Théologie de l'alliance : Différence entre versions

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Pour conclure, Dieu est un Dieu allianciel. Dans sa nature trinitaire, les trois ''personnas'' sont dans une véritable ''suntheke''. Cette relation est la source de ses actions dans le temps et l’espace. Il y a ainsi une relation étroite entre la doctrine de la nature de Dieu et la doctrine de l’alliance. Par conséquent, les discussions avec les crédo-baptistes et les pédo-baptistes ont contribué à d’importantes distinctions concernant les théologies des alliances. Parmi celles-ci, nous retrouvons les dispensations, l’identité du peuple de Dieu, le baptême et signes de l’alliance. Toutefois, elles sont secondaires comparativement à l’élaboration d’une théologie de l’alliance qui soit connectée avec notre compréhension de la nature trinitaire de Dieu et de ses œuvres. Les discussions nord-américaines avec les dispensationalistes sont nécessaires et inévitables, mais le théologien de l’alliance doit s’ancrer fermement en premier lieu dans la doctrine de Dieu. Cet ancrage lui permettra de faire face à des critiques beaucoup plus sérieuses ; ces dernières sont survenues dans le passé et risquent de revenir de manière cyclique sous différentes formes.
 
Pour conclure, Dieu est un Dieu allianciel. Dans sa nature trinitaire, les trois ''personnas'' sont dans une véritable ''suntheke''. Cette relation est la source de ses actions dans le temps et l’espace. Il y a ainsi une relation étroite entre la doctrine de la nature de Dieu et la doctrine de l’alliance. Par conséquent, les discussions avec les crédo-baptistes et les pédo-baptistes ont contribué à d’importantes distinctions concernant les théologies des alliances. Parmi celles-ci, nous retrouvons les dispensations, l’identité du peuple de Dieu, le baptême et signes de l’alliance. Toutefois, elles sont secondaires comparativement à l’élaboration d’une théologie de l’alliance qui soit connectée avec notre compréhension de la nature trinitaire de Dieu et de ses œuvres. Les discussions nord-américaines avec les dispensationalistes sont nécessaires et inévitables, mais le théologien de l’alliance doit s’ancrer fermement en premier lieu dans la doctrine de Dieu. Cet ancrage lui permettra de faire face à des critiques beaucoup plus sérieuses ; ces dernières sont survenues dans le passé et risquent de revenir de manière cyclique sous différentes formes.
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<div style='text-align: right;'>Sébastien MORRISSETTE</div>
  
 
== Notes et références ==
 
== Notes et références ==

Version du 7 juillet 2021 à 15:06

La théologie de l’alliance, ou la théologie fédérale est « l’infrastructure de la pensée réformée[1] ». Elle se veut un système d’interprétation de l’Écriture dont les alliances[2] servent de grille de lecture et de principe organisateur de la théologie. Une telle démarche unificatrice s’avère nécessaire pour comprendre le plan de Dieu. Tant la confession de foi de Westminster que celle de Londres affirment cette nécessité[3]. Elles soulignent l’importance du cadre allianciel divin, non pas seulement en raison du péché de l’Homme, mais aussi à cause de la grande distance ontologique entre Dieu et ses créatures. Selon Earl M. Blackburn, la théologie de l’alliance se veut « une compréhension de Dieu et de la rédemption qui interprète les Écritures saintes par le moyen des alliances. La Bible ne connaît qu’un seul Sauveur. Un seul moyen de salut existe autant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament : par la grâce seule, par la foi seule, par Christ seul. Le Dieu trinitaire est un Dieu d’alliance qui interagit à salut avec l’humanité au moyen d’alliances[4] ». La théologie de l’alliance rend compte des relations divino-humaines et du développement historique du plan rédempteur de Dieu à travers les alliances bibliques, grâce aux acquis de l’exégèse, de la théologie biblique et de la théologie systématique. Structurant l’ensemble théologique, elle est « la colonne vertébrale de toutes les doctrines de la théologie réformée[5] », écrit le théologien hollandais Anthony Hoekema.

Prolégomènes

Description générale

La théologie de l’alliance propose une synthèse de l’histoire des relations entre Dieu et l’être humain en relatant les alliances théologiques. Elle distingue deux alliances majeures : l’alliance des œuvres (foederus naturae) et l’alliance de la grâce (foederus gratia). Conclue avec Adam, l’alliance des œuvres garantit la vie éternelle en récompense de l’obéissance, alors que la désobéissance aux stipulations provoque la mort comme châtiment[6]. L’alliance de grâce avec l’humanité résout le problème de la mort et du péché. La perspective la plus commune au sein des milieux réformés consiste à distinguer trois alliances théologiques. À l’alliance des œuvres et à l’alliance de grâce s’ajoute l’alliance de la rédemption (pactum salutis). Cette dernière constitue une alliance éternelle intratrinitaire dont l’alliance de grâce représente l’expression historique. Pour C. H. Spurgeon, surnommé le prince des prédicateurs britanniques, « la doctrine de l’alliance est à la base de toute véritable théologie. Il a été dit que celui qui comprend bien la distinction entre l’alliance des œuvres et l’alliance de grâce est un maître en divinité. Je suis persuadé que la plupart des erreurs que les hommes font au sujet de la doctrine des Écritures sont fondées sur des erreurs fondamentales en ce qui concerne les alliances de la loi et de la grâce. Que Dieu nous accorde maintenant le pouvoir d’instruire et vous la grâce de recevoir des instructions sur ce sujet vital[7] ».

Les alliances théologiques intègrent les alliances historiques afin de mieux rendre compte de l’unité de la Bible et de la centralité du Christ. Les alliances bibliques postlapsaires mentionnées dans l’Écriture sont incluses dans l’alliance de grâce, car elles en sont l’expression historique particulière. Ce système met ainsi en évidence la continuité entre les alliances bibliques et non leur discontinuité. En d’autres termes, leurs effets sont cumulatifs et non successifs. Les alliances bibliques peuvent être comprises comme diverses administrations de la même alliance de grâce. Par conséquent, une seule communauté de croyants existe depuis la promesse contenue en Genèse 3.15 : les élus obtiennent le salut et la justification par la foi en la promesse et non par le mérite. Toutefois, une progression dans le contenu de chaque alliance historique génère une compréhension nouvelle de la promesse. Par exemple, l’alliance adamique contient le germe de la promesse que chaque alliance subséquente développe, précise et mène à terme en Christ. L’alliance de grâce, à l’instar de toutes les alliances bibliques qu’elle contient, trouve son telos en Christ.

Bienfaits et méthodes

Doctrine critique pour la foi réformée, elle procure plusieurs bienfaits pour le croyant qui se l’approprie. Premièrement, elle explicite l’élection des croyants en Christ grâce à une synthèse des vérités scripturaires. Deuxièmement, elle permet de reconnaître pleinement et d’apprécier l’amour intratrinitaire de Dieu à l’égard des croyants, car cet amour est la source de l’expression de ses activités dans l’histoire humaine (2 Co 5.14). Troisièmement, sur le plan pastoral, les doutes de la possibilité de perdre son salut se dissipent avec la compréhension de ce que la rédemption du croyant provient d’une alliance prétemporelle qui repose entièrement sur les œuvres du Christ accomplies au temps marqué par Dieu. Christ a rempli les conditions alliancielles ! Ainsi, nul ne se mérite la restauration de sa relation avec Dieu en vertu de ses propres œuvres, mais seulement par l’imputation de la justice acquise à la croix : le salut en Christ est pure grâce pour le croyant. L’Écriture aborde cette réalité en décrivant le Fils comme notre sûreté, notre garantie (He 7.22 ; Ep 2.8-9)[8]. Quatrièmement, la compréhension de la théologie de l’alliance améliore la capacité d’évangélisation du croyant. Ligon Duncan affirme que « celui qui ne comprend par la théologie de l’alliance n’est pas prêt à annoncer l’évangile dans toute sa gloire et dans son entièreté au peuple de Dieu et ceux à l’extérieur de l’alliance[9] ».

La théologie de l’Alliance facilite la compréhension du plan éternel de Dieu, de par la biblicité et la systématicité de son approche ; elle repose sur les acquis de l’exégèse et de la théologie biblique. Pour plusieurs, la théologie de l’alliance est synonyme de théologie biblique, car l’Écriture structure la lecture[10]. De plus, elle cherche à demeurer connectée avec l’héritage théologique contenu dans les confessions de foi. Autant que faire se peut, elle utilise une terminologie compréhensible, biblique et validée historiquement, afin de préciser ce qu’elle propose. Pour ce faire, elle relie les multiples thèmes par l’apport de la théologie systématique. La théologie de l’alliance relève donc à la fois de la théologie biblique et de la théologie systématique.

Critiques

Malgré cette cohérence exégétique et systématique, la théologie de l’alliance ne demeure pas sans critiques. Ses détracteurs la considèrent comme une théologie du remplacement[11], de la substitution ou du « supersessionisme », car l’Église est vue comme l’Israël de Dieu et s’en approprie les promesses. Ils lui reprochent de représenter un système humain fabriqué par des théologiens dans leur tour d’ivoire, car les termes utilisés ne se retrouvent pas verbatim dans la Bible. Par conséquent, l’une des stratégies utilisées pour attaquer les fondements de la théologie de l’alliance consiste à discréditer l’une ou l’autre des alliances théologiques par l’accusation de n’être que spéculation théologique. Ses plus illustres opposants au sein du camp réformé sont Karl Barth[12], les théologiens écossais T. F. et J. B. Torrance, ainsi que le dogmaticien américain John Murray. Les mouvements théologiques qui proposent une idéologie différente sont le dispensationnalisme, la nouvelle théologie de l’alliance et les formes progressives de la théologie de l’alliance. Selon l’évaluation de Ligon Duncan, les arguments actuels du monde évangélique nord-américain, qui proviennent surtout des discussions avec les dispensationalistes, font peu de poids comparé à ceux des barthiens[13]. Afin de répondre aux polémiques, cet article sera consacré à démontrer la possibilité de ces alliances théologiques. Pour ce faire, nous les considérerons individuellement en les décrivant sommairement, en présentant les arguments bibliques qui les soutiennent, tout en effleurant au passage quelques fréquentes critiques.

L’alliance des œuvres

L’alliance des œuvres est la première alliance décrite dans l’histoire humaine. Conclue lors de la création, elle établit les modalités de la relation entre Dieu et Adam en tant que chef fédéral (Ro 5.12-21). Par cette expression, nous indiquons le rôle de représentation d’Adam pour la race humaine[14], au-delà de son individualité. Cette alliance est aussi connue sous les expressions d’alliance de la nature (Cocceius), alliance de la vie, alliance édénique (Berkhof)[15] ou alliance créationnelle (Robertson)[16]. Au sujet de cette diversité, Ligon Duncan met en garde de penser qu’un terme différent implique un sens différent et qu’inversement, des termes similaires décrivent parfois une réalité différente[17]. Nonobstant la terminologie employée, la particularité de cette alliance concerne la promesse de vie en cas d’obéissance et de mort en cas de désobéissance, d’où sa désignation « d’alliance de la vie ». Par conséquent, les œuvres sont la condition préalable de la réalisation de cette promesse[18]. Au sein de la tradition confessionnelle, il est surprenantde constater que la Confession de foi baptiste de Londres de 1689 (CFBL), qui suit généralement les confessions de Westminster et de Savoie, fait silence sur l’emploi du terme « alliance des œuvres » à quelques endroits où le lecteur averti aurait pu s’attendre à cette mention, soit aux articles 6.1, 7.2 et 19.1. Malgré cette absence, les articles 5.4, 7.2, 19.2, 19.2 décrivent l'alliance des œuvres sans la nommer. De plus, le concept se retrouve à l’article 19.6 et est exprimé uniquement à l’article 20.1 : « l’alliance des œuvres ayant été détruite par le péché, et rendue inutile pour la vie, il a plu à Dieu d’annoncer la promesse de Christ ».

La principale critique adressée contre l’alliance des œuvres est que cette expression n’est pas biblique. Nous examinerons cette critique selon trois perspectives, soit en étalant des arguments bibliques qui démontrent que le concept se retrouve dans l’Écriture, en exposant les éléments allianciels que nous retrouvons dans les trois premiers chapitres de Genèse et en démontrant que l’écriture décrit la transgression de cette alliance. Par la suite, nous aborderons brièvement la notion de la période probatoire d’Adam. Nous reléguons le problème de la possibilité de la grâce avant la chute lors du traitement de l’alliance de grâce.

L’alliance des œuvres est un concept biblique

Le premier argument en faveur de l’existence de l’alliance des œuvres concerne son origine biblique. L'absence du terme dans la Bible n’équivaut pas à l'existence du concept. Justin Taylor souligne la distinction entre les mots et les concepts : ce n’est pas parce qu’un terme est omis dans un texte particulier qu’il faut conclure en l’absence du concept[19]. Par exemple, le mot Trinité ne peut être trouvé dans la Bible, mais ce terme théologique résume clairement des affirmations de l’Écriture. Un exemple pour soutenir cet argument provient de l’alliance entre Dieu et David. En 2 Sam 7 et 1 Ch 17, lorsque Dieu initie cette relation, le terme d’alliance n’est pas utilisé, même si le contenu du texte est clairement allianciel. De plus, la révélation subséquente, en 2 Sam 23.5 et Ps 89.4, mentionne explicitement qu’une alliance a été contractée entre Dieu et David. Ainsi, bien qu’absent, le concept peut exister.

Lorsque nous examinons le récit du déluge, nous retrouvons les indices de l’existence du concept d’alliance prénoachique. Dans cette section du livre de Genèse, nous retrouvons pour la première fois le mot alliance. La première réaction est de considérer l’alliance faite par Dieu avec Noé comme étant la première alliance de l’histoire de l’humanité. Toutefois, bien qu’il s’agisse de la première itération du mot, l’expression qui inclut le mot alliance pointe vers la réalité d’une alliance précédente. Certes, ce récit du déluge doit être perçu avec raison par le lecteur comme un nouveau commencement pour l’humanité. Cependant, il ne s’agit pas d’une nouvelle alliance, mais du renouvellement d’une alliance existante. Cobb mentionne que l’expression utilisée n’est pas « d’établir (kāraṯ) son alliance avec Noé, ses descendants et toute chair, mais bien de la renouveler (qum, Ge 6.18, 9.9-11)[20] ». Pour Ligon Duncan, le langage employé nous force à comprendre qu’il y avait une alliance précédant celle qui est mentionnée[21]. Le terme de renouveler implique l’existence d’une alliance précédente et justifie pleinement la présence du concept d’alliance lors de la création.

Ce concept d’alliance créationnelle se retrouve aussi dans le livre du prophète Jérémie (Jer 31.35-36 ; 33.20-26). Dans ces passages, Dieu mentionne qu’il y eut une alliance avec le jour et avec la nuit, d’où l’idée d’une alliance entre Dieu et la création. Dans le cadre de cette alliance créationnelle, Dieu façonne Adam à partir de la poussière du sol et Ève à partir de la côte d’Adam. Ce couple réside dans le jardin d’Éden, qui est le temple de Dieu. En effet, le premier couple expérimentait la présence continuelle de Dieu et pouvait l’adorer adéquatement chaque jour. Il faut refuser la proposition erronée qu’Adam et Ève furent créés innocents, car ils ont été créés à l’image de Dieu et selon sa ressemblance (Ge 1.26-28 ; Ep 4.24 ; Col 3.10) avec un cadre d’existence défini. De surcroît, Adam n’était pas une créature comme les autres dans le jardin : il existe comme prêtre royal qui devait gouverner de la part de Dieu dans le cadre de cette alliance créationnelle.

Nous pouvons en conclure que les Écritures soutiennent le concept d’une alliance survenue lors de la création, même si le terme est absent.

L’alliance des œuvres contient les éléments allianciels dans le récit de la Genèse

Le deuxième argument en faveur de l’existence de l’alliance des œuvres concerne la présence des éléments d’une alliance créationnelle dans les premiers chapitres du livre de la Genèse. Paul Enns conteste l’existence de l’alliance des œuvres sur la base du manque des éléments allianciels. Même s’il reconnait la présence de plusieurs principes fondamentaux communs aux alliances, il conclut qu’« aucune indication claire n’indique, cependant, que cet échange entre Dieu et Adam était en fait une alliance[22] ». Toutefois, plusieurs éléments que nous retrouvons dans les premiers chapitres de Genèse viennent contredire cette affirmation. Nous y retrouvons : deux parties prenantes (Dieu et Adam), la promesse de la vie éternelle, la condition d’une obéissance parfaite perpétuelle, la mort comme pénalité et l’arbre de vie comme symbole. Plus précisément, dans ce cadre de gouvernance, Dieu impose explicitement quatre conditions à Adam dans le cadre d’une alliance asymétrique[23]. En effet, les deux parties ne sont pas des partenaires à égalité et Adam se doit d’accepter les ordonnances telles qu’imposées unilatéralement par Dieu à sa créature. Nous les retrouvons clairement inscrites en Genèse 2.16-17 : observer la bénédiction liée au repos lors du sabbat, gouverner et travailler la terre ainsi que de se reproduire et de se multiplier sur la terre dans le cadre du mariage. Dieu a dicté ces quatre ordonnances (procréation, travail, sabbat et mariage) pour le bien d’Adam et de l’humanité et exige leur obéissance perpétuelle dans le cadre créationnel. Il ajoute aussi un test de foi à ces conditions, soit de faire confiance à Dieu en ne mangeant pas du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Adam et Ève devaient se soumettre à la connaissance provenant de Dieu et non pas rechercher l’autonomie. Les théologiens de l’alliance soutiennent que l’arbre de vie représente le signe de cette alliance et la promesse de la vie et des bénédictions, alors que l’arbre de la connaissance du bien et du mal représente le test de loyauté d’Adam envers cette alliance[24]. Nous lisons d’ailleurs que la malédiction d’Adam, qui condamne toute l’humanité suite à la désobéissance du premier homme, entraîne une triple mort : physique, spirituelle et éternelle (Ep 2.1). Notons que la mort, au sens biblique, ne signifie pas l’extinction de l’être, mais la séparation d’avec Dieu — l’unique source de vie[25]. Un fait notable subsiste : cette alliance ne comprenait aucun moyen d’expiation pour la désobéissance. Ceci implique que tous ont perdu les privilèges allianciels et demeurent sous la colère de Dieu. En effet, l’homme n’a pas acquis les bénédictions créationnelles ; la relation originale n’inclue aucune provision pour que les bénédictions de Dieu se poursuivent en cas de désobéissance. Les principes de base « vous observerez mes lois et mes ordonnances : l’homme qui les mettra en pratique vivra par elle (Lv 18.5, Ga 3.12) » et « le salaire du péché est la mort (Ro 6.23, He 12.28) » démontrent que la vie éternelle se mérite. À cause du péché, l’alliance des œuvres peut seulement conduire à la mort[26]. Les Écritures décrivent adéquatement les éléments allianciels pour décrire l’alliance des œuvres.

L’alliance des œuvres a été transgressée

Le troisième argument en faveur de l’existence de l’alliance des œuvres provient de passages de l’Écriture qui indiquent qu’Adam a transgressé une alliance. Le prophète Osée (Os 6.7), alors qu’il fait référence à la désobéissance d’Israël à l’alliance mosaïque, écrit ce parallèle entre le peuple et Adam : « Ils ont, comme Adam, transgressé l’alliance ». Dans les différentes bibles, nous pouvons lire que le mot hébreu אָדָם (ʾā·ḏām), est traduit soit par « Adam », en référence au premier homme, ou par « l’être humain », faisant référence à l’humanité. La première possibilité implique qu’Adam était effectivement dans une alliance avec Dieu et qu’il l’a rompu. La deuxième possibilité fait référence à un trait caractéristique de la nature même de l’humain qui est de rompre l’alliance. Les livres de Job et des Psaumes (Job 31.33 ; Ps 82.7) évoquent la relation d’alliance en utilisant une expression similaire qui contient ces deux mêmes possibilités. Ces dernières peuvent soit signifier que nous agissons comme Adam en cachant nos transgressions et en étant affecté par la réalité de la mort, ou que cacher nos transgressions et mourir sont le propre de l’humanité. Un autre appui scripturaire provient du prophète Ésaïe (Es 24.5) où il est écrit que les habitants profanent l’alliance éternelle et méritent par conséquent un jugement universel. Les expressions « profaner une alliance éternelle » et « l’universalité d’un jugement » pointent vers la réalité d’une alliance créationnelle. Pour sélectionner la traduction la plus juste de ces versets, nous utiliserons deux arguments : l’un est herméneutique, alors que l’autre est logique. Nous rappelons le présupposé herméneutique que la révélation s’éclaire elle-même et que le Nouveau Testament éclaire l’Ancien. Cette démarche herméneutique permet de constater le bris d’une alliance des œuvres. Paul, dans l’épître aux Romains (Ro 5.12-19) explique qu’Adam a été le premier à transgresser la loi et à subir la mort ; en tant que tête fédérale, ces deux éléments sont maintenant incorporés dans la nature humaine. Christ, second Adam, est une tête fédérale au même titre qu’Adam, mais accomplit parfaitement les conditions de l’alliance. Ce parallèle entre Christ et Adam est un argument analogique, car s’il y a des conditions alliancielles accomplies par le Christ comme second Adam, il devait y avoir des conditions alliancielles non accomplies par le premier Adam. Par conséquent, les trois références bibliques mentionnées (Os 6.7, Job 31.33 et Ps 82,7) doivent se traduire par Adam et non par « les hommes », bien que le second résulte du premier. Pour Cobb, « l’interprétation qui respecte le mieux la force de la comparaison semble donc être celle qui met en parallèle l’action d’Israël, partenaire d’alliance avec YHWH, et Adam, qui a transgressé la relation originelle avec son Créateur)[27] ». Ceci implique la rupture d'une alliance prélapsaire conditionnelle[28]. Nous pourrions arriver à la même conclusion à partir d’un argument logique : si la pénalité prévue par Dieu en cas de désobéissance est la mort et qu'elle fut imputée à Adam lors de la chute, il est implicite que la vie correspond à la bénédiction en cas d’obéissance. Nous pouvons en conclure que transgresser une alliance implique son existence.

L’alliance des œuvres et la durée de la période probatoire

Le principe d’opération de l’alliance des œuvres consiste à dicter les œuvres que l’homme doit accomplir pour conserver sa propre justice. Cette nomenclature théologique est choisie en fonction de son point central, soit l’accomplissement des œuvres par l’homme. En vertu de cette alliance, Adam se trouvait dans une période de probation, une période de test, suite à laquelle il aurait obtenu la vie éternelle en permanence. En effet, les tenants de la théologie de l’Alliance ne considèrent pas qu’Adam resterait dans cet état durant toute l’éternité, advenant son obéissance parfaite au commandement[29]. La raison scripturaire évoquée pour soutenir cette affirmation provient du parallélisme entre Adam et Christ, car Jésus a été testé pendant un temps limité, ce qui suggère qu’Adam aurait été testé également durant un temps limité. Toutefois, il est impossible de connaître le temps qu’aurait duré la période de probation. D’autre part, l’Écriture est silencieuse quant à la récompense qu’Adam aurait obtenue pour son obéissance. Le dogmaticien Herman Hoeksema conclut : « Que la relation entre Dieu et Adam, dans son état de justice, était une relation d’alliance, nous l’admettons volontiers. Mais que cette alliance devrait être un accord établi entre Adam et son créateur, consistant en une condition, une promesse et une pénalité, et qu’elle était essentiellement un moyen par lequel Adam pourrait s’élever jusqu’à l’état le plus élevé de vie éternelle et de gloire céleste qui est maintenant atteint par les croyants en Christ, nous le renions[30] ». L’Écriture mentionne effectivement qu’Adam se trouvait sous un commandement probatoire, mais l’Écriture ne contient aucune trace qui indique qu’Adam aurait obtenu la vie éternelle suite à son obéissance. En évitant la mort physique, il aurait certainement obtenu continuellement la vie dans un état terrestre, mais ceci diffère de la compréhension biblique de la vie éternelle et de l’état de gloire promis au croyant[31].[32]

Conclusion

L’alliance des œuvres porte ce nom, car elle est conditionnelle à l’obéissance d’Adam. Elle promet la vie éternelle s’il obéit et le châtiment s’il désobéit. Nous préférons toutefois l’expression d’alliance créationnelle. En effet, il est difficile de soutenir bibliquement la durée probatoire et la récompense de la vie éternelle. Toutefois, nous affirmons que cette alliance est toujours actuelle pour l’être humain, car tous naissent dans ce cadre. L’apôtre Paul argumente d'ailleurs ainsi dans son épître aux Romains (Ro 10.5) : « Voici en effet comment Moïse définit la justice qui procède de la Loi : celui qui se soumettra aux exigences de la Loi vivra grâce à cela ». Ce désir d’être justifié par notre accomplissement de la loi fait partie de notre ADN de créature, car Dieu a créé l’être humain à l’intérieur de cette alliance. Toutefois, cette justification s'avère impossible, car nous sommes moralement corrompus et totalement dépravés. C’est la conclusion à laquelle arrive le pasteur québécois Pascal Denault : « Sous l’alliance des œuvres, la vie éternelle ne peut être donnée, elle doit être méritée. Mais maintenant en raison du péché, l’Alliance des œuvres est inefficace pour procurer la vie, elle ne peut que donner la mort (Ga 3.21 ; Ro 8.3)[33] ». Alors pourquoi est-ce que le terme d’alliance ne se retrouve-t-il pas verbatim ? Ligon Duncan propose que Moïse, auteur inspiré, voulait éviter un anachronisme[34].

Néanmoins, l'importance pour nous consiste à connaître l’existence de cette alliance, car l’être humain s’y trouve dès la naissance, même les enfants des croyants. Il est écrit : « nous étions par nature des enfants de colère comme les autres (Ep 2.3c) ». Étant rebelle à l’alliance comme Adam et sans aucune possibilité d’être sauvés par les œuvres, la compréhension de la nécessité de la grâce et de l’accomplissement de cette alliance originelle par Christ se veut une connaissance essentielle pour la vie. Dans la transmission de ce message d’espoir du Christ pour l’humanité, O. Palmer Robertson met l’accent sur la compréhension de cette alliance pour un juste exercice du mandat missionnaire : « La participation totale à la vie de la relation d’alliance fournit le cadre pour examiner le lien entre la grande commission et le mandat culturel[35] ».

L’alliance de la rédemption

L’alliance de rédemption, aussi appelée le Conseil de Paix (Vos[36]), se définit comme un pacte éternel intratrinitaire dans lequel Dieu le Père envoie le Fils par la puissance de l’Esprit pour le salut de la race humaine. Pour Fesko, il s’agit d’une « alliance prétemporelle intratrinitaire entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit pour planifier et exécuter la rédemption des élus[37] ». Pour Meredith Kline, elle se veut une alliance des œuvres entre le Père et le Fils dans son rôle de second Adam[38]. La confession de foi de Londres de 1689 présente la rédemption par Christ comme une alliance-transaction éternelle entre le Père et le Fils. Il y est écrit au paragraphe 7.3 : « Elle est fondée dans l’alliance-transaction éternelle entre le Père et le Fils concernant la rédemption des élus. Ce n’est que par la grâce de cette alliance que tout membre de la postérité d’Adam déchu a jamais été sauvé, et a obtenu la vie et la bienheureuse immortalité, puisque maintenant l’homme est complètement incapable d’être accepté par Dieu dans les conditions qui étaient valables pour Adam dans son état d’innocence[39] ». Il est aussi écrit au paragraphe 8.1 : « Il a plu à Dieu, dans son dessein éternel, de choisir et d’établir le Seigneur Jésus, son Fils unique, selon les termes de l’alliance faite entre eux deux, comme Médiateur entre Dieu et l’homme, Prophète, Prêtre et Roi, Chef et Sauveur de son Église, Héritier de toutes choses, Juge du monde. Il lui a donné de toute éternité un peuple qui soit sa postérité, et qu’il rachètera en temps voulu, l’appelant, le justifiant, le sanctifiant, et le glorifiant[40] ».

Le systématicien Louis Berkhof résume l’essence de cette alliance ainsi : « Ils ont fait alliance pour réaliser la rédemption de la race humaine, par laquelle le Père a donné mission au Fils d’être le médiateur ; le second Adam, dont la vie sera sacrifiée pour le salut du monde, c’est le Fils qui accepte le mandat, et promet d’exécuter ce que le Père lui a demandé et d’accomplir tout ce qui est juste en obéissant à la loi de Dieu[41] ». Conclue avant la création du monde, cette alliance intratrinitaire est évidemment prélapsaire.

Comment pouvons-nous savoir ce qui se cache dans les pensées de Dieu avant la fondation du monde ? Trois critiques ont été lancées contre cette proposition d’alliance théologique. La première concerne l’absence du terme alliance de rédemption dans la Bible (Murray). La deuxième s’oppose à la possibilité d’une alliance au sein de la Trinité à cause de l’égalité des personnas au sein de la Trinité (Robertson). La troisième pointe l’absence de caractéristiques propres aux alliances (Williamson). Examinons ces critiques[42].

L’alliance de rédemption provient de la terminologie biblique

La première critique s’appuie sur un biblisme littéral, car, à l’instar de l’alliance des œuvres, l’expression alliance de rédemption n’est pas explicitement utilisée dans la Bible. Dans ce cas, nous constatons l’absence du mot alliance pour décrire les modalités contractuelles associées à la rédemption. Toutefois, comme dans le cas de l’alliance davidique, deux indices scripturaires nous invitent à considérer qu’une telle alliance a eu lieu.

Le premier indice scripturaire de la possibilité d’une alliance de rédemption consiste en ce qu’une alliance éternelle demeure cachée dans les pensées secrètes de Dieu qu’il révèle à ses élus (Ps 25.14). Certains passages pointent vers la réalité que des discussions intratrinitaires sont révélées par des messagers humains. Cette assertion peut être prouvée par deux exemples. Le premier provient du Psaume 2.6-8, dans lequel le roi David, sous l’inspiration du Saint-Esprit, révèle une conversation divine qui s’est déroulée dans l’éternité passée. Ce qui nous intéresse est l’utilisation du mot décret par lequel Dieu le Père édicte que le Fils obtiendra le trône et le règne sur la terre à partir de Sion. Ce passage à caractère messianique n’est pas le seul à en faire mention (Luc 22.29 ; Ac 13.33 ; He 1.5, 5.5). Nous retrouvons des traces de cet édit dans d’autres psaumes (40.8-10 ; 89.4) et l’application au Fils dans l’épître aux Hébreux (He 10.5-9). Il y a donc un pacte conclut entre le Père et le Fils concernant l’établissement d’un Règne futur de ce dernier sur la terre. Le deuxième exemple provient de la plume du prophète Ésaïe. Ce dernier utilise le mot alliance dans les chants du serviteur souffrant. Nous retrouvons ce concept en particulier dans les versets 5 à 7 du chapitre 42 (Es 42.5-7) où il est écrit que le serviteur souffrant est donné par Dieu le Père pour faire alliance avec le peuple. Ce serviteur souffrant n’est nul autre que le Fils (Ph 2.5-11). Un décret concernant l’accomplissement de la rédemption par le Fils se retrouve dans la Bible. Ces passages nous font réaliser qu’une entente — un décret, un pacte ou une alliance — a eu lieu entre le Père et le Fils concernant l’établissement du Règne du Père sur terre par le Fils. Ce Règne implique le salut des sujets du royaume.

Le deuxième indice scripturaire de la possibilité d’une alliance de rédemption concerne l’existence d’un plan dans le conseil de Dieu depuis la fondation du monde pour le salut des élus (Ro 8.28-30). Plusieurs passages scripturaires viennent appuyer la réalité d’un plan éternel pour le salut. Dans ses épîtres, l’apôtre Paul souligne que Christ a exécuté un dessein éternel (Ep 3.11, 2 Ti 1.9) en faveur des sujets du royaume qui ont été élus depuis la fondation du monde (Ep 1.4-5, 2 Th 2.13). Les épîtres générales contiennent aussi de telles affirmations (Ja 2.5 ; 1 P 1.2, 18-20). L’apôtre Jean apporte une précision utile : l’Agneau de Dieu a été immolé pour le salut de ceux inscrits dans le livre de vie avant la fondation du monde (Ap 13.8). Le Christ a donc subi la mort par obéissance (Ph 2.8) aux stipulations du décret menant au salut des élus.

Par conséquent, nous confirmons que l’expression alliance de rédemption ne se retrouve pas littéralement dans la Bible et que la critique semble fondée. Toutefois, l’examen scrupuleux des Écritures confirme qu’il y a eu un ou des décrets faits dans l’éternité passée pour le salut des élus entre le Père et le Fils. De plus, cette entente a historiquement été nommée par différentes expressions synonymiques. Un terme théologique doit être choisi et défini bibliquement pour décrire cette réalité, ce que les confessions de foi ont fait par l’utilisation du mot alliance. À première vue, celui qui retient notre attention est conseil, provenant du grec βουλή[43] (Ep 1.11). Une question demeure : est-il juste d’utiliser l’expression réformée alliance de rédemption pour décrire cette entente ? Les mots rédemption et salut demeurent des termes qui ne sont pas disputés, car ils sont jugés convenables pour décrire la réalité biblique. Par contre, l’utilisation du mot alliance reste à prouver pour décrire cette relation. Pour certains, l’étude de ce mot s’avère nécessaire avant de répondre aux autres critiques[44].

L’alliance de rédemption peut être intratrinitaire

Cette question nous mène vers la deuxième critique qui concerne la possibilité d’une alliance au sein de la Trinité. Plus particulièrement, elle s’exprime par la question : est-ce que cette alliance théologique peut avoir eu lieu entre les membres de la Trinité malgré l’égalité de leur essence ? Il s’agit d’une réflexion sur la vie du Dieu trinitaire ad intra et ses activités ad extra, « qui nous permet de connaître les relations et la vie intérieure des trois personnes de la Trinité divine en tant que vie alliancielle[45] ». Le réputé théologien O. Palmer Robertson utilise une terminologie de l’alliance qui exclut la possibilité d’une alliance de rédemption intratrinitaire. En fait, lorsqu’il utilise l’expression Covenant of Redemption, il fait constamment référence à l’alliance de grâce, car pour lui, il est impossible qu’une alliance asymétrique intratrinitaire ait eu lieu. Nous rappelons que le spectre de définitions du terme alliance va de la mutualité et l’unilatéralité de la relation liante. Cette réalité permet de nous détacher du présupposé adopté par Robertson. Nous examinerons ces deux possibilités.

La première est que l’alliance de rédemption soit contractée entre des égaux avec des responsabilités mutuelles. Dans les relations humaines, plusieurs exemples d’alliances mutuelles entre égaux existent pour illustrer cette possibilité, telle que les alliances militaires (OTAN). Nous rencontrons plusieurs exemples d’alliances symétriques entre êtres humains dans la Bible. Nous ne possédons, bien entendu, aucun exemple concret d’alliances intratrinitaires qui pourraient nous servir de modèle comparatif pour déterminer la mutualité ou l’unilatéralité de telles alliances et ainsi valider le concept théologique d’alliance de la rédemption. Néanmoins, nous postulons que cette dernière se révèle comme l’unique alliance divine appartenant à la catégorie d’alliances symétriques. Dabney, qui maintient l’égalité des personnes divines, définit l’alliance de rédemption comme « un contrat libre et optionnel entre deux égaux, contenant des stipulations qui se transforment en condition causale[46] ». Il précise qu’il y a un accord parfait entre les parties qui excluent tout doute concernant l’accomplissement des conditions et l’octroi des récompenses[47]. De plus, il est notable que malgré l’égalité de leur essence, les membres de la Trinité n’ont pas les mêmes fonctions économiques. Certains actes sont réservés à chacun d’entre eux. Il ne semble pas y avoir de contradiction au sein de la Trinité entre égalité ontologique et activités économiques. Pour Ligon Duncan l’affirme : la subordination n’est pas ontologique, mais économique[48]. Le terme complémentarité est souvent utilisé pour exprimer ce concept, tant au niveau de la Trinité que dans la relation de couple. En ce qui concerne l’œuvre de rédemption, cette distinction des fonctions est explicite dans la division des tâches : le Père est l’instigateur, le Fils est l’exécuteur et le Saint-Esprit est l’applicateur (Ep 1.3-14)[49]. L’accusation portée contre l’absence d’un rôle pour le Saint-Esprit dans cette alliance apparait infondée : J. V. Fesko le démontre avec vigueur[50]. Les œuvres externes du Dieu trinitaire sont indivisibles (opera trinitatis ad extra indivisa sunt). Pour Berkhof, les parties se rencontrent sur le fondement de l’égalité ; une vraie suntheke[51].

La deuxième possibilité est l'imposition de l’alliance de rédemption par le Père sur le Fils. Évidemment, les alliances divino-humaines que l’on retrouve dans la Bible sont unilatérales, étant établies suivant le modèle d’entente entre un souverain et un vassal, comme l’a démontré Kline[52]. Elles sont toutes asymétriques, de sorte qu’elles impliquent une relation d’autorité entre les parties. Si ce concept est appliqué à l’alliance de rédemption, cela impliquerait que le Fils soit subordonné au Père dans le cadre de cette alliance. Les vérités scripturaires nous permettent de dresser un portrait à grands traits de la soumission volontaire du Fils, malgré l’égalité ontologique (communément appelé subordination fonctionnelle du Fils[53]). Nous voyons d’une part que le Christ s’est dépouillé lui-même pour prendre une condition de serviteur (Es 42, 53, Ps 40.7-8, Ph 2.5-11). Bien que divin dans son essence, il a pris une condition de serviteur souffrant et a obéi jusqu’à la mort, afin de remplir la pénalité prévue dans l’entente éternelle. Il s’agit de la pénalité alliancielle décernée pour nos manquements aux stipulations. Robertson appuie cet argument en affirmant qu’ : « en raison de violations de l’alliance, les hommes ont été condamnés à mort. Christ prît sur lui-même les malédictions de l’alliance et il mourut à la place du pécheur. Sa mort était alliancielle et non testamentaire[54] ». En considérant cet aspect, une alliance unilatérale pourrait être envisagée entre le Père et le Fils pour décrire l’entente concernant le salut. Ceci ne veut pas dire que les deux ont une volonté différente et que la volonté du Père écrase celle du Fils. Ils partagent les mêmes buts et objectifs, mais exprimés par une perspective différente. Il n’y a donc pas de fracture dans la volonté du Dieu trinitaire[55].

Par conséquent, les définitions proposées pour le terme d’alliance permettent de supposer l’unilatéralité ou la mutualité entre les parties. Comme nous avons étayé, les relations intratrinitaires ne restreignent pas l’établissement d’une alliance entre les parties sous l’une ou l’autre des deux modalités. L’Écriture les décrit et les théologiens réformés les ont nommés ainsi : l’alliance symétrique fait référence à l’alliance de rédemption et l’alliance asymétrique fait référence à l’alliance de grâce. La critique se précise donc ainsi : est-ce que les caractéristiques intrinsèques aux alliances sont explicitées dans l’Écriture pour décrire le pacte intratrinitaire lié à la rédemption ?

L’alliance de rédemption possède les caractéristiques alliancielles

La troisième critique est qu’une alliance doit inclure certaines modalités que l’on ne retrouve pas dans la Bible en ce qui concerne l’alliance de rédemption. Paul R. Williamson rappelait encore récemment ce vieil argument que cette alliance est une « pensée scolastique qui manque clairement de soutien biblique[56] ». Bavinck n’est pas étranger à cette critique et reconnaît que le développement de cette doctrine « n’a pas été épargné de la subtilité scolastique[57] ». En réponse à cette critique, le théologien américain Charles Hodge affirme que ce pacte inclut trois éléments fondamentaux d’une alliance, soit les parties contractuelles, les conditions et les promesses. Il écrit : « Lorsqu’une personne assigne une œuvre stipulée à une autre personne avec la promesse d’une récompense à la condition de l’exécution de ce travail, il y a une alliance. Rien ne peut être plus clair que tout cela est vrai par rapport au Père et au Fils. Le Père a donné au Fils un travail à faire ; il l’a envoyé dans le monde pour l’accomplir et lui a promis une grande récompense quand le travail a été accompli... Nous avons donc les parties contractantes, la promesse et la condition. Ce sont les éléments essentiels d’une alliance[58] ».

Examinons la véracité de cette affirmation à la lumière de l’Écriture[59]. Jésus lui-même déclare être envoyé par le Père (Jn 5.36) pour accomplir l’œuvre qui lui a été donnée. Il dit d’ailleurs : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre (Jn 4.34) ». L’alliance de rédemption implique deux parties prenantes, soit le Père et le Fils. Le premier donne des tâches au second (Ps 2.7-9, Es 42.6-7) afin qu’il les exécute dans le cadre de sa mission terrestre (Jn 5.30 ; 6.37-40 ; 17. 2-12). Le Fils est envoyé par le Père pour une mission de sauvetage en tant que Sûreté (He 7.22)[60]. Cette alliance comporte trois conditions que doit remplir le Fils[61]. La première consiste à prendre la nature humaine dans sa faiblesse, mais sans le péché (Ga 4.4 ; He 2.10-15 ; 4.15). La deuxième exige de se placer sous la loi dans le but de l’accomplir et de pouvoir payer la pénalité du péché. Ainsi, le Fils peut obtenir la justification des élus (Ga 1.4 ; 4.4-5). La troisième consiste à porter les péchés des hommes en s’offrant en sacrifice. Les promesses du Père faites au Fils sont de l’oindre et de l’assister par le Saint-Esprit (Es 11.1-3, 42.1-4), de le soutenir dans son œuvre (Es 42.6-7. Luc 22.43), de le délivrer de la mort, de l’élever à sa droite pour régner (Ps 16.8-11. Ph 2.9-11) et d’envoyer le Saint-Esprit pour amener les élus à la foi afin de former et d’édifier l’Église (Jn 14.26, 15.26, 16.13-14, Ac 20.28, Ro 8.29-30, Ep 1.11-13, 3.9-11, 1 P 1.5). Deux récompenses seront octroyées au Fils : élever et préserver les élus (Jn 6.37-45) et lui offrir des élus de toutes tribus, langues et nations qui proviennent des quatre coins de la terre (Ps 2.7, 22.27, 72.17, 110.1, Ep 1.4-12He 12.1-3, 13.20, Ap 5.9). Le contenu inclus dans l’alliance de rédemption se comprend sous la forme de décrets spécifiques. Selon Bavinck, ce conseil éternel de paix contient trois décrets : le décret de l’élection du peuple de Dieu par le Père, le décret de l’accomplissement de la rédemption par le Fils et le décret de l’application de la rédemption par le Saint-Esprit[62]. Ainsi formulée, l’alliance de rédemption se veut une entente faite entre les trois membres de la Trinité qui y participent selon une charge d’activités définies. Une alliance intratrinitaire permet d’exprimer ces données scripturaires d’une manière synthétique et compréhensible.

Conclusion

L’examen de la révélation scripturaire démontre la réalité du pacte intratrinitaire et pointe vers la notion d’alliance. Nous retenons la proposition de Greg Nichols selon laquelle l’expression de « conseil éternel de Dieu pour la rédemption[63] » représente mieux le témoignage biblique. Nous affirmons, suite à l’examen scripturaire et en accord avec la terminologie confessionnelle, que ce pacte est une alliance théologique. Le salut de l’humanité n’est pas postlapsaire, mais est un plan soigneusement conçu et bien modelé du Dieu trinitaire pour sauver les pécheurs indignes[64]. L'alliance divine scelle l'œuvre de rédemption : cette réalité se veut l’assurance de notre salut et la présence du Saint-Esprit dans nos vies. Cette construction théologique a une valeur pratique : une juste compréhension de l'alliance de rédemption élimine les doutes ressentis concernant la possession du salut et écarte les affirmations sur la possibilité de la perte du salut. Par conséquent, nous concluons avec deux citations. La première provient d’Osterhaven : « Sur cette base, la théologie de l’alliance affirme que Dieu le Père et Dieu le Fils sont entrés en alliance pour racheter la race humaine : le Père nommant le Fils médiateur, le second Adam, dont la vie serait donnée pour le salut du monde, et le Fils acceptant le mandat et promettant d’accomplir toute justice en obéissant à la loi de Dieu. Ainsi, avant la fondation du monde, dans l’être éternel de Dieu, il avait été déterminé que la création ne serait pas détruite par le péché, mais que la rébellion serait vaincue par la grâce de Dieu, que le Christ deviendrait la nouvelle tête de l’humanité et que Dieu serait glorifié [65]». La seconde est de la plume de Fesko : « L’alliance [de rédemption] implique la nomination du Fils comme Sureté de l’alliance de grâce qui accomplit la rédemption des élus par son incarnation, l’obéissance parfaite, la souffrance, la résurrection et l’ascension. L’alliance de rédemption est aussi la racine du rôle de l’Esprit d’oindre et d’équiper le Fils pour sa mission de Sureté et d’appliquer son œuvre achevée aux élus[66] ».

L’alliance de grâce

L’alliance de grâce, selon Vos, « est le lien gracieux entre le Dieu offensé et le pécheur dans lequel Dieu promet le moyen du salut par la foi en Christ et le pécheur reçoit ce salut en croyant[67] ». Pour Bavinck, « le caractère essentiel de l’alliance de la grâce, en conséquence, réside dans le fait qu’elle procède de la grâce spéciale de Dieu et n’a pour son contenu rien d’autre que la grâce[68] ». Coextensive avec l’alliance de rédemption, elle se veut une alliance particulière et non universelle. Elle s’appuie sur une fondation éternelle qui ne peut ni changer[69] ni être brisée. En d’autres mots, elle dévoile le plan de salut de Dieu dans l’histoire de l’humanité. Par conséquent, elle englobe toutes les alliances entre Dieu et un représentant de l’humanité : Noé, Abraham, Moïse, David et le Christ. La Bible témoigne donc d’une seule alliance de grâce, dévoilée progressivement et conclue formellement. Elle est décrite dans la CFBL 1689, à l’article 7.2 et 7.3 : « Bien plus, puisque l’homme s’est placé sous la malédiction de la loi par sa chute, il a plu au Seigneur de faire une alliance de grâce, dans laquelle il offre gratuitement aux pécheurs la vie et le salut par Jésus-Christ, requérant d’eux la foi en lui pour être sauvés. Il y promet en outre de donner son Esprit saint à tous ceux qui sont destinés à la vie éternelle, pour les rendre désireux et capables de croire. Cette Alliance est révélée dans l’Évangile tout d’abord à Adam, dans la promesse du salut par la postérité de la femme, et par la suite, progressivement, jusqu’à sa révélation complète dans le Nouveau Testament. Elle est fondée dans l’Alliance-transaction éternelle entre le Père et le Fils concernant la rédemption des élus[70] ».

Dans cette partie, nous répondrons à trois critiques qui lui sont adressées. Ces critiques peuvent se résumer aux trois questions suivantes. Dieu n’agissait-il pas avec grâce envers Adam, bien avant la chute ? Comment concevoir la relation entre l’alliance de rédemption et l’alliance de grâce ? Quelle est sa relation avec les alliances bibliques ?

L’alliance de grâce et la nécessité de la grâce de Dieu

L’alliance de grâce est l’expression de l’alliance de rédemption dans l’histoire humaine après la chute (Ge 3). Elle porte ce nom, car Dieu a offert sa grâce à l’humanité déchue. Ce qui est contesté n’est pas la grâce de Dieu envers l’humanité, mais le moment où la grâce de Dieu lui est offerte. Certains, même dans la tradition réformée (Barth, Murray), ont affirmé que la relation entre Dieu et l’Homme a toujours été de nature gracieuse, même avant la chute. Pour ces derniers, l’alliance de grâce débute dès la création. Pour Karl Barth, dont la pensée a été suivie par plusieurs théologiens réformés, une seule alliance s’avère nécessaire, car la création serait la base externe de l’alliance et l’alliance serait la base interne de la création[71]. Nous répondrons à cette critique en modifiant la question ainsi : la grâce de Dieu pouvait-elle être donnée avant l’entrée du péché ? Pour Hodge, l’Écriture utilise le mot grâce selon trois significations : l’amour immérité, les faveurs imméritées ou l’influence supernaturelle du Saint-Esprit[72]. Nous ne remettons pas en cause que Dieu était bon et aimant dans sa relation initiale avec Adam. Mais selon la définition biblique de la grâce, cette dernière n’existait pas avant la chute, car le péché précède toujours la grâce[73]. L’apôtre Paul, dans l’épitre aux Romains (Rm 5.20), l’exprime en ces termes : « là où le péché a abondé, la grâce a surabondé ». Pour sa part, Duncan utilise la terminologie commerciale pour définir la grâce : « Lorsque vous dites la phrase, Jésus m’a racheté, nous pouvons la traduire ainsi : Jésus est allé au marché et m’a acheté. Dieu nous donne au Fils par sa grâce, parce que Christ nous a achetés[74] ». Par conséquent, la grâce de Dieu débute après l’entrée du péché dans l’humanité selon les conditions établies par l’alliance de rédemption, par laquelle Christ s’engage à remplir les conditions de l’alliance des œuvres. Ainsi pour Hodge, l’alliance de grâce débute avec un amour immérité de Dieu pour ses créatures, sans nécessiter pour ces dernières de produire des œuvres méritoires et inclut des cadeaux immérités pour le croyant de la part du Saint-Esprit[75]. Selon ces paramètres, elle débute en Genèse 3.

L’alliance de grâce et sa relation avec l’alliance de rédemption

Nous avons mentionné en introduction qu’il y avait différentes façons de concevoir la relation entre les alliances de rédemption et de la grâce au sein des théologiens de la Réforme. Ces possibilités découlent de confusion concernant des affirmations de l’Écriture dans lesquelles Christ est le représentant, la Sûreté et le médiateur entre Dieu et les hommes[76]. Pour Berkhof, trois possibilités de relation entre l’alliance de rédemption et l’alliance de grâce sont possibles. Ces possibilités dépendent des parties identifiées, spécialement en ce qui concerne la partie humaine : s’agit-il du pécheur[77] ou du pécheur élu en Christ[78]. La première possibilité est que l’alliance de grâce soit faite entre Dieu et l’Homme. Paul Enns exprime cette possibilité : « L’alliance de la grâce est une alliance passée par Dieu avec les élus, dans laquelle il offre le salut au pécheur élu en Christ[79] ». La deuxième est qu’elle soit conclue entre Dieu le Père, représentant la Trinité, et le Christ, représentant les élus. Robertson la nomme alliance de rédemption, mais la manière dont il définit ce terme correspond à cette deuxième possibilité de l’alliance de grâce. Il écrit, suivant les catégories suggérées par Kline[80] : « Les termes alliance de la création et alliance de rédemption [qui signifie ici alliance de grâce] peuvent servir de manière plus appropriée comme catégorie pour décrire le lien entre Dieu et l’homme avant et après la chute[81]. » Pour John Gill, il est impossible que l’Homme puisse être l’objet d’une telle alliance avec Dieu[82]. Il définit ainsi l’alliance de grâce comme étant « contractée entre Dieu et le Christ, et avec les élus en Lui, en tant que tête fédérale et représentant[83] ». Dans cette même pensée, William G.T. Shedd affirme que l’alliance de grâce et de la Rédemption ne devraient pas se comprendre comme des alliances distinctes, mais comme « deux modes, ou phases de l’alliance évangélique unique de la miséricorde[84] ». La troisième possibilité, que nous adoptons suivant Hodge, est que l’alliance de rédemption conclue entre le Père et le Fils est la source de l’alliance de grâce conclue entre le Père et son peuple avec comme médiateur le Fils. Cette coextensivité nous semble être la possibilité la mieux supportée scripturairement (Rm 5.12-21, 1 Co 15.21-22, 47-49). Néanmoins, pour Hodge, la différence doctrinale est négligeable entre ceux qui considèrent l’une ou l’autre de ces possibilités[85]. Ce qui importe est la présence de ces deux concepts dans l’articulation du système théologique : un plan intratrinitaire et son application historique. Ainsi, l’alliance de rédemption est éternelle, alors que l’alliance de grâce est temporelle ; la première est la fondation qui sécurise l’application de la deuxième.

Malgré leur coextensivité, les deux alliances diffèrent en ce qui concerne le rôle du Christ. Dans l’alliance de rédemption, nous avons abondamment justifié le rôle de Christ comme représentant de l’humanité et la Sûreté. En sa qualité de deuxième Adam, Chirst conclut l’alliance avec Dieu en tant que tête fédérale. Dans l’alliance de grâce, son rôle diffère, car il est le médiateur de l’alliance et notre souverain sacrificateur (He 9.11-15). Cette distinction peut se comprendre par la comparaison entre l’alliance de grâce et l’alliance des œuvres, car Dieu n’a établi que deux chemins pour aller au ciel. L’alliance des œuvres est le chemin au ciel de ceux qui n’ont pas chuté, alors que l’alliance de grâce est pour les humains déchus[86]. En sa qualité de second Adam, Christ accomplit l’alliance des œuvres en notre nom, et il nous applique gracieusement les bénéfices de son œuvre par la foi.

Relation avec les alliances bibliques

L’alliance de grâce unit les alliances bibliques. Ces dernières en sont les différentes administrations. Ainsi elle contient l’alliance adamique (Ge 3.15), l’alliance noachique (Ge 6, 9), l’alliance abrahamique (Ge 12, 15, 17), l’alliance mosaïque (Ex 19-24), l’alliance davidique (2 Sam 7) et la nouvelle alliance. Nous soulignons que les penseurs réformés ne considèrent pas tous que l’alliance mosaïque fait partie de l’alliance de grâce. Certains l’incluent dans l’alliance des œuvres, notamment Denault, ou considèrent qu’elle contient à la fois grâce et œuvres. La promesse contenue en Ge 3.15, identifiée comme l’alliance adamique, inaugure historiquement l’alliance de grâce. Jésus aurait pu accomplir ce mandat dès la chute d’Adam, mais l’Écriture nous indique que le plan devait arriver lorsque les temps furent accomplis (Ep 1.10 ; Ga 4.4). Dieu a jugé bon de fournir la trame de fond pour comprendre son plan de rédemption, avant son exécution historique. Pour Cobb, « il en découle que les alliances noachique, abrahamique et mosaïque, tout en ayant leurs spécificités propres, ont un point de départ commun — l’alliance créationnelle — ainsi qu’une finalité commune : contribuer, chacune à sa façon, au rétablissement de la situation originelle et à l’accomplissement du projet fondateur de l’histoire humaine. C’est pourquoi l’A.T. peut considérer les différentes alliances comme formant une unité, voire comme des “moments” particuliers d’une seule et même alliance (cf. Lv 26.42 ; De 4.31 ; 7.12 ; 29.12-13). Les alliances ultérieures prolongent et complètent les précédentes (De 1.8 ; 8.18 ; Ps 105.8-12, 42-45)[87] ».

Conclusion

L’alliance de grâce est l’accomplissement historique de l’alliance de rédemption, avec laquelle elle est coextensive. Elle inclut les alliances bibliques, qui en sont les différentes administrations.

Conclusion

Pour conclure, Dieu est un Dieu allianciel. Dans sa nature trinitaire, les trois personnas sont dans une véritable suntheke. Cette relation est la source de ses actions dans le temps et l’espace. Il y a ainsi une relation étroite entre la doctrine de la nature de Dieu et la doctrine de l’alliance. Par conséquent, les discussions avec les crédo-baptistes et les pédo-baptistes ont contribué à d’importantes distinctions concernant les théologies des alliances. Parmi celles-ci, nous retrouvons les dispensations, l’identité du peuple de Dieu, le baptême et signes de l’alliance. Toutefois, elles sont secondaires comparativement à l’élaboration d’une théologie de l’alliance qui soit connectée avec notre compréhension de la nature trinitaire de Dieu et de ses œuvres. Les discussions nord-américaines avec les dispensationalistes sont nécessaires et inévitables, mais le théologien de l’alliance doit s’ancrer fermement en premier lieu dans la doctrine de Dieu. Cet ancrage lui permettra de faire face à des critiques beaucoup plus sérieuses ; ces dernières sont survenues dans le passé et risquent de revenir de manière cyclique sous différentes formes.

Sébastien MORRISSETTE

Notes et références

  1. Pascal DENAULT, La théologie des alliances au 17e siècle : Une comparaison entre les compréhensions pédobaptiste et baptiste - Mémoire de maîtrise, Montréal, Faculté de théologie évangélique, 2010, p. II.
  2. Elle reconnaît trois alliances, soit le pactum salutis, pactum ad opera et pactum gratis.
  3. WCF 7.1, LCF 7.1.
  4. Earl M. BLACKBURN, « Covenant Theology Simplified », Covenant Theology: A Baptist Distinctive, Birmingham, Solid Ground Christian Books, 2012, p. 17.
  5. Anthony Andrew HOEKEMA, Herman Bavinck’s Doctrine of the Covenant, Princeton, Princeton Theological Seminary, 1953, p. 360.
  6. Paul ENNS, Introduction à la théologie, Trois-Rivières, Publications chrétiennes, 2009, p. 529.
  7. C.H. SPURGEON, « The Wondrous Covenant », The Charles Spurgeon Sermon Collection, www.thekingdomollective.com/spurgeon/sermon/3326, consulté le 19 avril 2021.
  8. M.E. OSTERHAVEN, op. cit., p. 216. « Thus Hebrews 7:22 calls Jesus the “surety” or “guarantee” of the new covenant. The context of this last passage repeatedly mentions God’s promise. He will be their God and they will be his people. He will bestow the grace they need to confess his name forever; they will live in trustful obedience from day to day. This faith is the covenant’s sole condition, and even it is God’s gift (Eph. 2:8–9). »
  9. Ligon Duncan, Covenant Theology – A Biblical, Theological, and Historical Study of God’s Covenants, https://www.monergism.com/covenant-theology-biblical-theological-and-historical-study-gods-covenants-ebook, p. 8, consulté le 22 avril 2021. « And if you don’t understand Covenant Theology, you are not ready to convey the Gospel in all of its glory and in all of it fullness to the people of God and to those outside of the covenant in order to draw them in to the experience of the fullness of the Covenant mercies. »
  10. Ligon DUNCAN, op. cit., p. 45, consulté le 22 avril 2021.
  11. Paul ENNS, op. cit., p. 535.
  12. Sa note de bas de page d’une longueur de 10 pages, dans son Church Dogmatics, demeure légendaire dans ses attaques contre la théologie de l’Alliance. Ligon DUNCAN, op. cit., p. 18.
  13. Il décrit les arguments des dispensationalistes comme un « popgun fight at the pool », en comparaison avec l’attaque barthienne. Loc. cit.
  14. Ligon DUNCAN, op. cit., p. 63.
  15. Louis BERKHOF, Systematic Theology, GLH Publishing, 2017, p. 211. Il y précise que l’alliance de la nature était le nom le plus commun. Ce nom fut abandonné pour éviter d'être interprété comme une relation naturelle entre l’Homme et Dieu. Les autres noms furent écartés afin d’éviter les ambiguïtés avec l’alliance de grâce.
  16. O. Palmer ROBERTSON. op. cit., p. 57. « The covenant of creation refers to the bond which God established with man by creation. »
  17. Ligon DUNCAN, op. cit., p. 62.
  18. Paul ENNS, op. cit., p. 533.
  19. TAYLOR, Justin, « Was there a Covenant of Works? », Covenant Theology : A Baptist Distinctive, Birmingham, Solid Ground Christian Books, 2012, p. 137. Il écrit : « l’absence d’un terme particulier n’implique pas l’absence d’un concept particulier ».
  20. D. COBB, op. cit., p. 436.
  21. Ligon DUNCAN, op. cit, p. 83
  22. Ibid., p. 536.
  23. Ligon DUNCAN, op. cit., p. 63.
  24. Earl M. BLACKBURN, op. cit., p. 30.
  25. Louis BERKHOF, op. cit., p. 217.
  26. Paraphrasant et traduisant Pascal DENAULT, The distinctiveness of Baptist Covenant Theology - A comparison between seventeenth-century particular Baptist and Paedobaptist federalism, Birmingham, Solid Ground Christian Books, 2013, p. 28. La discussion concernant l’alliance mosaïque comme alliance des œuvres se situe à l’extérieur des limites de la présente réflexion.
  27. D. COBB, « Alliance », Dictionnaire de théologie biblique, Charols, Editions Excelsis, coll. « OR », 2006, p. 434.
  28. Greg NICHOLS, op. cit., p. 331. « This text proves an Adamic covenant that was conditional and broken ».
  29. Justin TAYLOR, op. cit., p. 138.
  30. Herman HOEKSEMA, op. cit, p. 308. « That the relation between God and Adam in the state of righteousness was a covenant relation, we readily admit. But that this covenant should be an established agreement between Adam and his creator, consisting of a condition, a promise, and a penalty, and that it was essentially a means whereby Adam might work himself up to the highest state of eternal life and heavenly glory that is now attained by the believers in Christ, we deny. »
  31. Ibid., p. 308.
  32. Pour approfondir la discussion, lire Herman HOEKSEMA, Reformed Dogmatics, Vol I, Grandville, Reformed Free Publishing Association, 2004, p. 303-321; Justin TAYLOR, « Was there a Covenant of Works? », Covenant Theology: A Baptist Distinctive, Birmingham, Solid Ground Christian Books, 2012, p. 137-144.
  33. Pascal DENAULT, La théologie des alliances au 17e siècle : Une comparaison entre les compréhensions pédobaptiste et baptiste - Mémoire de maîtrise, op. cit., p. 23.
  34. Ligon DUNCAN, op. cit., p. 95.
  35. O. Palmer ROBERTSON, op. cit., p. 83. « The total life involvement of the covenant relationship provides the framework for considering the connection between the great commission and the cultural mandate ».
  36. Geerhardus VOS, Reformed Dogmatics — A System of Christian Theology, Bellingham, Lexham Press, 2020 (réimpression), p. 302. Le terme Conseil de Paix provient de Za 6.13.
  37. J.V. FESKO, op. cit., p. 121.
  38. Meredith Kline, Kingdom.
  39. Confession de foi Baptiste de Londres, op. cit, article 7.3.
  40. Confession de foi Baptiste de Londres, op. cit, article 8.1.
  41. Paul ENNS, op. cit., p. 534, traduisant Louis BERKHOF, Systematic Theology, op. cit., p. 218.
  42. Un examen minutieux soutenant le Conseil éternel de Rédemption est offert par Greg NICHOLS, Covenant Theology: A Reformed and Baptistic Perspective on God’s Covenants, Vestavia Hills, Solid Ground Christian Books, 2011, p. 303‑320.
  43.  H.G. LIDDEL, R. SCOTT, H.S. JONES & R. MCKENZIE, « βουλή », A Greed-English lexicon, Oxford, Clarendon Press, 1996, p. 325.
  44. Voir notre article Alliance pour une introduction sur le sujet.
  45. Herman BAVINCK, Reformed Dogmatics - Sin and Salvation in Christ, op. cit., p. 214.
  46. R. L. DABNEY, Lectures in Systematic Theology, Grand Rapids, Zondervan, 1976, p. 432.
  47. Ibid., p.431. Notre adaptation.
  48. Ligon DUNCAN, op. cit., p. 69.
  49. Louis BERKHOF, op. cit., p. 266.
  50. J.V. FESKO, The Trinity and the Covenant of Redemption, Geanies House, Christian Focus Publications, 2016, 343 p.
  51. Louis BERKHOF, op. cit., p. 266.
  52. Meredith KLINE
  53. Traduction des expressions anglophones Eternal Functionnal Subordination et Eternal Subordination of the Son.
  54. O. Palmer ROBERTSON, Christ of the Covenants, Phillipsburg, P&R Publishing, 1980, p. 12. « Because of covenantal violations, men were condemned to die. Christ took on himself the curses of the covenant and died in the place of the sinner. His death was covenantal, not testamentary. »
  55. Karl BARTH, Church Dogmatics, 14 vols., ed. G.W. BROMILEY, T.F. TORRANCE, Edinburgh, T&T Clark, 1936-68, vol IV, p. 1:65.
  56. Paul R. WILLIAMSON, « The Pactum Salutis: A Scriptual Concept or Scholastic Mythology? », Tyndale Bulletin, vol 69.2, Cambridge, Tyndale House, 2018, p. 281.
  57. Herman BAVINCK, Reformed Dogmatics - Sin and Salvation in Christ, Vol III, Grand Rapids, Baker Academic, 2006 (reimpression), p. 213.
  58. Charles HODGE, Systematic Theology, vol 2, Peabody, Hendrickson Publishers, 2003, p. 360. « When one person assigns a stipulated work to another person with the promise of a reward upon the condition of the performance of that work, there is a covenant. Nothing can be plainer than that all this is true in relation to the Father and the Son. The Father gave the Son a work to do; He sent Him into the world to perform it, and promised Him a great reward when the work was accomplished… We have, therefore, the contracting parties, the promise, and the condition. These are the essential elements of a covenant. »
  59. Geerhardus VOS, op. cit., p. 303-305, offre une présentation claire et concise de ces exigences.
  60. Ibid., p. 305-306, pour une discussion sur les termes fidejussor et expromissor.
  61. Ibid., p. 361-362.
  62. Herman BAVINCK, Reformed Dogmatics - Prolegomena, vol I, Grand Rapids, Baker Academic, 2003, p. 266–268.
  63. Greg NICHOLS, op. cit., p. 303.
  64. Earl M. BLACKBURN, op. cit., p. 30. « What is seen, from above mentioned passages, is that salvation is not an after-thought, but a carefully fashioned and well-planned blueprint of the triune God to save poor, undeserving sinners ».
  65. M.E. OSTERHAVEN, « Covenant Theology », Evangelical Dictionary of Theology, 3rd éd., Grand Rapids, Baker Academic, 2017, p. 216. On this foundation covenant theology affirms that God the Father and God the Son covenanted together to redeem the human race: the Father appointing the Son to be the mediator, the second Adam, whose life would be given for the world’s salvation, and the Son accepting the commission, promising to fulfill all righteousness by obeying God’s law. Thus before the foundation of the world, within God’s eternal being, it had been determined that creation would not be destroyed by sin, but rebellion would be overcome by God’s grace, Christ would become humanity’s new head, and God would be glorified.
  66. J.V. FESKO, op. cit., p. 121.
  67. Geerhardus VOS, op. cit., p. 310.
  68. Hermand BAVINCK, Reformed Dogmatics - Sin and Salvation in Christ, op. cit., p. 225
  69. Ibid., p. 215.
  70. CFBL, op. cit., article 7.2 et 7.3.
  71. M.E. OSTERHAVEN, « Covenant Theology », Evangelical Dictionary of Theology, 3rd éd., Grand Rapids, Baker Academic, 2017, p. 216. « Karl Barth proposed that creation is the external basis of the covenant, and covenant is the internal basis of creation. Subsequently, increasing numbers of Reformed theologians and biblical scholars propound one-covenant views. »
  72. Charles HODGE,op .cit., p. 357.
  73. Ligon DUNCAN, op. cit., p. 67.
  74. Ibid., p. 68.
  75. Charles HODGE, Systematic Theology, vol 2, op. cit., p. 357.
  76. Ibid., p. 357.
  77. Pour une analyse des vues pélagiennes, arminiennes et luthériennes, voir Charles HODGE, op. cit., p. 356.
  78. Voir Louis BERKHOF, Systematic Theology, op. cit., p. 273.
  79. Paul ENNS, op. cit., p. 34.
  80. Meredith G. KLINE, By Oath Consigned, Grand Rapid, 1968, p. 37. https://meredithkline.com/klines-works/by-oath-consigned/
  81. ROBERTSON, op. cit., p. 57.
  82. John GILL, Complete Body of Doctrinal and Practical Divinity, Vol I, Grand Rapids, Baker, 1978, p. 309. « Such a covenant, properly speaking, cannot be made between God and man, for what can man restipulate with God, which is in his power to do or give to hum, and which God has not a prior right unto? »
  83. Loc cit.
  84. Paul ENNS, op. cit., p. 534, traduisant William G.T. SHEDD, Dogmatic Theology, vol. 2, 2e Ed (réimpression), Nashville, Nelson, 1980, p. 360.
  85. Charles HODGE, Systematic Theology, vol 2, op. cit., p. 358.
  86. Herman BAVINCK, Reformed Dogmatics - Sin and Salvation in Christ, op. cit., p. 228.
  87. D. COBB, op. cit., p. 436.

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