauveur, puisqu’il est le Messie attendu promis dans l’Ancien Testament. Nous avons clarifié la terminologie messianique attribuée à Jésus pour mieux comprendre ce titre. Pour ce faire, nous avons préalablement exposé la provenance et la signification du mot, nous avons montré la vision du messie dans le corpus vétérotestamentaire ainsi que dans le judaïsme contextuel à Jésus de Nazareth pour finir avec l’attente messianique présente dans les évangiles. Par la suite, nous avons exploré les différentes fonctions messianiques qui étaient attribuées dans les évangiles et qui consistaient en le Fils de David, Fils de l’Homme et Fils de Dieu. À l’aide du travail nous avons donc découvert la réelle signification du terme Messie et ce que cela impliquait réellement dans la vision de Jésus par rapport à ses fonctions. | ||
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== Bibliographie == | == Bibliographie == | ||
− | * BAUCKHAM, Richard, ''Jesus and the Eyewitnesses; The Gospels as Eyewitnesses Testimony,'' Grand Rapids, Eerdmans, 2006 | + | * BAUCKHAM, Richard, ''Jesus and the Eyewitnesses; The Gospels as Eyewitnesses Testimony,'' Grand Rapids, Eerdmans, 2006. |
− | * BLOCHER, Henri, ''La doctrine du Christ,'' Vaux-sur-Seine, Edifac, 2002 | + | * BLOCHER, Henri, ''La doctrine du Christ,'' Vaux-sur-Seine, Edifac, 2002. |
− | * BUCHHOLD, Jacques, « Fils de l’homme », ''Le Grand Dictionnaire de la Bible,'' Charols, Excelsis, 2010 | + | * BUCHHOLD, Jacques, « Fils de l’homme », ''Le Grand Dictionnaire de la Bible,'' Charols, Excelsis, 2010. |
− | * CERFAUX, Lucien, ''Le Christ dans la théologie de saint Paul,'' Paris, Éditions du Cerf, 1958 | + | * CERFAUX, Lucien, ''Le Christ dans la théologie de saint Paul,'' Paris, Éditions du Cerf, 1958. |
− | * DOYON, Jacques, ''Christologie pour notre temps,'' Sherbrooke, Éditions Paulines, 1968 | + | * DOYON, Jacques, ''Christologie pour notre temps,'' Sherbrooke, Éditions Paulines, 1968. |
− | GRELOT, Pierre, ''Dieu le père de Jésus Christ,'' Paris, Desclée, 1994 | + | * GRELOT, Pierre, ''Dieu le père de Jésus Christ,'' Paris, Desclée, 1994. |
− | * GRELOT, Pierre, ''Jésus de Nazareth, Christ et Seigneur,'' tome 1, Paris, Éditions du Cerf, 1997 | + | * GRELOT, Pierre, ''Jésus de Nazareth, Christ et Seigneur,'' tome 1, Paris, Éditions du Cerf, 1997. |
− | LADD, George Eldon, ''Théologie du Nouveau Testament,'' Charols, Excelsis, 2010 | + | * LADD, George Eldon, ''Théologie du Nouveau Testament,'' Charols, Excelsis, 2010. |
− | * LÉON-DUFOUR, Xavier, « Les évangiles synoptiques », ''L’annonce de l’Évangile,'' Tournai, Desclée, 1976 | + | * LÉON-DUFOUR, Xavier, « Les évangiles synoptiques », ''L’annonce de l’Évangile,'' Tournai, Desclée, 1976. |
− | * LÉON-DUFOUR, Xavier, ''Les évangiles et l’histoire de Jésus,'' Paris'','' Éditions du Seuil, 1963 | + | * LÉON-DUFOUR, Xavier, ''Les évangiles et l’histoire de Jésus,'' Paris'','' Éditions du Seuil, 1963. |
− | * LONGMAN, Tremper & DILLARD, Raymond, ''Introduction à l’Ancien Testament'', Cléon d’Andran, Éditions, Excelsis, 2008 | + | * LONGMAN, Tremper & DILLARD, Raymond, ''Introduction à l’Ancien Testament'', Cléon d’Andran, Éditions, Excelsis, 2008. |
− | * LUSSEAU, H., « Les autres hagiographes », ''Introduction à la Bible,'' Tome 1, Tournai, Desclée, 1957 | + | * LUSSEAU, H., « Les autres hagiographes », ''Introduction à la Bible,'' Tome 1, Tournai, Desclée, 1957. |
− | * MARSHALL, I. Howard, ''A Concise New Testament Theology,'' Illinois, InterVarsity Press, 2008 | + | * MARSHALL, I. Howard, ''A Concise New Testament Theology,'' Illinois, InterVarsity Press, 2008. |
− | * MOTYER, J. A., « Messie », ''Le Grand Dictionnaire de la Bible,'' Charols, Excelsis, 2010 | + | * MOTYER, J. A., « Messie », ''Le Grand Dictionnaire de la Bible,'' Charols, Excelsis, 2010. |
− | * PACKER, James, ''L’herméneutique et l’autorité de la Bible,'' Hokhma 8, 1978 | + | * PACKER, James, ''L’herméneutique et l’autorité de la Bible,'' Hokhma 8, 1978. |
− | * ROBINSON, D. W. B., « Fils de Dieu », ''Le Grand Dictionnaire de la Bible,'' Charols, Excelsis, 2010 | + | * ROBINSON, D. W. B., « Fils de Dieu », ''Le Grand Dictionnaire de la Bible,'' Charols, Excelsis, 2010. |
− | * SCHWEIZER, E., « huiòs », ''Theological Dictionnary of the New Testament,'' Grand Rapids, Eerdmans, 1985 | + | * SCHWEIZER, E., « huiòs », ''Theological Dictionnary of the New Testament,'' Grand Rapids, Eerdmans, 1985. |
− | * SIMONETTI, Manlio, « Christologie », ''Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien,'' tome 1, Cerf, 1990 | + | * SIMONETTI, Manlio, « Christologie », ''Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien,'' tome 1, Cerf, 1990. |
− | * TRICOT, A., « Le monde juif », ''Introduction à la Bible,'' Tome 2, Tournai, Desclée, 1959 | + | * TRICOT, A., « Le monde juif », ''Introduction à la Bible,'' Tome 2, Tournai, Desclée, 1959. |
Version actuelle datée du 11 avril 2022 à 12:42
Le terme messie vient de l’hébreu Mashiah (מָשִׁיחַ), qui signifie « celui qui a reçu l’onction ». Relatif à la christologie le plus important, il est utilisé pour Jésus comme titre et concept[1]. D'abord nom commun ayant une valeur appellative, il est rapidement devenu un nom propre dans la communauté chrétienne éveillant ainsi moins d’idée déterminée[2]. La raison de ce changement est probablement que les païens qui se convertissaient au christianisme, et qui n’avaient souvent pas d’héritage judaïque, ne comprenaient pas nécessairement les incidences du titre. Ils auraient alors continué à l’utiliser sans y attacher la signification première.
Dans une société aux assises judéo-chrétienne, les termes relatifs à la religion et à la spiritualité tendent souvent à perdre leur sens primitif pour tranquillement devenir des mots sans richesse. C’est le cas pour le terme « Christ », qui est maintenant vu comme le nom de famille de Jésus et souvent utilisé comme outil d’imprécation ou pour blasphémer. Toutefois quel est le vrai sens du mot Christ, qui est la traduction de Messie en Hébreux ?
Dans cet article, nous aborderons premièrement les questions relatives à la compréhension préchristique du terme, dans l’Ancien Testament, chez les juifs et dans les évangiles. Ensuite, nous examinerons les différents titres messianiques qui étaient attribués à Jésus dans les évangiles : Messie, Fils de David, Fils de l’Homme et Fils de Dieu.
Il est important de noter que nous partons du présupposé herméneutique selon lequel Dieu s’est révélé en toute liberté, par pure grâce au moyen de sa Parole. Nous croyons donc que les textes originaux sont inhérents, qu’ils se complètent parfaitement, et qu’ils ne se contredisent aucunement, au contraire nous croyons qu’ils s’accomplissent à merveille[3]. La vision de Jésus-Christ de Nazareth que nous voudrions partager s’appuiera donc sur le message évangélique, plutôt que sur une critique soupçonneuse des témoignages que l'on retrouvent dans la Bible.
Sommaire
Le messie dans l’Ancien Testament
Dans l’économie vétérotestamentaire, plusieurs personnes sont mises à part par Dieu et reçoivent l’onction d’huile. Ceux qui sont oints incluent les prêtres (Lv 4.3 et 6.13), les rois (1 S 24.11, 2S 19.22, 23.1 et Lm 4.20) et les prophètes (1 R 19.16). Toutefois, Dieu se choisit parfois un messie pour accomplir ses plans sans que ce dernier ne subisse physiquement d’onction. L’un de ces exemples est Cyrus, l’oint de l’Éternel. Avec l’aide de cet exemple, on peut répertorier cinq points qui caractérisent la fonction de messie dans l’Ancien Testament. (1) Il est choisi par Dieu (Es 41.25). (2) Il est élu en vue de l’accomplissement d’une mission rédemptrice en faveur du peuple de Dieu et (3) d’un jugement sur ses ennemis. (4) Il reçoit la domination sur les nations. (5) Il est le représentant de YHWH lui-même dans ses actions[4]. La construction graduelle de la notion messianique se base sur des textes centraux dont 1 Samuel 2.10, où il est question d’une prophétie messianique qui ne s’accomplit pas dans l’immédiat, mais qui ouvre vers l’avenir. Il y a aussi 2 Samuel 7. 12 qui annonce un règne éternel de la maison davidique. Ésaïe 9 et 11 est un des textes messianiques très importants ayant façonné le judaïsme en général jusqu’à l’époque de Jésus. Le dernier passage relatif au Messie dans l’Ancien Testament est en Zacharie où il est question d’un roi qui a gagné la victoire et conquis la paix pour les fils de Jérusalem. Ce texte étant écrit peu de temps après l’exile, ce retour d’exil qui représente un nouvel exode et une nouvelle rédemption. Donnant un avant-goût de la grande rédemption à venir sur quoi l’attente messianique va se construire[5]. En somme l’attente messianique dans l’Ancien Testament s’est progressivement spécifiée et les différents textes se rapportant à cette réalité emmènent des éclairages différents sur le rôle et prérogative du Messie : Messie Roi – Messie-Prophète – Messie-Divin – Messie-Prête[6].
Le messie dans le judaïsme intertestamentaire
L’attente messianique se construit progressivement pendant la période intertestamentaire et est basée sur la conviction que le Dieu d’Israël allait accomplir les promesses faites à la nation élue. Les espoirs messianiques étaient souvent plus axés sur le domaine matériel que sur celui spirituel. L’idée d’un messie national méconnu et humilié semble être restée étrangère à la pensée juive. On ne concevait la manifestation d’un Envoyé céleste que sous forme d’un triomphe éclatant et absolu de la justice et de la puissance de Dieu[7]. Certains courants pensaient même à une libération eschatologique sous la conduite de deux Messies, sacerdotal et davidique[8]. Aucun mouvement ne voyait dans le Messie une provenance divine, ils l’appelaient seulement « fils de Dieu » en un sens de titre humain et non comme la foi chrétienne l’a entendu[9]. La plupart du temps il était associé en tant que « fils de David », rappelant sa descendance, sa dignité royale et la promesse faite à son ancêtre.
Mais le christianisme par la suite comprendra la messianité de Jésus comme surpassant la dimension du Messie annoncé par la tradition juive[10].
L’attente messianique dans les évangiles
Malgré les sources extrabibliques disponibles pour observer l’attente messianique chez les juifs à l’heure de Jésus, les évangiles possèdent des informations pertinentes sur la pensée contemporaine en lien avec le Messie. Grâce à l’évangile on apprend que le peuple attend un Messie (Jn 1.20, 41, 4.29 7.31, Lc 3.15), qu’il doit être fils de David (Mt 21.9, 22.42) et qu’il doit naître à Bethléem (Jn 7.40-42, Mt 2.5). Selon Jean 7.27, les juifs pensaient que le Messie arriverait de manière mystérieuse, c’est-à-dire sans que l’on sache sa provenance, et qu’il régnerait pour toujours (Jn 12.34).
On voit aussi que les auditeurs de Jésus lient souvent l’arrivée du Messie avec les questions politiques. C’est pour cette raison que les dirigeants à Jérusalem craignaient une révolte dans la ville et une réponse conséquente des Romains (Jn 11.47-48). Le peuple croit donc principalement que l’oint de Dieu libérera le peuple élu des mains de leurs bourreaux, à savoir les Romains, à travers une conquête politique et militaire. C’est pour cette raison que les auditeurs de Jésus tentent de l’enlever et de le proclamer roi quand ils voient les puissants miracles qu’il peut faire (Jn 6.15). Les nombreuses révoltes messianiques du temps romain aident à remettre ces textes dans leur contexte et à comprendre pourquoi les autorités craignaient ainsi le Nazaréen. Jésus, sachant cela, n’entrera pas dans le jeu des autorités juives, quand ceux-ci lui demanderont s’il est le « Messie » en Luc 22. 67-68, car il sait qu’ils posent une question piège, puisque le terme est taxé de la signification propre à eux[11]. C’est en particulier pour cette raison que naît le « secret messianique ». Ce n’est pas parce que Jésus ne se serait pas vu comme étant le messie qu’il voulait garder une certaine subtilité, mais plutôt comme « refus d’endosser la conception courante de la messianiste » qui tendait à être projeté sur lui[12].
Jésus le Messie
La vision messianique de Jésus
Dans les évangiles, Jésus ne nie jamais être le Messie. Quand il pose la question : « qui dites-vous que je suis? » à ses disciples, Pierre répond : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16.16). Cet épisode éclaire sur le fait que Jésus se qualifie lui-même de Messie et de Fils de Dieu, qu’il accepte son rôle messianique. Toutefois, quand il parle des souffrances qu’il doit subir, Pierre, représentant de la pensée des disciples[13], le contredit et c’est pour cette raison que le maître lui tient des propos sévères. Ainsi Jésus n’a pas la vision messianique des juifs de son temps, mais un autre type de messianisme. C’est pour cette raison que, lorsqu’il comparait devant le sanhédrin et qu’il lui est posée la question, il répond affirmativement, mais s’assure de définir la nature de la messianité, c’est-à-dire qu’il est le Fils d’homme céleste et non un roi messianique comme ses auditeurs l’entendent (Mc 14.61-62)[14]. Il ne niera pas non plus cela quand Pilate lui posera la même question. Mais il montrera que sa nature de Messie transcende les idées contemporaines de ses interlocuteurs, qu’elle a une dimension beaucoup plus spirituelle que matérielle et que les implications sont beaucoup plus importantes que ce que les juifs pouvaient imaginer. C’est pourquoi Xavier Léon-Dufour écrit : « La messianité de Jésus déborde de toutes parts l’idée qu’Israël se disait du Messie : on n’attendait pas le Fils de Dieu comme tel, pas plus qu’on ne pensait à la mort du Messie[15]. »
Fils de David
Dans le corpus vétérotestamentaire, il est question de l’attente d’une descendance royale appartenant à la lignée de David. Dans les psaumes écrits par Salomon, le Fils de David est relié au Messie, c’est pour cette raison que, dans le monde juif, quand on parle du « Fils de David », on entend par là l’oint du Seigneur. En Matthieu 9. 27, 12.23, 15.22, 20.30, en Marc 10.47 et Romains 1.3 Jésus est qualifié de Fils de David. De plus, Jésus pose la question aux pharisiens par rapport au psaume : comment David peut-il dire à son fils qu’il est son Seigneur? En disant cela, il montre que la seule façon que ce texte puisse fonctionner est que le Fils de David est surnaturel par son origine et sa dignité, et que sa filiation ne relève pas simplement de la descendance humaine[16].
C’est donc que Jésus est le Fils de David, qui, après la Pâque, reçoit la domination éternelle en tant que Roi messianique de la communauté[17]. Il est l’accomplissement de plusieurs prophéties de l’Ancien Testament qui promettaient un trône éternel à la descendance de David. Jésus est ainsi le vrai reste fidèle, le roi eschatologique. C‘est le premier-né de toute la création et à travers la foi en lui, les hommes deviennent héritiers du roi.
Fils de l’homme
Jésus dans les évangiles se nomme souvent « fils de l’homme » (υἱὸς τοῦ ἀνθρώπου), titre où il ne demande jamais consigne de silence. Ce terme provient de la tradition apocalyptique représentée au mieux par Daniel, qui montre un homme montant de la terre avec les nuées du ciel et s’avançant vers le trône de l’Ancien des jours pour y recevoir l’investiture[18]. Ce texte de Daniel à forte teneur messianique peut être mis en parallèle avec Ézéchiel 1, où la gloire divine est matérialisée en figure d’homme[19]. L’expression « fils de l’homme » apporte un éclairage sur des aspects messianiques spécifiques. Elle est utilisée pour décrire son autorité de pardonner les péchés et d’avoir le contrôle sur le sabbat. De plus elle a pour aspect sa souffrance, sa mort et sa résurrection. Elle concerne aussi la prérogative du jugement. Le Messie étant assis à la droite de Dieu, il vient pour « récolter » le peuple de Dieu[20]. De ce fait, l’expression est mise en avant dans le Nouveau Testament pour représenter trois réalités : son autorité sur terre, sa souffrance et résurrection ainsi que sa venue apocalyptique[21]. George Eldon Ladd dit à ce propos : « L’emploi de “Fils de l’Homme” dans les synoptiques se range dans trois catégories distinctes : Le “Fils de l’Homme” serviteur sur la terre; le “Fils de l’Homme” dans la souffrance et dans la mort; le “Fils de l’Homme” dans la gloire eschatologique[22].
Ces trois sphères messianiques qui sont dénotées dans les évangiles concordent toutes avec la vision que Daniel transmet du fils de l’homme. Jésus en faisant référence à cet écrit de l’Ancien Testament montre qu’il a toutes les prérogatives de Dieu malgré sa nature humaine. En utilisant ce titre, Jésus montre qu’il est le Messie. Mais, de la manière dont il utilise le terme, il montre que sa dignité messianique est d’un ordre différent de ce que le peuple entend. L’expression « Fils de l’homme » lui permet de prétendre à la dignité de Messie, mais lui offre aussi la possibilité de faire l’herméneutique de sa fonction messianique sous une autre lumière.
Fils de Dieu
Malgré le fait que l’expression « Fils de Dieu » ait plusieurs sens, quand elle est attribuée à Jésus, elle est messianique. Elle fait directement référence à 2 Samuel 7. 14, où le roi davidique est appelé fils de Dieu. Par conséquent, le sens ne porte pas nécessairement sur la nature divine de la personne messianique, mais met plutôt l’accent sur son rôle. Le terme « fils de Dieu », qui est présent dans les évangiles synoptiques pour représenter Jésus, provient de la tradition vétérotestamentaire qui rattache la filiation divine à la relation d’alliance avec Dieu. C’est donc une expression idiomatique qui montre qu’il s’agit d’un individu ayant les caractéristiques de Dieu et qui en accomplit l’œuvre[23]. Contrairement au terme « Fils de l’Homme » par lequel Jésus se nomme souvent, il ne s’appelle jamais lui-même « Fils de Dieu », il utilisera de préférence « fils » individuellement. Le titre de « υἱὸς τοῦ θεοῦ » est utilisé souvent dans la bouche des démons lorsque le Seigneur effectue des exorcismes (Mc 5.7, Lc 4.41, etc.). Jésus est appelé ainsi par la voix divine lors de son baptême et de sa transfiguration (Mc 1.11, Mc 9.7), par le diable qui veut le tenter dans le désert (Lc 4.9, Mt 4), et aussi par des hommes qui se questionnent sur son identité (Mc 14.61). Le vocable exprime que Jésus a un pouvoir sur les esprits et une relation spéciale avec Dieu, grâce à laquelle il détient une puissance surnaturelle. Toutefois, ce n’est pas en raison des miracles que Jésus manifeste qu’il est le fils de Dieu, mais parce qu’il accomplit avec obéissance la tâche qui lui a été attribuée par le Père, dans les souffrances et jusqu’à la mort[24]. Ainsi, le Seigneur conçoit qu’il est le Fils de Dieu de manière unique, qu’il est mis à part de toute l’humanité dans le fait qu’il participe avec Dieu d’une unité impossible aux autres hommes.
Conclusion
Jésus-Christ est dépeint dans les évangiles comme étant Seigneur et Sauveur, puisqu’il est le Messie attendu promis dans l’Ancien Testament. Nous avons clarifié la terminologie messianique attribuée à Jésus pour mieux comprendre ce titre. Pour ce faire, nous avons préalablement exposé la provenance et la signification du mot, nous avons montré la vision du messie dans le corpus vétérotestamentaire ainsi que dans le judaïsme contextuel à Jésus de Nazareth pour finir avec l’attente messianique présente dans les évangiles. Par la suite, nous avons exploré les différentes fonctions messianiques qui étaient attribuées dans les évangiles et qui consistaient en le Fils de David, Fils de l’Homme et Fils de Dieu. À l’aide du travail nous avons donc découvert la réelle signification du terme Messie et ce que cela impliquait réellement dans la vision de Jésus par rapport à ses fonctions.
Notes et références
- ↑ George Eldon LADD, Théologie du Nouveau Testament, Charols, Excelsis, 2010, p. 133.
- ↑ Lucien CERFAUX, Le Christ dans la théologie de saint Paul, Paris, Éditions du Cerf, 1958, p. 362.
- ↑ Voir James PACKER, L’herméneutique et l’autorité de la Bible, Hokhma 8, 1978, p. 2-24. Pour une synthèse de l’herméneutique évangélique selon laquelle nous baseront notre interprétation du sujet.
- ↑ J. A. MOTYER, « Messie », Le Grand Dictionnaire de la Bible, Charols, Excelsis, 2010, p. 1035.
- ↑ Tremper LONGMAN & Raymond DILLARD, Introduction à l’Ancien Testament, Cléon d’Andran, Éditions Excelsis, 2008, p. 478.
- ↑ Jacques DOYON, Christologie pour notre temps, Sherbrooke, Éditions Paulines, 1968, p. 64-69.
- ↑ A. TRICOT, « Le monde juif », Introduction à la Bible II, Tournai, Desclée et Cie, 1959, p. 43-45.
- ↑ Pierre GRELOT, Jésus de Nazareth, Christ et Seigneur, tome 1, Paris, Éditions du Cerf, 1997, p. 92.
- ↑ TRICOT, ibid., p. 44.
- ↑ Manlio SIMONETTI, « Christologie », Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, tome 1, Cerf, 1990, p. 468.
- ↑ GRELOT, Dieu le père de Jésus Christ, Paris, Desclée, 1994, p. 181.
- ↑ Henri BLOCHER, La doctrine du Christ, Vaux-sur-Seine, Edifac, 2002, p. 53.
- ↑ Richard BAUCKHAM, Jesus and the Eyewitnesses; The Gospels as Eyewitnesses Testimony, Grand Rapids, Eerdmans, 2006, p. 167.
- ↑ LADD, ibid., p. 139.
- ↑ Xavier LÉON-DUFOUR, Les évangiles et l’histoire de Jésus, Paris, Éditions du Seuil, 1963, p. 397.
- ↑ LADD, ibid., p. 141.
- ↑ E. SCHWEIZER, « huiòs », Theological Dictionnary of the New Testament, Grand Rapids, Eerdmans, 1985, p. 1210.
- ↑ LÉON-DUFOUR, « Les évangiles synoptiques », L’annonce de l’Évangile, Tournai, Desclée, 1976, p. 55-56.
- ↑ H. LUSSEAU, « Les autres hagiographes », Introduction à la Bible, Tome 1, Tournai, Desclée, 1957, p. 707.
- ↑ I. Howard MARSHALL, A Concise New Testament Theology, Illinois, InterVarsity Press, 2008, p. 29.
- ↑ Jacques BUCHHOLD, « Fils de l’homme », Le Grand Dictionnaire de la Bible, Charols, Excelsis, 2010, p. 609.
- ↑ LADD, ibid., p. 145.
- ↑ D. W. B. ROBINSON, « Fils de Dieu », Le Grand Dictionnaire de la Bible, Charols, Excelsis, 2010, p. 604.
- ↑ LADD, ibid., p. 160.
Bibliographie
- BAUCKHAM, Richard, Jesus and the Eyewitnesses; The Gospels as Eyewitnesses Testimony, Grand Rapids, Eerdmans, 2006.
- BLOCHER, Henri, La doctrine du Christ, Vaux-sur-Seine, Edifac, 2002.
- BUCHHOLD, Jacques, « Fils de l’homme », Le Grand Dictionnaire de la Bible, Charols, Excelsis, 2010.
- CERFAUX, Lucien, Le Christ dans la théologie de saint Paul, Paris, Éditions du Cerf, 1958.
- DOYON, Jacques, Christologie pour notre temps, Sherbrooke, Éditions Paulines, 1968.
- GRELOT, Pierre, Dieu le père de Jésus Christ, Paris, Desclée, 1994.
- GRELOT, Pierre, Jésus de Nazareth, Christ et Seigneur, tome 1, Paris, Éditions du Cerf, 1997.
- LADD, George Eldon, Théologie du Nouveau Testament, Charols, Excelsis, 2010.
- LÉON-DUFOUR, Xavier, « Les évangiles synoptiques », L’annonce de l’Évangile, Tournai, Desclée, 1976.
- LÉON-DUFOUR, Xavier, Les évangiles et l’histoire de Jésus, Paris, Éditions du Seuil, 1963.
- LONGMAN, Tremper & DILLARD, Raymond, Introduction à l’Ancien Testament, Cléon d’Andran, Éditions, Excelsis, 2008.
- LUSSEAU, H., « Les autres hagiographes », Introduction à la Bible, Tome 1, Tournai, Desclée, 1957.
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- SIMONETTI, Manlio, « Christologie », Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, tome 1, Cerf, 1990.
- TRICOT, A., « Le monde juif », Introduction à la Bible, Tome 2, Tournai, Desclée, 1959.