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Jan Hus (Husinec, 1372-Constance, 1415) est un réformateur, théologien, universitaire et prêtre tchèque qui s’est opposé à l’Église catholique au sujet de plusieurs points doctrinaux et pratiques, dont celui de l’autorité de l’Église et du pape : contre la tradition de l’Église comme première source doctrinale, il défend l’autorité suprême de l’Écriture ; il refuse que le pape soit le seul dirigeant de l’Église spirituelle et que, sur le plan physique, celui-ci possède l’autorité civile ; il s’oppose farouchement au commerce des indulgences. En plus de se faire l’écho de John Wyclif (1330-1384), Hus fait preuve d’originalité dans ce qui deviendra son chef-d’œuvre, ''De Ecclesia.'' Malgré qu’il fut un réformateur catholique modéré, les Protestants voient en lui un précurseur de la Réforme par son accent marqué pour l’autorité biblique, sa passion pour la réforme et son insistance sur la seigneurie de Christ sur son Église.
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Jan Hus (Husinec 1372-Constance 1415) est un réformateur, théologien, universitaire et prêtre tchèque qui s’est opposé à l’Église catholique au sujet de plusieurs points doctrinaux et pratiques, dont celui de l’autorité de l’Église et du pape : contre la tradition de l’Église comme première source doctrinale, il défend l’autorité suprême de l’Écriture ; il refuse que le pape soit le seul dirigeant de l’Église spirituelle et que, sur le plan physique, celui-ci possède l’autorité civile ; il s’oppose farouchement au commerce des indulgences. En plus de se faire l’écho de John Wyclif (1330-1384), Hus fait preuve d’originalité dans ce qui deviendra son chef-d’œuvre, ''De Ecclesia.'' Malgré qu’il fut un réformateur catholique modéré, les Protestants voient en lui un précurseur de la Réforme par son accent marqué pour l’autorité biblique, sa passion pour la réforme et son insistance sur la seigneurie de Christ sur son Église.
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== Biographie ==
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Jan Hus est né en Bohême méridionale en 1372.
  
 
En 1378, l’Église catholique traverse une crise morale, éthique et financière sans précédent, causée par le Grand Schisme d’Occident. En Bohême, un conflit politique éclate alors que les nobles bohémiens font emprisonner leur roi en 1394. Mais celui-ci remonte sur le trône quand son frère Sigismond intervient en échange de l’héritage. À cause des problèmes en Bohême, Venceslas délaisse ce qui concerne l’Empire. Cela amène les princes-électeurs à le démettre de son titre impérial en 1400. C’est dans le cadre de grands troubles religieux et politiques qu’il prêche en faveur d’une réforme de l’Église. Il apparaît comme précurseur (avec un siècle d’avance) des grands réformateurs du XVI<sup>e</sup> siècle. Comme Wyclif, il sera excommunié pour hérésie. Sa mort sur le bûcher déclenche une révolution religieuse, politique et sociale en Bohême. Le processus va conduire à l’insurrection des hussites. Ceux-ci vont résister avec acharnement à cinq croisades européennes répondant à l’appel du pape et du roi de Bohême contre eux.
 
En 1378, l’Église catholique traverse une crise morale, éthique et financière sans précédent, causée par le Grand Schisme d’Occident. En Bohême, un conflit politique éclate alors que les nobles bohémiens font emprisonner leur roi en 1394. Mais celui-ci remonte sur le trône quand son frère Sigismond intervient en échange de l’héritage. À cause des problèmes en Bohême, Venceslas délaisse ce qui concerne l’Empire. Cela amène les princes-électeurs à le démettre de son titre impérial en 1400. C’est dans le cadre de grands troubles religieux et politiques qu’il prêche en faveur d’une réforme de l’Église. Il apparaît comme précurseur (avec un siècle d’avance) des grands réformateurs du XVI<sup>e</sup> siècle. Comme Wyclif, il sera excommunié pour hérésie. Sa mort sur le bûcher déclenche une révolution religieuse, politique et sociale en Bohême. Le processus va conduire à l’insurrection des hussites. Ceux-ci vont résister avec acharnement à cinq croisades européennes répondant à l’appel du pape et du roi de Bohême contre eux.
  
== Biographie ==
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Après des études à l’université de Prague, où il obtient sa licence, en 1393, Hus est ordonné prêtre en 1400, et nommé professeur à l’université. Il commence à prêcher et devient confesseur de la reine de Bohême. En 1407, l’archevêque de Prague est chargé par le pape d’interdire la diffusion des thèses de Wyclif jugées hérétiques, qui avaient été introduites en Bohême une vingtaine d’années auparavant. Étant sous l’emprise de l’Église, l’université doit faire appliquer cette interdiction. Lors du fameux vote des quatre nations, la nation tchèque émet une réserve. Hus utilise alors son influence auprès du roi Venceslas pour obtenir trois voies pour la nation tchèque, lors du vote décisif, tandis que les trois autres nations ne bénéficient que d’une voix chacune, Venceslas changeant la constitution de l’université pour arriver à ses fins. Suite à cette décision, les trois autres nations quittent l’université pour fonder, en 1409, l’université de Leipzig, ce qui entraîne le déclin de l’université de Prague sur le plan international.
 
 
Jan Hus est né en Bohême méridionale en 1372. Après des études à l’université de Prague, où il obtient sa licence, en 1393, Hus est ordonné prêtre (1400), et nommé professeur à l’université. Il commence à prêcher et devient confesseur de la reine de Bohême. En 1407, l’archevêque de Prague est chargé par le pape d’interdire la diffusion des thèses de Wyclif jugées hérétiques, qui avaient été introduites en Bohême une vingtaine d’années auparavant. Étant sous l’emprise de l’Église, l’université doit faire appliquer cette interdiction. Lors du fameux vote des quatre nations, la nation tchèque émet une réserve. Hus utilise alors son influence auprès du roi Venceslas pour obtenir trois voies pour la nation tchèque, lors du vote décisif, tandis que les trois autres nations ne bénéficient que d’une voix chacune, Venceslas changeant la constitution de l’université pour arriver à ses fins. Suite à cette décision, les trois autres nations quittent l’université pour fonder, en 1409, l’université de Leipzig, ce qui entraîne le déclin de l’université de Prague sur le plan international.
 
  
 
Hus prêche en langue tchèque en utilisant une traduction de l’évangile en langue tchèque qu’il contribue à fixer comme langue littéraire.
 
Hus prêche en langue tchèque en utilisant une traduction de l’évangile en langue tchèque qu’il contribue à fixer comme langue littéraire.
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Sur le plan politique, Hys lutte pour que les Tchèques soient maîtres de leur patrie, afin qu’ils puissent employer leur langue nationale dans la vie publique. Il incarne les aspirations du peuple.
 
Sur le plan politique, Hys lutte pour que les Tchèques soient maîtres de leur patrie, afin qu’ils puissent employer leur langue nationale dans la vie publique. Il incarne les aspirations du peuple.
  
En 1410, une bulle papale ordonnée par Alexandre V condamne le mouvement réformateur. Sbinko exécute la bulle en saisissant les écrits de Hus, et, en particulier, les traductions de Wyclif, et les brûle. Hus et ses fidèles sont bannis et ne peuvent plus prêcher. Hus en appelle donc à Jean XXIII, en démontrant l’absurdité de brûler des livres, dont les travaux d’Aristote et d’Origène. Cette protestation fut vaine. 200 manuscrits sont brûlés. Hus, défiant l’archevêque et la bulle papale, continue sa prédication à la chapelle Bethléem. La tension monte parmi les gens de la ville et les sermons de Hus, loin de la réduire, l’intensifie. Hus a annoncé qu’il va défendre la position de Wyclif sur la Trinité à l’université, mais ce n’est pas accepté. En septembre 1411, Hus écrit au pape afin de démontrer qu’il est en harmonie avec l’Église, mais qu’il doit rester dans les limites de la vérité biblique, et qu’il est prêt à souffrir une mort violente<ref>Philip Schaff'', History of the Christian Church – Vol III'', Grand Rapids, Christian Classic Ethereal Library, 1997 (5<sup>ième</sup> Édition), p. 44-45.
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En 1410, une bulle papale ordonnée par Alexandre V condamne le mouvement réformateur. Sbinko exécute la bulle en saisissant les écrits de Hus, et, en particulier, les traductions de Wyclif, et les brûle. Hus et ses fidèles sont bannis et ne peuvent plus prêcher. Hus en appelle donc à Jean XXIII, en démontrant l’absurdité de brûler des livres, dont les travaux d’Aristote et d’Origène. Cette protestation fut vaine. 200 manuscrits sont brûlés. Hus, défiant l’archevêque et la bulle papale, continue sa prédication à la chapelle Bethléem. La tension monte parmi les gens de la ville et les sermons de Hus, loin de la réduire, l’intensifie. Hus a annoncé qu’il va défendre la position de Wyclif sur la Trinité à l’université, mais ce n’est pas accepté. En septembre 1411, Hus écrit au pape afin de démontrer qu’il est en harmonie avec l’Église, mais qu’il doit rester dans les limites de la vérité biblique, et qu’il est prêt à souffrir une mort violente<ref>Philip SCHAFF'', History of the Christian Church – Vol III'', Grand Rapids, Christian Classic Ethereal Library, 1997, p. 44-45.
 
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À la mort de Sbinko, le 28 septembre, la tension monte par l’arrivée à Prague de John Stokes, un anglais de Cambridge et ennemi des thèses de Wycliff, et d’une délégation envoyée par le roi anglais afin de faire alliance avec Sigismond, ce qui annonçait le pire. Cependant, aucune confrontation directe n’eut lieu. « Stokes’ presence aroused the expectation of a notable clash, but the Englishman, although he ventilated his views privately, declined Huss’ challenge to a public disputation on the ground that he was a political representative of a friendly nation<ref>''Ibid.''
 
À la mort de Sbinko, le 28 septembre, la tension monte par l’arrivée à Prague de John Stokes, un anglais de Cambridge et ennemi des thèses de Wycliff, et d’une délégation envoyée par le roi anglais afin de faire alliance avec Sigismond, ce qui annonçait le pire. Cependant, aucune confrontation directe n’eut lieu. « Stokes’ presence aroused the expectation of a notable clash, but the Englishman, although he ventilated his views privately, declined Huss’ challenge to a public disputation on the ground that he was a political representative of a friendly nation<ref>''Ibid.''
</ref>. » Jean XXIII appelle une croisade contre Naples et promet des indulgences à tous les participants. Lorsque les indulgences sont offertes à Prague, Hus condamne cette pratique, comme Wyclif l’avait fait. « As Wyclif, thirty years before, in his ''Cruciata'', had lifted up his voice against the crusade in the Flanders, so now Huss denounced the religious war and denied the pope’s right to couple indulgences with it<ref>Philip Schaff, ''op. cit.,'' p. 44-45.
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</ref>. » Jean XXIII appelle une croisade contre Naples et promet des indulgences à tous les participants. Lorsque les indulgences sont offertes à Prague, Hus condamne cette pratique, comme Wyclif l’avait fait. « As Wyclif, thirty years before, in his ''Cruciata'', had lifted up his voice against the crusade in the Flanders, so now Huss denounced the religious war and denied the pope’s right to couple indulgences with it<ref>''Ibid''.
 
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Il croyait que la rémission des péchés provenait de la repentance seulement. Deux vieux amis de Hus, Stanislaus et Stephen, refusent de le suivre et sont maltraités par le public. Le roi ne pouvant supporter que des hommes exécutant l’ordre du pape soit traités ainsi, la ville est placée sous interdit. Car, même si la faculté théologique, l’archevêque et le clergé s’opposent à Hus, ce dernier a toujours le soutien de la population. Malgré tout, Hus accepte de se retirer de la cité en 1412, et il continue à écrire et à enseigner dans les marchés, les champs et les boisés, sous la protection des seigneurs locaux.
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Il croyait que la rémission des péchés provenait de la repentance seulement. Deux vieux amis de Hus, Stanislaus et Stephen, refusent de le suivre et sont maltraités par le public. Le roi ne pouvant supporter que des hommes exécutant l’ordre du pape soient traités ainsi, la ville est placée sous interdit. Car, même si la faculté théologique, l’archevêque et le clergé s’opposent à Hus, ce dernier a toujours le soutien de la population. Malgré tout, Hus accepte de se retirer de la cité en 1412, et il continue à écrire et à enseigner dans les marchés, les champs et les boisés, sous la protection des seigneurs locaux.
  
 
Durant cette période, il écrit un travail majeur, ''De ecclesia'', où il définit l’Église et le pouvoir des clés, afin de répondre aux théologiens et de démontrer que Pierre n’est pas le fondement de l’Église, mais que c’est le Christ qui est la pierre. D’autre part, il explique que le pape n’a pas l’autorité de l’empêcher de prêcher, car le commandement vient du Christ lui-même. Il condamne même le pape : il n’a pas le droit de déclarer la guerre dans le monde séculier, car le royaume chrétien n’est pas de ce monde. « In denying the infallibility of the pope and of the Church visible, and in setting aside the sacerdotal power of the priesthood to open and shut the kingdom of heaven, Huss broke with the accepted theory of Western Christendom ; he committed the unpardonable sin of the Middle Ages<ref>''Ibid.''
 
Durant cette période, il écrit un travail majeur, ''De ecclesia'', où il définit l’Église et le pouvoir des clés, afin de répondre aux théologiens et de démontrer que Pierre n’est pas le fondement de l’Église, mais que c’est le Christ qui est la pierre. D’autre part, il explique que le pape n’a pas l’autorité de l’empêcher de prêcher, car le commandement vient du Christ lui-même. Il condamne même le pape : il n’a pas le droit de déclarer la guerre dans le monde séculier, car le royaume chrétien n’est pas de ce monde. « In denying the infallibility of the pope and of the Church visible, and in setting aside the sacerdotal power of the priesthood to open and shut the kingdom of heaven, Huss broke with the accepted theory of Western Christendom ; he committed the unpardonable sin of the Middle Ages<ref>''Ibid.''
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Un point tournant a lieu lorsque les radicaux se révoltent à Prague contre les représentants catholiques et les représentants du roi Venceslas. Ils se déchaînent contre le culte des images, confisquent de nombreux biens de l’église et, en février 1420, une commune révolutionnaire s’établit sous le nom de Tabor dans le Sud de la Bohême. La diète nationale, qui inclut les différentes fractions des Utraquistes, adopte, en 1421, les Quatre Articles de Prague composant le programme hussite :
 
Un point tournant a lieu lorsque les radicaux se révoltent à Prague contre les représentants catholiques et les représentants du roi Venceslas. Ils se déchaînent contre le culte des images, confisquent de nombreux biens de l’église et, en février 1420, une commune révolutionnaire s’établit sous le nom de Tabor dans le Sud de la Bohême. La diète nationale, qui inclut les différentes fractions des Utraquistes, adopte, en 1421, les Quatre Articles de Prague composant le programme hussite :
  
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* la communion sous les deux espèces ;
<li><blockquote><p>La communion sous les deux espèces</p></blockquote></li>
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* la libre prédication de l’Évangile ;
<li><blockquote><p>La libre prédication de l’Évangile</p></blockquote></li>
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* la confiscation des biens du clergé ;
<li><blockquote><p>La confiscation des biens du clergé</p></blockquote></li>
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* la punition des péchés mortels.
<li><blockquote><p>La punition des péchés mortels</p></blockquote></li></ul>
 
  
 
Les hussites s'organisent en formant de puissantes armées afin de se défendre contre les croisades anti-hussites qu'envoie la papauté. Ces dernières sont chaque fois anéanties.
 
Les hussites s'organisent en formant de puissantes armées afin de se défendre contre les croisades anti-hussites qu'envoie la papauté. Ces dernières sont chaque fois anéanties.
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== Réaction de l'Église catholique ==
 
== Réaction de l'Église catholique ==
  
Les hussites résistent contre les différentes croisades jusqu’en 1431. Devant les victoires militaires des hussites qui dominent toute la Bohême, l’Église négocie un compromis avec les modérés. Lors du Concile de Bâle en 1433, la délégation hussite et l’Église catholique négocient un compromis, connu sous le nom de ''Compactata'', reconnaissant la communion sous les deux espèces, la sécularisation des biens ecclésiastiques et la lecture en tchèque des épîtres et de l’Évangile. Le pape ne reconnut par cet accord obtenu durant le concile<ref>Pierre Gisel, « Jean Hus », E''ncyclopédie du protestantisme,'' Paris, Éditions du Cerf, p. 709.
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Les hussites résistent contre les différentes croisades jusqu’en 1431. Devant les victoires militaires des hussites qui dominent toute la Bohême, l’Église négocie un compromis avec les modérés. Lors du Concile de Bâle en 1433, la délégation hussite et l’Église catholique négocient un compromis, connu sous le nom de ''Compactata'', reconnaissant la communion sous les deux espèces, la sécularisation des biens ecclésiastiques et la lecture en tchèque des épîtres et de l’Évangile. Le pape ne reconnut par cet accord obtenu durant le concile<ref>Pierre GISEL, « Jean Hus », ''Encyclopédie du protestantisme,'' Paris, Éditions du Cerf, 1995.
 
</ref>. En 1434, les hussites modérés, ayant accepté le compromis, s’allient aux catholiques et battent les plus extrémistes lors de la bataille de Lipany. La diète de Jihlaoa de 1436 met fin à la guerre. La suite tourmentée des relations entre Utraquistes et catholiques aboutira au Traité de Kutna Hora (1485), ce qui est la première reconnaissance de la liberté religieuse. La bataille de la Montagne-Blanche (1420) change cette notion de liberté en Bohême. Il faut attendre la Réforme pour que s’installe en Europe une liberté religieuse durable.
 
</ref>. En 1434, les hussites modérés, ayant accepté le compromis, s’allient aux catholiques et battent les plus extrémistes lors de la bataille de Lipany. La diète de Jihlaoa de 1436 met fin à la guerre. La suite tourmentée des relations entre Utraquistes et catholiques aboutira au Traité de Kutna Hora (1485), ce qui est la première reconnaissance de la liberté religieuse. La bataille de la Montagne-Blanche (1420) change cette notion de liberté en Bohême. Il faut attendre la Réforme pour que s’installe en Europe une liberté religieuse durable.
  
 
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<div style='text-align: right;'>Sébastien MORRISSETTE</div>
Sébastien MORRISSETTE
 
  
 
== Notes et références ==
 
== Notes et références ==
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== Bibliographie ==
 
== Bibliographie ==
  
* BRAUER, Jerald C., « John Hus », ''The Westminster Dictionary of Church History'', Philadelphie, The Westminster Press, 887 p.
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* BRAUER, Jerald C., « John Hus », ''The Westminster Dictionary of Church History'', Philadelphie, The Westminster Press, 1971.
  
* DEANESLY, M.A., ''A history of the medieval church 590-1500'', London, Methuen &amp; Co. Ltd., 1951, 284 p.
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* DEANESLY, M.A., ''A history of the medieval church 590-1500'', London, Methuen &amp; Co. Ltd., 1951.
  
* FERGUSON, Sinclair B.; PACKER, J.I., « John Hus », ''New Dictionary of Theology'' sur CD-ROM, Essentiel IVP Reference Collection 3.0, Downers Grove, IVP Academic, 2008, 738p.
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* FERGUSON, Sinclair B.; PACKER, J.I., « John Hus », ''New Dictionary of Theology'' sur CD-ROM, Essentiel IVP Reference Collection 3.0, Downers Grove, IVP Academic, 2008.
  
* GISEL, Pierre sous dir., « Jan Hus », ''Encyclopédie du Protestantisme'', Paris, Éditions du Cerf, 1710 p.
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* GISEL, Pierre sous dir., « Jan Hus », ''Encyclopédie du Protestantisme'', Paris, Cerf, 1995.
  
* NICOLE, J.M., ''Précis d’histoire de l’Église'', Nogent-sur-Marne, Éditions de l’Institut Biblique, 2005, 295 p.
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* NICOLE, J.M., ''Précis d’histoire de l’Église'', Nogent-sur-Marne, Éditions de l’Institut Biblique, 2005.
  
* SCHAFF, Philip, ''History of the Christian Church – Vol III,'' Grand Rapids, Christian Classic Ethereal Library, 1997 (5<sup>ième</sup> Édition), 942 p.
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* SCHAFF, Philip, ''History of the Christian Church – Vol III,'' Grand Rapids, Christian Classic Ethereal Library, 1997.
  
* SCHAFF, Philip, ''The Creeds of Christendom with a History and Critical Notes – Vol I'', Grand Rapids, Christian Classic Ethereal Library, 1932 (6<sup>ieme</sup> Édition), 1071 p.
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* SCHAFF, Philip, ''The Creeds of Christendom with a History and Critical Notes – Vol I'', Grand Rapids, Christian Classic Ethereal Library, 1932.

Version actuelle datée du 24 novembre 2021 à 13:44

Jan Hus (Husinec 1372-Constance 1415) est un réformateur, théologien, universitaire et prêtre tchèque qui s’est opposé à l’Église catholique au sujet de plusieurs points doctrinaux et pratiques, dont celui de l’autorité de l’Église et du pape : contre la tradition de l’Église comme première source doctrinale, il défend l’autorité suprême de l’Écriture ; il refuse que le pape soit le seul dirigeant de l’Église spirituelle et que, sur le plan physique, celui-ci possède l’autorité civile ; il s’oppose farouchement au commerce des indulgences. En plus de se faire l’écho de John Wyclif (1330-1384), Hus fait preuve d’originalité dans ce qui deviendra son chef-d’œuvre, De Ecclesia. Malgré qu’il fut un réformateur catholique modéré, les Protestants voient en lui un précurseur de la Réforme par son accent marqué pour l’autorité biblique, sa passion pour la réforme et son insistance sur la seigneurie de Christ sur son Église.

Biographie

Jan Hus est né en Bohême méridionale en 1372.

En 1378, l’Église catholique traverse une crise morale, éthique et financière sans précédent, causée par le Grand Schisme d’Occident. En Bohême, un conflit politique éclate alors que les nobles bohémiens font emprisonner leur roi en 1394. Mais celui-ci remonte sur le trône quand son frère Sigismond intervient en échange de l’héritage. À cause des problèmes en Bohême, Venceslas délaisse ce qui concerne l’Empire. Cela amène les princes-électeurs à le démettre de son titre impérial en 1400. C’est dans le cadre de grands troubles religieux et politiques qu’il prêche en faveur d’une réforme de l’Église. Il apparaît comme précurseur (avec un siècle d’avance) des grands réformateurs du XVIe siècle. Comme Wyclif, il sera excommunié pour hérésie. Sa mort sur le bûcher déclenche une révolution religieuse, politique et sociale en Bohême. Le processus va conduire à l’insurrection des hussites. Ceux-ci vont résister avec acharnement à cinq croisades européennes répondant à l’appel du pape et du roi de Bohême contre eux.

Après des études à l’université de Prague, où il obtient sa licence, en 1393, Hus est ordonné prêtre en 1400, et nommé professeur à l’université. Il commence à prêcher et devient confesseur de la reine de Bohême. En 1407, l’archevêque de Prague est chargé par le pape d’interdire la diffusion des thèses de Wyclif jugées hérétiques, qui avaient été introduites en Bohême une vingtaine d’années auparavant. Étant sous l’emprise de l’Église, l’université doit faire appliquer cette interdiction. Lors du fameux vote des quatre nations, la nation tchèque émet une réserve. Hus utilise alors son influence auprès du roi Venceslas pour obtenir trois voies pour la nation tchèque, lors du vote décisif, tandis que les trois autres nations ne bénéficient que d’une voix chacune, Venceslas changeant la constitution de l’université pour arriver à ses fins. Suite à cette décision, les trois autres nations quittent l’université pour fonder, en 1409, l’université de Leipzig, ce qui entraîne le déclin de l’université de Prague sur le plan international.

Hus prêche en langue tchèque en utilisant une traduction de l’évangile en langue tchèque qu’il contribue à fixer comme langue littéraire.

Il s’élève contre le système ecclésiastique, prêche la réforme de l’Église et prône le retour à la pauvreté évangélique : l’Évangile est la seule règle ; tout homme a le droit de l’étudier.

Il condamne aussi les indulgences, qui ne servent qu’à soutenir les papes de Rome et d'Avignon.

Sur le plan politique, Hys lutte pour que les Tchèques soient maîtres de leur patrie, afin qu’ils puissent employer leur langue nationale dans la vie publique. Il incarne les aspirations du peuple.

En 1410, une bulle papale ordonnée par Alexandre V condamne le mouvement réformateur. Sbinko exécute la bulle en saisissant les écrits de Hus, et, en particulier, les traductions de Wyclif, et les brûle. Hus et ses fidèles sont bannis et ne peuvent plus prêcher. Hus en appelle donc à Jean XXIII, en démontrant l’absurdité de brûler des livres, dont les travaux d’Aristote et d’Origène. Cette protestation fut vaine. 200 manuscrits sont brûlés. Hus, défiant l’archevêque et la bulle papale, continue sa prédication à la chapelle Bethléem. La tension monte parmi les gens de la ville et les sermons de Hus, loin de la réduire, l’intensifie. Hus a annoncé qu’il va défendre la position de Wyclif sur la Trinité à l’université, mais ce n’est pas accepté. En septembre 1411, Hus écrit au pape afin de démontrer qu’il est en harmonie avec l’Église, mais qu’il doit rester dans les limites de la vérité biblique, et qu’il est prêt à souffrir une mort violente[1].

À la mort de Sbinko, le 28 septembre, la tension monte par l’arrivée à Prague de John Stokes, un anglais de Cambridge et ennemi des thèses de Wycliff, et d’une délégation envoyée par le roi anglais afin de faire alliance avec Sigismond, ce qui annonçait le pire. Cependant, aucune confrontation directe n’eut lieu. « Stokes’ presence aroused the expectation of a notable clash, but the Englishman, although he ventilated his views privately, declined Huss’ challenge to a public disputation on the ground that he was a political representative of a friendly nation[2]. » Jean XXIII appelle une croisade contre Naples et promet des indulgences à tous les participants. Lorsque les indulgences sont offertes à Prague, Hus condamne cette pratique, comme Wyclif l’avait fait. « As Wyclif, thirty years before, in his Cruciata, had lifted up his voice against the crusade in the Flanders, so now Huss denounced the religious war and denied the pope’s right to couple indulgences with it[3]. »

Il croyait que la rémission des péchés provenait de la repentance seulement. Deux vieux amis de Hus, Stanislaus et Stephen, refusent de le suivre et sont maltraités par le public. Le roi ne pouvant supporter que des hommes exécutant l’ordre du pape soient traités ainsi, la ville est placée sous interdit. Car, même si la faculté théologique, l’archevêque et le clergé s’opposent à Hus, ce dernier a toujours le soutien de la population. Malgré tout, Hus accepte de se retirer de la cité en 1412, et il continue à écrire et à enseigner dans les marchés, les champs et les boisés, sous la protection des seigneurs locaux.

Durant cette période, il écrit un travail majeur, De ecclesia, où il définit l’Église et le pouvoir des clés, afin de répondre aux théologiens et de démontrer que Pierre n’est pas le fondement de l’Église, mais que c’est le Christ qui est la pierre. D’autre part, il explique que le pape n’a pas l’autorité de l’empêcher de prêcher, car le commandement vient du Christ lui-même. Il condamne même le pape : il n’a pas le droit de déclarer la guerre dans le monde séculier, car le royaume chrétien n’est pas de ce monde. « In denying the infallibility of the pope and of the Church visible, and in setting aside the sacerdotal power of the priesthood to open and shut the kingdom of heaven, Huss broke with the accepted theory of Western Christendom ; he committed the unpardonable sin of the Middle Ages[4]. »

L’empereur Sigismond, voulant régler la situation, envoie une délégation afin d’exiger que Hus se présente à un concile, tout en lui promettant la protection. En 1414, Hus décide de défendre sa cause devant le Concile de Constance. Malgré le sauf-conduit accordé par le roi Sigismond, Hus est emprisonné par le Concile et condamné au bûcher comme hérétique, entraînant la révolte dans son pays natal.

Conséquences post-concile

La mort de Hus sur le bûcher déclenche une révolution touchant plusieurs aspects et secouant la Bohême et la Moravie pendant des décennies. D’abord pacifique, la protestation de la noblesse contre l’exécution de Hus va très rapidement être éclipsée par l’agitation du peuple dans les campagnes et les villes, menant à la défenestration de notables catholiques à Prague, le 30 juillet 1419. L’aile modérée, composée de la haute noblesse et de l’université de Prague imposera la pratique de la communion sous les deux espèces, tandis qu’une aile radicale se développera sous la direction de petits nobles.

Un point tournant a lieu lorsque les radicaux se révoltent à Prague contre les représentants catholiques et les représentants du roi Venceslas. Ils se déchaînent contre le culte des images, confisquent de nombreux biens de l’église et, en février 1420, une commune révolutionnaire s’établit sous le nom de Tabor dans le Sud de la Bohême. La diète nationale, qui inclut les différentes fractions des Utraquistes, adopte, en 1421, les Quatre Articles de Prague composant le programme hussite :

  • la communion sous les deux espèces ;
  • la libre prédication de l’Évangile ;
  • la confiscation des biens du clergé ;
  • la punition des péchés mortels.

Les hussites s'organisent en formant de puissantes armées afin de se défendre contre les croisades anti-hussites qu'envoie la papauté. Ces dernières sont chaque fois anéanties.

Réaction de l'Église catholique

Les hussites résistent contre les différentes croisades jusqu’en 1431. Devant les victoires militaires des hussites qui dominent toute la Bohême, l’Église négocie un compromis avec les modérés. Lors du Concile de Bâle en 1433, la délégation hussite et l’Église catholique négocient un compromis, connu sous le nom de Compactata, reconnaissant la communion sous les deux espèces, la sécularisation des biens ecclésiastiques et la lecture en tchèque des épîtres et de l’Évangile. Le pape ne reconnut par cet accord obtenu durant le concile[5]. En 1434, les hussites modérés, ayant accepté le compromis, s’allient aux catholiques et battent les plus extrémistes lors de la bataille de Lipany. La diète de Jihlaoa de 1436 met fin à la guerre. La suite tourmentée des relations entre Utraquistes et catholiques aboutira au Traité de Kutna Hora (1485), ce qui est la première reconnaissance de la liberté religieuse. La bataille de la Montagne-Blanche (1420) change cette notion de liberté en Bohême. Il faut attendre la Réforme pour que s’installe en Europe une liberté religieuse durable.

Sébastien MORRISSETTE

Notes et références

  1. Philip SCHAFF, History of the Christian Church – Vol III, Grand Rapids, Christian Classic Ethereal Library, 1997, p. 44-45.
  2. Ibid.
  3. Ibid.
  4. Ibid.
  5. Pierre GISEL, « Jean Hus », Encyclopédie du protestantisme, Paris, Éditions du Cerf, 1995.

Bibliographie

  • BRAUER, Jerald C., « John Hus », The Westminster Dictionary of Church History, Philadelphie, The Westminster Press, 1971.
  • DEANESLY, M.A., A history of the medieval church 590-1500, London, Methuen & Co. Ltd., 1951.
  • FERGUSON, Sinclair B.; PACKER, J.I., « John Hus », New Dictionary of Theology sur CD-ROM, Essentiel IVP Reference Collection 3.0, Downers Grove, IVP Academic, 2008.
  • GISEL, Pierre sous dir., « Jan Hus », Encyclopédie du Protestantisme, Paris, Cerf, 1995.
  • NICOLE, J.M., Précis d’histoire de l’Église, Nogent-sur-Marne, Éditions de l’Institut Biblique, 2005.
  • SCHAFF, Philip, History of the Christian Church – Vol III, Grand Rapids, Christian Classic Ethereal Library, 1997.
  • SCHAFF, Philip, The Creeds of Christendom with a History and Critical Notes – Vol I, Grand Rapids, Christian Classic Ethereal Library, 1932.